L'infirmière Libérale Magazine n° 275 du 01/11/2011

 

LES DIRECTIVES ANTICIPÉES

Votre cabinet

Toute personne majeure peut, si elle le souhaite, faire une déclaration écrite, appelée “directive anticipée”, pour préciser ses souhaits quant à sa fin de vie. Au cas où elle ne serait plus, à ce moment-là, en capacité d’exprimer sa volonté.

L’article L. 1111.11 du Code de la Santé publique, créé par la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, dispose : « Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives anticipées indiquent les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie concernant les conditions de la limitation ou l’arrêt de traitement. Elles sont révocables à tout moment. À condition qu’elles aient été établies moins de trois ans avant l’état d’inconscience de la personne, le médecin en tient compte pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement la concernant. »

Un décret (n° 2006-119 du 6 février 2006) définit plus précisément les conditions de validité, de confidentialité et de conservation des directives anticipées.

Que sont les directives anticipées ?

Il s’agit d’un écrit, rédigé par une personne majeure, par lequel elle fait connaître ses désirs quant aux questions relatives à sa fin de vie, et notamment celles relatives à la limitation des traitements. Le patient a la liberté de demander leur arrêt, même si cela peut mettre sa vie en danger.

Que peut-on écrire dans les directives anticipées ?

La loi ne dit rien à ce sujet de façon précise, et cela est heureux, car les « souhaits relatifs à la fin de vie » sont strictement individuels. Ils dépendent de nombreux facteurs : l’âge, l’état de santé, le vécu personnel, les convictions, etc. Il est ainsi possible de demander à ne pas être réanimé en cas d’arrêt cardiaque ou bien à ce que l’appareil respiratoire qui vous maintient en vie de façon artificielle soit débranché, etc.

Existe-t-il un formalisme particulier ?

Cet écrit doit être daté, signé et authentifié par le nom, le prénom, la date et le lieu de naissance du rédacteur. Un patient qui n’est pas en état d’écrire mais capable d’exprimer sa volonté peut faire appel à deux témoins, dont éventuellement la personne de confiance, pour attester que l’écrit correspond à la véritable expression d’une volonté libre et éclairée. Ces témoins indiqueront leur nom et joindront leurs attestations aux directives anticipées. Il n’y a pas de formulaire type pour la rédaction de ces directives.

Quelle est leur durée de validité ?

Les directives peuvent être modifiées à tout moment, partiellement ou totalement. Elles ne peuvent être prises en compte que si leur rédaction remonte au plus à trois ans avant l’état d’inconscience du patient. Elles peuvent cependant être prolongées sous la forme d’une simple signature sur les directives d’origine.

Où sont-elles conservées ?

Les modalités de conservation doivent satisfaire à un impératif évident, qui est la facilité d’accessibilité.

Pour cette raison, un éventail très important de possibilités est ouvert : conservation dans le dossier du médecin de ville, qu’il soit le médecin traitant ou non, dans le dossier médical du patient en cas d’hospitalisation, mais aussi par l’auteur lui-même ou par la personne de confiance, un membre de la famille ou encore un proche.

Toute personne admise dans un établissement de santé ou dans un établissement médico-social pourra porter à la connaissance des médecins l’existence de directives anticipées. Une transcription de cette indication devra être faite dans le dossier médical. Enfin, le médecin doit, même si aucune mention n’a été faite dans le dossier médical sur la présence éventuelle de directives, s’enquérir d’une telle existence auprès de la personne de confiance, de la famille, des proches, du médecin traitant du malade ou du médecin qui lui a adressé le patient.

Quelle est leur valeur juridique ?

La loi

La loi souligne que « les directives anticipées indiquent les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie ». Il est par ailleurs précisé que « le médecin en tient compte pour toute décision d’investigation, d’intervention ou de traitement la concernant ». Elle dispose également que « lorsqu’une personne, en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable, quelle qu’en soit la cause, est hors d’état d’exprimer sa volonté, le médecin peut décider de limiter ou d’arrêter un traitement inutile, disproportionné ou n’ayant d’autre objet que la seule prolongation artificielle de la vie de cette personne, après avoir respecté la procédure collégiale définie par le Code de Déontologie médicale et consulté la personne de confiance, la famille ou, à défaut, un de ses proches et, le cas échéant, les directives anticipées de la personne. Sa décision, motivée, est inscrite dans le dossier médical ».

Explications

Plusieurs termes retiennent ainsi notre attention :

→ « le médecin tient compte » : dans le langage courant, cela signifie « prendre quelque chose en considération » ;

→ « le médecin peut décider… après avoir consulté… les directives anticipées ». S’il semble bien que le médecin soit obligé de consulter les directives éventuellement laissées par le patient, rien n’indique qu’il soit tenu par son contenu.

Dans l’une des fiches pratiques en ligne sur le site Internet du ministère de la Santé et relative aux directives anticipées, nous trouvons la rédaction suivante : « Si vous avez rédigé des directives, le médecin doit en tenir compte. Dans la mesure où elles témoignent de votre volonté alors que vous étiez encore apte à l’exprimer et en état de le faire, elles constituent un document essentiel pour la prise de décision médicale. Leur contenu prévaut sur tout autre avis non médical, y compris sur celui de votre personne de confiance. Toutefois, les directives anticipées n’ont pas de valeur contraignante pour le médecin. Celui-ci reste libre d’apprécier les conditions dans lesquelles il convient d’appliquer les orientations que vous aurez exprimées, compte tenu de la situation concrète et de l’éventuelle évolution des connaissances médicales. »

La jurisprudence

C’est sans doute la jurisprudence qui fixera la valeur juridique des directives anticipées. Imaginons, par exemple, que vous laissiez des directives demandant à ce que vous soyez débranché, si votre coma dure plus de six mois. Deux ans plus tard, vous sortez du coma, mais constatez que vous êtes définitivement paralysé, et que vous devenez ainsi une charge non seulement pour la société, mais aussi pour vos proches. Un recours devant les tribunaux, judiciaires ou administratifs, pourrait-il s’envisager ? Rappelons que, pour obtenir réparation du préjudice que vous estimez avoir subi, il vous faudrait prouver le préjudice (en l’espèce votre handicap), une faute et le lien de causalité entre les deux.

Le non-respect des directives anticipées pourrait-il être assimilé à une faute ? Si oui, alors les directives anticipées n’auraient pas simple valeur consultative mais lieraient le médecin. Si non, pourquoi avoir offert une telle possibilité au patient alors qu’au final, c’est le praticien qui décide ?, Ne pas reconnaître une réelle valeur aux directives anticipées ne les priveraient-elles pas de toute substance ? Mais leur en accorder trop serait-il vraiment au bénéfice du patient ? Ne perdons pas de vue que les directives anticipées peuvent avoir été rédigées plusieurs années (au moins trois ans) avant l’événement qui nécessiterait leur consultation, que la médecine évolue très rapidement, et que ce qu’elle ne peut accomplir aujourd’hui, peut-être le pourra-t-elle demain. Doit-on placer sur le même plan les directives anticipées rédigées par une personne “saine” et celles d’un malade qui se sait condamné ? Il ne fait aucun doute que s’ils en ont connaissance, les médecins consulteront les directives anticipées laissées par un patient.

Quant à savoir si elles doivent être un “mot d’ordre sur la fin de vie”, il s’agit d’une question à laquelle nous ne répondrons pas dans le cadre de cet article, car sa réponse échappe à la logique purement juridique pour se placer sur un plan plus personnel. Gageons cependant qu’il y aura des recours pour non-respect des directives anticipées et attendons les décisions éventuelles des juges pour en apprécier pleinement la portée.