L'infirmière Libérale Magazine n° 275 du 01/11/2011

 

Véronique Marin La Meslée, directrice de l’Ifsi de la Pitié-Salpêtrière, AP-HP

La vie des autres

Directrice d’Ifsi, Véronique Marin La Meslée s’applique depuis deux ans à la mise en œuvre de la réforme de la formation infirmière. Retour sur ce métier qu’elle exerce depuis quatre ans.

Ancienne infirmière générale de 1996 à 2002, puis coordinatrice générale des soins aux hôpitaux Bichat et Cochin, à Paris, Véronique Marin La Meslée est directrice de l’Ifsi de la Pitié-Salpêtrière depuis 2007. « Quand on m’a sollicitée pour la direction de l’Ifsi, je l’ai vu comme un défi à relever », raconte-t-elle. Et quel défi ! Avec la réforme Licence, master, doctorat (LMD) et l’introduction, en septembre 2009, du nouveau référentiel pour les études en soins infirmiers, les missions des directeurs d’Ifsi, définies au sein d’arrêtés de compétences, ont aussi évolué. Un arrêté du 31 juillet 2009 dispose que ces instituts de formation sont dirigés par un directeur responsable, entre autres, de la conception du projet pédagogique, de l’organisation de la formation initiale, préparatoire et continue ainsi que de l’encadrement de l’équipe pédagogique.

Les choix pédagogiques

« Je suis en effet le garant du projet pédagogique de l’Ifsi dans le respect de l’institution auquel il est rattaché, à savoir l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) », souligne Véronique Marin La Meslée. Le projet pédagogique comporte les orientations de la formation, sa conception générale et les choix pédagogiques en lien avec les métiers préparés.

« Ce projet dépend notamment de la vision qu’a l’équipe enseignante de l’infirmière de demain et des attentes d’un service. » Ainsi, à l’Ifsi de la Pitié-Salpêtrière, l’équipe a plutôt une vision hospitalo-centrée de la formation des étudiants, compte tenu de son adossement à un groupe hospitalo-universitaire.

Le projet d’école consiste aussi, pour l’établissement, à se positionner de façon géographique sur son territoire. « Étant financés par la région, nous devons répondre aux besoins propres de notre territoire, notamment pour trouver des solutions aux défis démographiques que constitue le vieillissement de la population et des soignants avec de nombreux départs de professionnels en cours ou à venir », rapporte la directrice. L’Ifsi de la Pitié-Salpêtrière est aussi sous la tutelle de l’AP-HP qui définit sa ligne budgétaire pour sa gestion courante.

L’enseignement et la formation des étudiants en soins infirmiers ont considérablement changé depuis la mise en œuvre du nouveau référentiel en septembre 2009, qui remplace le programme de 1992. Ce nouvel enseignement (lire encadré ci-contre) a un impact sur les 34 formateurs de l’Ifsi et sur les professionnels de terrain. Ces derniers ont manifesté des inquiétudes sur la légitimité qu’ils ont à former des étudiants d’une manière qui diffère de la leur. « Il y a un aspect psychologique avec le fait que les formateurs doivent encadrer des étudiants qui ont un bac +3 alors qu’eux-mêmes n’ont pas ce niveau de formation. » Il a donc fallu préparer les professionnels de terrain à ce nouvel enseignement, les soutenir et les rassurer, car ils ont en charge la formation de 670 élèves, toutes promotions confondues.

Chaque année, l’État décide du quota d’élèves infirmiers pour l’ensemble du territoire national. Ces quotas sont ensuite répartis par région puis par structure. Mais, actuellement, les Ifsi ne forment pas assez d’élèves infirmiers au regard de la demande.

Manque d’attractivité

Ce manque d’attrait pour la profession se fait surtout ressentir en Île-de-France puisque cette région offre d’autres possibilités de formation très variées. « Les futurs étudiants ne vont donc pas nécessairement faire le choix des études en soins infirmiers. » De plus, « il existe des contraintes propres à l’Île-de-France qui ne sont peut-être pas vues comme telles par les pouvoirs publics », estime-t-elle. Comme le prix des logements parisiens en décalage avec la rémunération des infirmiers ou les horaires de la profession, exigeants, avec un temps passé dans les transports en commun qui peut être très élevé. La directrice précise toutefois que, « pour des questions d’organisation, nous ne pouvons pas accueillir trop d’étudiants, faute de locaux suffisants et adaptés aux exigences du nouveau référentiel ». De plus, l’Ifsi est confronté à de réelles difficultés de recrutement.

Fidéliser en région parisienne

Néanmoins, Véronique Marin La Meslée joue un rôle majeur pour rendre le métier plus attractif. À la demande de la direction de l’AP-HP, les 18 Ifsi rattachés à l’institution réfléchissent à un plan d’attractivité pour la profession. Des journées de présentation de postes vont dorénavant être organisées dans les hôpitaux. « Nous cherchons également des moyens pour maintenir les infirmiers tout juste diplômés en région parisienne, car nombreux sont ceux qui viennent de province passer les concours à Paris. Mais, à l’issue de leur formation, ils repartent souvent dans leur région d’origine, ce qui ne permet pas de combler le manque d’infirmiers en Île-de-France », conclut-elle.

Elle dit de vous !

« Nous avons peu de contact avec les infirmières libérales au sein de l’Ifsi. Nous les côtoyons lorsqu’elles acceptent de prendre des étudiants en stage à leurs côtés. Elles viennent également lorsque nous organisons des travaux pour que les professionnels présentent aux étudiants leurs modalités de prise en charge des patients. Mais, de manière générale, les infirmières libérales sont très prises et leurs horaires ne coïncident pas nécessairement avec ceux des étudiants. Néanmoins, j’estime qu’en fin de cursus, il est très intéressant pour un étudiant d’aller faire un stage auprès d’elles, même si cela entraîne parfois des problèmes car nous ne disposons pas d’éléments pour l’évaluation de la pratique libérale. Il faudrait présenter le nouveau référentiel aux infirmières libérales. Elles ont peut-être une demande à ce niveau-là, mais nous ne la connaissons pas. Si c’est le cas, il faudrait pouvoir y répondre. »

NOUVEAU RÉFÉRENTIEL

Dix compétences pour un diplôme

Le nouveau référentiel pour la formation en soins infirmiers définit les champs d’apprentissage du diplôme qui recouvrent dix compétences. Cinq compétences propres aux infirmières : évaluer une situation clinique et établir un diagnostic dans le domaine des soins infirmiers, concevoir et conduire un projet de soins infirmiers, accompagner une personne dans la réalisation de ses soins quotidiens, mettre en œuvre des actions à visée diagnostique et thérapeutique, initier et mettre en œuvre des soins éducatifs et préventifs. Puis cinq compétences communes à certaines professions paramédicales et qui doivent être validées pour le métier d’infirmier : communiquer et conduire une relation dans un contexte de soins, analyser la qualité des soins et améliorer sa pratique professionnelle, rechercher et traiter des données professionnelles et scientifiques, organiser et coordonner des interventions soignantes, informer et former des professionnels et des personnes en formation.