L'infirmière Libérale Magazine n° 277 du 01/01/2012

 

CRÉATION DE CABINET

L’exercice au quotidien

Audrey Kolly a ouvert son propre cabinet en septembre 2011. Pas évident à rentabiliser, tant que personne ne la connaît…

« Je me suis installée en Haute-Saône avec mon époux en mars dernier. Je devais m’associer avec deux autres Idels suite à un remplacement dans leur cabinet de Rioz, mais cela ne s’est pas fait. Alors, j’ai créé mon propre cabinet dans ce village. Mon premier souci a été de trouver le bon local, sur un lieu passant. Après un mois et demi de travaux, il fallait encore l’équiper, sachant que le moindre fauteuil de prélèvement coûte déjà 1 300 euros. J’avais économisé dans cette optique et j’ai assuré de l’interim pendant l’entre-deux. Mais, chaque mois, il y a le loyer à payer et l’Urssaf, sans oublier l’éventuel rappel de charges à prévoir au terme des deux premières années d’exercice.

Au bout d’une semaine d’ouverture, je n’avais toujours pas un seul appel et aucun patient ne s’était présenté lors des permanences affichées sur ma plaque ! L’incertitude est difficile à supporter. N’étant pas de la région, personne ne me connaît et le bouche-à-oreille peut mettre un certain temps. Après une formation, je me suis inscrite au réseau d’oncologie en espérant ainsi sortir de l’isolement. Mais il y a un autre cabinet et son monopole est problématique, surtout lorsque l’on est dans l’impossibilité de faire de la publicité. On nous autorise deux insertions payantes dans les journaux au lieu d’accepter qu’un article de presse (locale) nous présente vraiment. J’ai donc démarché les professionnels de santé environnant – médecins, pharmacien, masseurs-kinésithérapeutes, services de soins et d’aide à domicile, maisons de retraite…–, mais toujours rien. En plus, je ne suis apparue dans les pages jaunes que quinze jours après mon ouverture.

À Besançon, où j’ai fait des remplacements, les anciennes mettaient le pied à l’étrier aux nouvelles. Ici, l’autre cabinet, bien qu’affichant une forte demande, ne m’a envoyé personne. Au contraire, les associées ont essayé de me mettre des bâtons dans les roues via l’Ordre, mais elles ont été déboutées. Si j’ai un conseil à donner aux futurs collègues, c’est d’être rigoureux dans les démarches et de bien connaître les textes de loi ! C’est dommage de se voir comme des concurrents. Pas étonnant que nous n’arrivions pas à nous fédérer ni à faire valoir nos droits auprès des grandes instances : chacun travaille dans son coin !

Avis de l’expert

Une nécessaire étude préliminaire

Patrick Experton, vice-président de l’Onsil et président de l’URPS des infirmiers Aquitaine

« C’est une situation bien connue dans la profession. C’est pourquoi il est indispensable avant toute installation de procéder à une mini-étude, dite de marché, en utilisant C@rtoSanté, service mis en ligne par la Cnam. L’ARS dispose également d’une plateforme d’appui aux professionnels de santé (PAPS). La concertation – en zone rurale d’autant plus – avec un cabinet déjà implanté s’impose afin d’éviter qu’un conflit ne s’installe. Quant au recours à la publicité, la loi est claire sur ce point et il n’est pas envisageable qu’elle soit modifiée. D’abord, nous mettons un point d’honneur à ce que la santé ne soit pas l’objet de spéculations. Ensuite, cela risquerait d’ouvrir une brèche dangereuse. Ceux qui auraient les moyens financiers occuperaient alors tout l’espace. »