L'infirmière Libérale Magazine n° 277 du 01/01/2012

 

PRATIQUES DE SANTÉ

Actualité

INÉGALITÉS → Une étude de l’Irdes révèle que 15,4 % des adultes français ont renoncé à des soins pour des raisons financières en 2008. Un autre sondage montre que certaines infirmières libérales ressentent déjà ce phénomène, dont les facteurs sont multiples et l’analyse récente.

« Au cours des douze derniers mois, vous est-il déjà arrivé de renoncer, pour vous-mêmes, à certains soins pour des raisons financières ? » En 2008, comme l’a révélé l’Irdes lors d’un colloque fin novembre à Paris(1), 15,4 % des Français adultes ont répondu par l’affirmative, dont 10 % pour des actes dentaires et 4,1 % pour la lunetterie. Des résultats issus d’une enquête réalisée auprès de 8 000 usagers.

Selon un sondage publié au même moment, le Scan CMV Médiforce 2012(2), réalisé auprès de 450 professionnels de santé libéraux (dont 60 IDE), la moitié des patients repousseraient certains soins pour raisons financières. Dans le détail, elles ne sont que 18 % des infirmières sondées à avoir remarqué des patients « plus attentifs au coût des soins proposés et qui essaient de négocier », mais tout de même 37 % à considérer que les patients, de manière générale, « repoussent certains soins/traitements pour des raisons économiques ». Un taux qui monte à 57 % pour les médecins généralistes et 75 % chez les pharmaciens ! Les Idels n’ont toutefois pas toutes perçu le phénomène, 45 % n’ayant relevé aucune différence de comportement.

Raisons financières

Les statistiques générales de ces deux travaux varient du simple au triple. Ils témoignent, en tout cas, d’un même intérêt pour le concept de renoncement aux soins, encore peu étudié. Comment, d’ailleurs, le définir ? Les participants au colloque du 22 novembre, co-organisé par la Sécurité sociale et la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, s’accordaient sur un point : pour renoncer à des soins, encore faut-il en avoir préalablement ressenti le besoin.

Le chercheur du CNRS Philippe Warin distingue ce terme du “non-recours”, lié à « un besoin de soins avéré médicalement mais non traité ». Un patient peut avoir objectivement besoin d’un soin sans vraiment s’en rendre compte, se trouvant alors en situation de non-recours, mais pas de renoncement. C’est le cas des « populations très précaires, en perte d’autonomie, c’est-à-dire dans l’incapacité d’exprimer ses besoins ».

La définition du “renoncement” a des conséquences sur les façons d’y remédier. Sur ce point, il est suggéré de mieux informer les usagers sur leurs droits, de mieux former les soignants, voire de prendre en charge de manière plus concrète les dépenses de santé.

(1) À lire, les Questions d’économie de la santé 169 et 170 sur le site de l’Institut de recherche et de documentation en économie de la santé, www.irdes.fr.

(2) Filiale du groupe BNP Paribas, CMV Médiforce propose « des solutions de financement » aux professionnels de santé libéraux. Lire aussi page 11.

Les motifs intriqués du renoncement

Le taux de renoncement varie selon l’âge, le sexe ou encore le niveau de revenu, selon l’Irdes. Il augmente avec le niveau de précarité. Il double, en ce qui concerne les « soins les moins bien couverts par le régime obligatoire », en cas d’absence de couverture complémentaire. 22 % des bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire ont renoncé à des soins en 2008 – ils auraient été 40 % sans ce dispositif. Les tarifs de consultation peuvent aussi peser. Ce sont souvent des motifs financiers qui justifient la pratique du “renoncement-barrière”, imputé au caractère “inaccessible” du soin aux yeux du patient, comme l’a détaillé la chercheuse Caroline Desprès au colloque. Le “renoncement-refus”, lui, consiste notamment pour le patient à exprimer une défiance vis-à-vis de la médecine conventionnelle, lui préférant éventuellement d’autres pratiques. Mais ces deux types de renoncement peuvent s’intriquer, en particulier pour les plus précaires.