L'infirmière Libérale Magazine n° 278 du 01/02/2012

 

Cahier de formation

Savoir faire

M. F. a débuté un traitement par pression positive continue pour des apnées du sommeil. Il a du mal à s’habituer à l’appareillage et vous demande s’il a vraiment intérêt à poursuivre le traitement.

Vous lui dites qu’à chaque apnée, le cœur et le cerveau subissent un stress et que ce syndrome est un facteur important de risques cardiovasculaires et d’insuffisance respiratoire. Il ne doit pas le négliger, même s’il lui faudra un peu de temps pour s’habituer au traitement et régler au mieux l’appareillage.

LE SYNDROME D’APNÉE DU SOMMEIL (SAS)

Définition

Aussi appelé Syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil (Sahos) ou Syndrome d’apnées obstructives du sommeil (Saos), le SAS se manifeste au cours du sommeil par des interruptions de la ventilation (apnées) ou des réductions de la ventilation (hypopnées) entraînant une baisse de l’oxygène dans le sang (hypoxémie). Chaque épisode est suivi d’un micro-éveil de quelques secondes dont la personne ne se souvient pas au réveil. La maladie s’accompagne d’un ronflement nocturne et de somnolences diurnes souvent considérées comme des signes de fatigue. Affection fréquente, le SAS toucherait 2 à 5 % de la population adulte. Environ 330 000 patients étaient traités en 2009 en France avec une augmentation de 40 % en 2 ans.

Une origine obstructive ou centrale

Le SAS obstructif (Saos), 90 % des cas, résulte d’un mécanisme obstructif sur les voies aériennes hautes. Le SAS central (10 % des cas) est causé par un dérèglement du système nerveux qui normalement contrôle le taux d’oxygène dans le sang, la prise régulière d’oxygène et le rejet de CO2. Dans ce cas, la personne ne fait pas d’effort respiratoire. Le SAS central survient surtout chez des personnes atteintes d’insuffisance cardiaque, de maladie neurologique ou après un AVC. Il existe aussi des formes combinées associant SAS obstructif et SAS central.

Diagnostic

Il repose sur l’interrogatoire du patient et sur la polysomnographie (voir infographie page ci-contre). Le syndrome d’apnées du sommeil est défini par un nombre d’apnées/hypopnées supérieur à 5 par heure à la polysomnographie (index d’apnées/hypopnées par heure ou IAH). Auquel s’ajoute soit une somnolence diurne excessive (qui peut être évaluée par l’échelle d’Epworth), soit au moins deux des critères suivants : ronflement sévère et quotidien, sensations d’étouffement ou de suffocation pendant le sommeil, éveils répétés pendant le sommeil, sommeil non réparateur (même si la personne n’a pas de problème pour s’endormir et pour dormir), fatigue diurne, difficultés de concentration, nycturie (plus d’une miction par nuit).

Gravité

Le SAS est un facteur de morbidité cardiovasculaire et donc de mortalité accrue d’autant plus que l’index d’apnées/hypopnées par heure est élevé. C’est aussi un co-facteur d’insuffisance respiratoire chronique, présente chez environ 10 % des patients, liée le plus souvent à une BPCO associée. Enfin, les accidents de la circulation sont environ 5 fois plus fréquents chez les sujets avec SAS que dans la population générale (un arrêté de décembre 2005 soumet l’obtention ou le maintien du permis de conduire des personnes somnolentes à la mise en œuvre d’un traitement efficace).

Le traitement

Si la ventilation nasale par pression positive continue (PPC) est considérée comme le traitement de référence, différentes approches sont proposées. Dans tous les cas, il faut supprimer l’alcool le soir et les médicaments hypnotiques, causes d’aggravation du ronflement et des apnées.

Le traitement chirurgical (chirurgie de l’os hyoïde ou chirurgie d’avancée maxillo-mandibulaire) permet plus fréquemment d’éliminer le ronflement dans les cas où il ne s’accompagne pas ou peu d’apnées.

Il est aussi possible d’utiliser un appareil dentaire amovible (orthèse d’avancée mandibulaire). Il se porte au cours du sommeil et permet souvent d’éliminer le ronflement, ainsi que les apnées si elles sont peu nombreuses. La perte de poids (majorité de patients obèses) et la position sur le dos pour dormir peuvent améliorer le Saos.

LA VENTILATION NASALE PAR PRESSION POSITIVE CONTINUE (PPC)

Elle permet de maintenir ouvertes les voies aériennes supérieures à tous les stades du cycle respiratoire. Elle serait aussi efficace sur les apnées d’origine centrale.

Appareillage

Un respirateur propulse l’air ambiant sous pression dans les voies respiratoires de façon continue par l’intermédiaire d’un masque facial. Ce dernier s’applique sur le nez, parfois sur le nez et sur la bouche. La pression de l’air empêche la fermeture des voies aériennes, la respiration se fait facilement et le nombre d’apnées est réduit.

→ Un générateur d’air propulse l’air ambiant sous pression dans les voies respiratoires de façon continue par l’intermédiaire d’un masque facial. Ils fonctionnent en PPC constante, en PPC à double niveau de pression (pression moindre à l’expiration pour éviter les efforts expiratoires), ou en PPC automatique ou PPC auto-pilotée (appareils d’auto-PPC). Ces derniers permettent une adaptation spontanée aux besoins de pressions variables au cours de la nuit : position de sommeil, stade du sommeil, réduction d’adaptation en début de traitement, médicaments ou alcool, etc.

La plupart des appareils de PPC peuvent se placer sans problème sur une table de nuit.

→ Un ensemble masque se compose d’un masque qui s’applique sur le nez (masque narinaire ou masque naseau) ou sur le nez et la bouche (masque facial), et du circuit respiratoire. Les masques en silicone avec dispositif de maintien (sangle, harnais…) proposent des niveaux de confort variés. Une fuite d’air est calibrée pour l’élimination du CO2.

→ Les humidificateurs chauffants ont un effet considérable sur le confort. Ils soulagent l’irritation et la sécheresse nasales dans la majorité des cas, particulièrement à des pressions de traitement élevées.

La titration

C’est l’ajustement de la pression la plus basse qui permettra de prévenir les apnées, les hypopnées et le ronflement à tous les stades du sommeil (niveau de PPC fixe efficace ou Peff). La méthode de référence est la titration manuelle par un technicien sous contrôle polysomnographique dans un laboratoire. Le niveau de pression est augmenté par palier jusqu’à obtenir la disparition des divers événements respiratoires à tous les stades du sommeil et dans toutes les positions.

Autres méthodes :

→ titration calculée à partir de l’indice de masse corporelle, de l’index d’apnées/hypopnées par heure et du tour du cou (peut différer de la titration manuelle) ;

→ auto-titration à partir d’un auto-PPC à domicile. Cette auto-titration est efficace et permet un meilleur délai de mise en place de la PPC.

Durée du traitement

La PPC doit être utilisée quotidiennement pendant toute la durée du sommeil, y compris au cours des siestes. Une observance moyenne égale ou supérieure à 4 heures d’utilisation par jour est nécessaire pour obtenir un réel bénéfice du traitement. La Sécurité sociale tient d’ailleurs compte de la durée d’utilisation pour le remboursement.

Contre-indications

Le traitement par pression positive continue (PPC) peut être contre-indiqué en cas : d’affection pulmonaire bulleuse grave, de pneumothorax ou pneumomédiastin, d’hypotension, de déshydratation, de fuite de liquide céphalo-rachidien, de récente intervention chirurgicale crânienne ou de traumatisme.

Effets indésirables

Les patients doivent avertir leur médecin traitant en cas de douleurs thoraciques inhabituelles (risque de pneumothorax), de maux de tête sévères ou d’une difficulté respiratoire accrue. Une infection aiguë des voies respiratoires supérieures peut nécessiter l’arrêt temporaire du traitement. Autres effets secondaires : sécheresse nasale, buccale ou de la gorge, saignements de nez, ballonnements, gêne au niveau de l’oreille ou des sinus, conjonctivite (par fuites du masque), irritations cutanées (à cause d’un masque inadapté).

L’efficacité dépend de l’observance

Elle dépend de la prise en charge et de l’information des patients, et en particulier de la gestion des effets secondaires. Les principaux bénéfices concernent l’amélioration de la vigilance diurne. Certaines études font état d’une réduction de la mortalité et d’une baisse des accidents de la route. La durée minimale efficace est de 5 heures par nuit. Toutefois certains patients renoncent au traitement qu’ils ne supportent pas.

Un nouveau traitement pour l’apnée du sommeil ?

En décembre 2011, l’équipe du Pr Chabolle de l’hôpital Foch de Suresnes (92) a présenté une nouvelle technique pour traiter l’apnée du sommeil, testée dans une dizaine de centres américains et européens, dont l’hôpital Foch. Un petit pacemaker placé sous la clavicule stimule le nerf de la langue, pour qu’elle puisse, durant le sommeil, se projeter légèrement en avant au moment de l’inspiration et ainsi empêcher l’apnée. Les résultats sont très prometteurs : sur plus de 100 patients implantés depuis un an, le taux de succès dépasse 80 %. Ce système pourrait se généraliser d’ici deux à trois ans.