L'infirmière Libérale Magazine n° 277 du 01/01/2012

 

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RESPONSABILITÉ CIVILE PROFESSIONNELLE → En vertu d’une réforme de la responsabilité civile, chaque professionnel de santé libéral devra payer une sur-cotisation pour alimenter un fonds de garantie censé couvrir les indemnisations les plus exorbitantes. Mais le risque des uns est sans commune mesure avec celui des autres…

Comme une vague impression d’être le dindon de la farce… Quelques semaines avant Noël, c’est un peu le sentiment qui dominait chez les paramédicaux à l’évocation de la réforme en cours de la responsabilité civile médicale. Prévue à l’article 60 du projet de loi de finances pour 2012, celle-ci comble deux “trous de garantie” qui exposaient les praticiens libéraux à la ruine en cas de sinistre grave, se félicitent les médecins, dans un rare élan d’unanimité avec les assureurs.

Concrètement, à compter du 1er janvier 2012, d’une part le plafond de garantie de 3 millions d’euros est relevé à 8 millions, d’autre part, un fonds de garantie est créé, qui suppléera aux assurances individuelles en cas de sinistre dépassant 8 millions d’euros ou d’indemnisation prononcée après expiration desdites assurances. Problème : basé sur la mutualisation du risque, ce fonds repose sur la solidarité entre professionnels de santé libéraux. Pour l’alimenter, tous devront s’acquitter d’une sur-cotisation comprise entre 15 et 25 euros par an*. L’assureur reversera la somme au fonds de garantie, géré par la Caisse centrale de réassurance. Mais voilà, pour nombre de paramédicaux, cette solidarité est dure à avaler.

Système à l’américaine

« La profession infirmière est très peu exposée au risque d’indemnisation importante », fait valoir Marcel Affergan, président du syndicat d’Idels, Convergence infirmière. « Je ne vois pas pourquoi on est mis dans le lot », s’interroge ainsi Isabelle Bellet, infirmière libérale à Rouen, pour qui « une mutualisation par catégorie de professionnels » serait plus appropriée. Bref, « on nous soutire une solidarité » pour couvrir le risque de « certaines professions – anesthésistes, obstétriciens », dénonce Marcel Affergan. Même exaspération chez les kinés : Stéphane Michel, président du Syndicat national des masseurs-kinésithérapeutes, s’insurge contre « un pur scandale » qui risque d’accoucher d’« un système à l’américaine où tout est bon pour intenter un procès ».

À sens unique

Pourtant, nul n’est à l’abri d’un sinistre grave, rétorquent les assureurs. À titre d’exemple, l’affaire ayant donné lieu à l’indemnisation la plus lourde versée par la MACSF en 2010 – plus de 4,9 millions d’euros – impliquait une sage-femme. Reste que « pour un paramédical dont la prime d’assurance est de 100 euros et quelques, 15 euros, cela peut représenter 10 %, alors que pour un anesthésiste qui paie plusieurs milliers d’euros, 25 euros, c’est peanuts », admet Michel Dumont, responsable du pôle RCP à La Médicale. De manière générale, infirmiers et kinés s’élèvent contre une « solidarité à sens unique ». « On nous bassine assez pour ne pas nous déléguer de compétences, ce n’est pas nous qui allons payer pour le risque des médecins ! », s’emporte la présidente du Sniil Annick Touba.

* Un décret devait fixer avant le 31 décembre le montant de cette participation pour chaque profession.

Les infirmiers présentent un faible taux de sinistralité

En 2010, sur 71 068 infirmiers sociétaires, le Sou Médical-Groupe MACSF a eu 21 dossiers à gérer au titre de la responsabilité civile professionnelle, soit un taux de sinistralité inférieur à 0,03 %, bien loin de celui des médecins (1,53 %) ou des chirurgiens-dentistes (4,24 %) assurés par le groupe, selon des statistiques présentées le 6 décembre. Sur ces 21 soignants, une grande majorité (18) exerçait en libéral. Parmi les sinistres qu’ils ont déclarés, deux se sont soldés par le décès du patient et deux par une amputation.

Sur ces 21 dossiers infirmiers, cinq sont allés en justice (quatre plaintes pénales et une procédure civile), 14 en restant au niveau de la réclamation et deux ayant fait l’objet d’une saisine de la Commission régionale de conciliation et d’indemnisation (CRCI). Sur ces cinq mises en cause judiciaires, quatre condamnations ont été prononcées, soit un taux de 80 %, bien davantage que les médecins et au deuxième rang des non-médecins, devant les cliniques, les chirurgiens-dentistes, les orthodontistes, les EFS, les vétérinaires et les sages-femmes. Enfin, aucun infirmier ne figurait sur la liste des sinistres les plus graves (indemnisations supérieures à 100 000 euros) en 2010.

Lire notre Fiche pratique Responsabilité civile professionnelle parue dans L’Infirmière libérale magazine n° 274 du mois d’octobre.