L'infirmière Libérale Magazine n° 277 du 01/01/2012

 

PROFESSION

Actualité

PREMIER BILAN → Agences régionales de santé, Unions régionales des professions de santé : la loi HPST a modifié à la fois la nature et le rôle des partenaires du monde de la santé. Le Congrès du Sniil, qui s’est tenu à Lille mi-novembre, a permis de dresser un bilan d’étape.

Ça sent le neuf ! La préparation des Projets régionaux de santé (PRS) se déroule dans un climat particulier, avec des Agences régionales de santé (ARS) toutes jeunes et des unions régionales de professions de santé (URPS) toutes récentes, a expliqué Jean-Pierre Robelet, directeur de l’offre de soins à l’ARS Nord-Pas-de-Calais.

Un rappel pas inutile : au sein des groupes de travail thématiques, les professionnels de santé sont représentés par leurs élus aux URPS, par profession. Ils participent à l’élaboration des diagnostics, et donnent leur avis ou font des propositions au sein des conférences de territoire sur les mesures prises ensuite par l’ARS. Ils seront aussi amenés à poursuivre leurs travaux communs dans le cadre de la révision annuelle des PRS.

Double chantier

Mais la participation des représentants des URPS ne va pas encore tout à fait de soi. « Nous apprécions beaucoup d’avoir cette possibilité de rencontre et de concertation, de pouvoir travailler autour du patient dans le même sens » avec les autres partenaires, reconnaît Jean-Marc Lebecque, président de l’URPS Pharmaciens du Nord-Pas-de-Calais. « Nous sommes capables de participer, a-t-il poursuivi, car nous sommes des professionnels de terrain. Mais il y a énormément de sollicitations, de réunions et il est très difficile d’y répondre. » D’autant que leur union est encore en cours de structuration.

Une situation partagée par toutes les URPS à part celle des médecins libéraux, qui émanent des précédentes Unions régionales des médecins libéraux (Urmel). Pour Jean-Marc Lascar, président de l’URPS masseurs-kinésithérapeutes du Nord-Pas-de-Calais, « il faut avoir des moyens pour être présents » lors des réunions organisées par l’ARS et pouvoir discuter de façon pertinente sur les chiffres alors que l’Union fonctionne tout juste et n’a recueilli aucune donnée…

Armand Devignes, président de l’URPS infirmières Nord-Pas-de-Calais, confirme la difficulté pour les nouvelles unions à mener de front le chantier de leur installation et à faire entendre leur voix auprès de l’ARS. Certaines, comme l’Union des sages-femmes, craignent d’ailleurs d’être oubliées… Cependant, l’infirmier libéral reconnaît que les positions de son URPS ont été prises en compte. Un progrès, selon lui : « Auparavant, nous n’étions pas entendus car nous n’avions pas la parole. » Tout n’est pas parfait mais, sur ce point au moins, les choses ont changé. Et la compétence des unions ne pourra que s’accroître au fil du temps.

Révolution culturelle

En face, les ARS, à peine un an et demi après leur création, doivent encore trouver leur fonctionnement de croisière, a fait remarquer Jean-Pierre Robelet. Pour cette nouvelle structure aussi, le changement de méthodes et le calendrier – il faut boucler les plans régionaux de santé avant les élections présidentielles – exerce une pression importante. Le passage d’une logique de tutelle, d’application de circulaires et d’octroi d’autorisations à une logique de contrat ne se fait pas non plus en son sein d’un coup de baguette magique. « Nous avons une révolution culturelle à faire en interne et à partager », a souligné le directeur de l’offre de soins. Avec des difficultés, mais aussi des perspectives positives. Désormais, a-t-il poursuivi, « si une ARS trouve une initiative [d’URPS, ndlr] intéressante, elle la présente à la HAS, et si elle est validée », le directeur général de l’ARS peut décider qu’elle sera soutenue. La porte est donc ouverte aux initiatives des URPS, a-t-il martelé, soulignant l’importance de l’expérience de terrain des représentants des unions.

Fédération ?

Une autre forme de révolution culturelle concerne donc les membres des URPS. Pour travailler ensemble, certains devront renoncer à une part de leur habituelle autonomie, comme l’a noté Régis Méresse. Une forme de rééquilibrage devra s’opérer.

L’Union des médecins libéraux dispose en effet d’une grosse avance en termes d’expérience, de fonctionnement… et de finances. Certains y voient parfois le risque d’une influence supérieure à celle des unions des autres professions de santé. Annick Touba, la président du Sniil, a d’ailleurs posé la question des frictions qui pourraient accompagner le choix d’une profession ou d’une autre pour présider les fédérations d’URPS qui doivent se constituer, en dehors des incitations des ARS.

Une forme de préfiguration de fédération semble se mettre en place de manière informelle dans le Nord-Pas-de-Calais entre certaines des unions de professionnels. Grâce notamment à l’appui de celles des médecins. « Nous avons de la chance que les médecins aient passé le cap de l’installation avant nous, observe Armand Devignes, car ils nous donnent des coups de main et nous hébergent, par exemple. Il y a une vraie collaboration avec eux. » Son homologue kiné Jean-Marc Lascar renchérit : « Les médecins sont beaucoup plus nombreux, ils cotisent plus que nous, ils ont donc plus de moyens. Et nous, sommes-nous prêts à cotiser plus ? » Au-delà, Annick Touba a interrogé les unions de paramédicaux sur leur capacité à porter des projets qui ne soient pas des réponses à des sollicitations des médecins.

Confiance

Pour Jean-Pierre Robelet, en tout cas, ce rapprochement des professionnels de santé libéraux sera rendu d’autant plus indispensable que « le centre de gravité du système de soin va pencher de plus en plus du côté de l’ambulatoire ». Une idée partagée par Annick Touba : « On croit connaître nos métiers et nos compétences, mais ce n’est pas vrai. » Si tous apprennent à se connaître, chacun craindra moins que les autres marchent sur ses plates-bandes, entre libéraux, mais aussi avec l’hôpital. « Il va falloir qu’on se fasse confiance, a renchéri Jean-Marc Lebecque. Il faut croire en son métier. »

Témoignage

Annick Touba, présidente du Sniil

« Les URPS, c’est une nouvelle culture. Mais on observe une méconnaissance des métiers, des peurs. Or l’avenir de l’exercice libéral passera par une prise en charge des patients par des groupes de professionnels, dans des maisons de santé ou pas. Nous jouerons notre rôle de manière beaucoup plus efficiente si nous travaillons en équipe de soins. Nous ne sommes pas habitués, cela demande du temps, de la compréhension et exige qu’on se connaisse mieux les uns les autres. Il faudra formaliser les choses avec une ligne de conduite et un discours commun des professionnels: le patient a besoin de cela. Les jeunes générations d’infirmières et de médecins le désirent. Et il y a des ouvertures possibles, des opportunités du côté des ARS. »

SUR LE VIF

→ Un infirmier libéral participant à une conférence de territoire : « Il y a trop de documents à lire, on travaille à marche forcée et on a l’impression que les grandes lignes sont déjà définies. »

→ Un autre : « Lors d’une conférence de territoire, deux camps faisaient du lobbying pour être élus à la présidence. Et faire en sorte que leur projet de maison ou de pôle de santé soit retenu. »