L'infirmière Libérale Magazine n° 278 du 01/02/2012

 

Cahier de formation

Savoir faire

M. N. est orienté par son médecin traitant vers un centre spécialisé pour confirmer un diagnostic d’hypersomnie. Il ne comprend pas qu’il doive, en plus des examens réalisés pendant la nuit, rester aussi dans la journée pour d’autres examens.

Vous lui expliquez que l’enregistrement du sommeil est indispensable pour éliminer une autre cause d’hypersomnie telle qu’une apnée du sommeil. L’enregistrement du sommeil de nuit sera suivi de tests réalisés pendant la journée qui serviront à évaluer les caractéristiques de ses somnolences dans la journée.

SOMNOLENCE DIURNE

Les hypersomnies occasionnent une somnolence excessive dans la journée caractérisée par un risque d’endormissements fréquents dans des situations ou à des moments inappropriés. La somnolence est évaluée par l’échelle d’Epworth (voir tableau page suivante). Les explorations du sommeil reflètent la durée et la qualité du sommeil.

L’ACTIMÉTRIE

Critères observés

Elle permet d’apprécier les rythmes d’éveil et de sommeil sur une longue période, ainsi que le fonctionnement de l’horloge biologique “du soir ou du matin”.

La nuit, elle permet de repérer les horaires d’endormissement et de réveil, l’existence d’éveils, et la qualité du sommeil, tranquille ou agité.

La journée, cet examen reflète l’activité de la personne, la présence et le temps des siestes ou de moments de baisse d’activité.

L’appareil

L’actimètre ressemble à une montre et se porte au poignet jour et nuit, pendant 8 à 15 ? jours. Il enregistre les mouvements du poignet. Il est préférable de choisir le poignet non dominant pour éviter les mouvements parasites liés à l’activité (côté gauche pour les droitiers).

Indications

→ Décalage de l’horloge biologique ?: avance ou retard de phase.

→ Troubles du sommeil liés au travail de nuit ou à des horaires décalés.

→ Insomnie, associée à l’agenda du sommeil.

L’AGENDA DU SOMMEIL

L’agenda du sommeil permet d’analyser le sommeil, les habitudes et l’hygiène du sommeil sur une période prolongée (3 semaines minimum). Les informations notées avec soin, jour après jour, ne sont qu’une estimation la plus proche de la réalité (inutile de regarder la montre toute la nuit pour le remplir).

Il se remplit le matin au réveil pour décrire le déroulement de la nuit, et le soir pour reporter ce qui s’est passé dans la journée.

Le matin, le patient note :

→ le moment où il se met au lit, l’heure de lever définitif et un éventuel lever en cours de nuit ;

→ la zone correspondant à la durée du sommeil ;

→ la qualité de la nuit et l’état de forme au réveil (TB = très bon, B = bon, Moy = moyen, M = mauvais, TM = très mauvais);

→ la prise de médicaments ou les événements qui peuvent interférer avec le sommeil (faire du sport le soir, avoir mal à la tête, de la fièvre…).

Le soir :

→ les siestes dans la journée et leurs durées ?;

→ la forme globale dans la journée.

LA POLYGRAPHIE VENTILATOIRE

Définition

Examen médical ambulatoire consistant à enregistrer plusieurs variables physiologiques respiratoires au cours du sommeil (rythme respiratoire, rythme cardiaque, mesure du CO2 expiré…). Il permet de déterminer certains troubles liés au sommeil, notamment les ronflements et les apnées du sommeil.

Appareillage

→ Un capteur placé sous le nez détecte le flux d’air qui passe par les narines ou parfois par les narines et la bouche.

→ Un oxymètre placé au bout d’un doigt mesure l’oxygénation du sang. Quand la respiration se fait mal, l’oxygène sanguin fluctue avec le rythme de la respiration.

→ Des ceintures abdominales et thoraciques suivent les mouvements respiratoires et détectent une éventuelle lutte respiratoire pour tenter de faire rentrer de l’air dans les poumons.

→ Un capteur de son, collé à la base du cou, analyse le ronflement.

→ Un capteur de position précise si les événements respiratoires surviennent dans une position particulière ou non.

→ La fréquence cardiaque est parfois enregistrée.

→ Une actimétrie est parfois couplée à ces capteurs.

ENREGISTREMENT VIDÉO

La nuit de sommeil est enregistrée dans la plupart des centres du sommeil. La vidéo rend compte des réveils multiples ainsi que de la souffrance du patient incapable de trouver une position réconfortante. Elle permet aussi de confirmer des parasomnies (somnambulisme, par exemple), des comportements anormaux ou des crises d’épilepsie au cours du sommeil.

LE TILE, TEST ITÉRATIF DE LATENCE D’ENDORMISSEMENT

L’examen

Pratiqué dans un laboratoire de sommeil, il démontre la tendance à s’endormir au cours de la journée et la présence d’endormissements anormaux en sommeil paradoxal.

Le patient est allongé dans un lit en tenue confortable, au calme, dans l’obscurité. Le principe : plus un sujet est somnolent, plus il s’endort rapidement.

Avant le test

Respecter des horaires de sommeil réguliers et remplir un agenda du sommeil la semaine précédant le test. Arrêter de fumer au moins 30 minutes avant le test et ne pas faire d’activité physique dans les 15 minutes qui précèdent.

Le test

Au total, 4 à 5 tests sont pratiqués à 2 heures d’intervalle au cours d’une journée, après l’enregistrement polysomnographique de nuit. Si le sujet s’endort, l’EEG détecte le moment de l’endormissement et le stade de sommeil. Le patient est réveillé après 15 minutes. S’il ne s’endort pas, le test se termine au bout de 20 minutes.

Les résultats

Un sujet normal s’endort en 15 à 20 minutes. Une durée d’endormissement inférieure à 8 minutes indique l’existence d’une somnolence diurne pathologique. Une durée inférieure à 5 minutes est franchement pathologique. La présence d’endormissements en sommeil paradoxal en moins de 15 minutes à plus d’un test est pathologique.

Point de vue…

Signes pouvant évoquer une hypersomnie Sylvie Royant-Parola, psychiatre et spécialiste du sommeil, responsable du centre d’exploration du sommeil à la clinique du Château de Garches (92), présidente du réseau Morphée

« L’infirmière peut repérer une personne qui, malgré un endormissement à un horaire raisonnable et un sommeil suffisamment long, n’arrive pas à se lever le matin, n’entend pas le réveil, et met plusieurs heures à “émerger”. Ce sommeil envahissant peut s’accompagner de somnolences ou d’accès de sommeil dans la journée. À différencier des gens en décalage de phase qui s’endorment très tard dans la nuit, et de la somnolence des “longs dormeurs” en privation chronique de sommeil à cause des horaires de travail. »

Point de vue…

« On peut être en présence d’apnée du sommeil avec un score d’Epworth faible » Valérie Redouté, infirmière en santé au travail au service exploitation Roissy d’Air France

« Pour évaluer la possibilité d’apnées du sommeil auprès du personnel, je dispose de deux outils fournis par la société Resmed*. L’ApneaLink est un petit boîtier, relié à des lunettes nasales, qui détecte les flux respiratoires et le ronflement pendant une nuit. J’explique le fonctionnement à la personne qui l’utilise et le ramène le lendemain. Je le connecte à mon PC et j’ai tout de suite un résultat en termes d’apnée-hypopnée par heure. Je propose l’ApneaLink au salarié en fonction de ses résultats au questionnaire de Berlin qui évalue le ronflement, la fatigue en période d’éveil, l’hypertension artérielle et l’indice de masse corporelle.

Le résultat final du questionnaire peut indiquer une forte probabilité d’apnée du sommeil malgré un score faible à l’échelle d’Epworth qui évalue la somnolence pendant la journée. Le médecin du travail oriente alors le salarié muni de ses résultats vers son médecin traitant. »

ResMed est un fabriquant de matériel médical lié à la respiration, spécialisé dans des produits pour le diagnostic et le traitement des troubles respiratoires du sommeil.