POLITIQUE DE SANTÉ
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ALTERNATIVE→ Dépasser les frontières de l’hôpital pour mieux prendre en charge les malades psychiques, voici l’objectif poursuivi par les promoteurs de la “réhabilitation psychosociale”. À l’occasion d’un congrès à Marseille fin novembre, ils ont expliqué leur démarche de soin.
« Les cliniciens ont le nez dans le guidon. Ils ne voient que des gens qui vont mal. C’est pour cela qu’ils sont pessimistes. » De l’avis de Jérôme Favrod, professeur de soins infirmiers en psychiatrie communautaire à Lausanne, le rétablissement des patients souffrant de handicaps psychiques est pourtant possible, contrairement au discours ambiant. Il suffit « d’aller voir chez les épidémiologistes ». Invité au 2e Congrès de réhabilitation psychosociale à Marseille, les 24 et 25 novembre, ce dernier a d’ailleurs plaidé pour une psychiatrie de ville.
Suite à son intervention, les réactions fusent dans la salle. « Je n’ai pas dit qu’il ne fallait pas d’hôpitaux psychiatriques, prévient-il cependant. Je pense qu’il faut plutôt trouver des alternatives à la contrainte. » Et l’infirmier de comparer les modes de fonctionnement entre médecine générale et psychiatrie. Il rappelle alors l’existence dans les hôpitaux généraux de différents niveaux de prise en charge, à savoir les soins intensifs, les soins de suite et, en dernier lieu, l’hospitalisation. Côté psychiatrique, ces gradations n’ont en revanche pas cours. D’où le plaidoyer de Jérôme Favrod en faveur « d’alternatives ».
Plus radical, le Pr Christophe Lançon, chef de service de psychiatrie à l’Assistance publique des hôpitaux de Marseille (AP-HM) et président de l’association Solidarité réhabilitation, organisatrice du colloque, réclame quant à lui la fermeture des hôpitaux psychiatriques, à l’exception des unités de crise. « L’argent n’est pas extensible, argue-t-il. Autant le placer ailleurs pour faciliter la réhabilitation, notamment avec la mise en place d’équipes mobiles. » De ce point de vue, l’idée proposée par le Pr Lançon semble partagée par bon nombre de participants au colloque. Reste à voir comment ces soins de ville peuvent s’organiser. D’autant que « les infirmiers indépendants sont souvent en première ligne, note Jérôme Favrod. Ils ont besoin d’équipes en deuxième ligne, comme des équipes mobiles. »
Si le soin communautaire commence à faire son chemin en France, il n’en est encore qu’à ses balbutiements (lire ci-dessous). Dans cette démarche, les soignants ne représentent en effet qu’un maillon de la chaîne. Un travail paraît donc nécessaire envers les proches. En témoigne Pierre Bessone, vice-président de Solidarité réhabilitation, une association essentiellement portée par des familles de malades, qui participe à la diffusion du programme “Profamille”.
Quel que soit le dispositif, le temps demeure un facteur clef dans le rétablissement. Ainsi Jérôme Favrod préfère-t-il « passer deux à trois heures de négociation pour donner un comprimé plutôt que de se contenter de faire une injection. Ce n’est pas du temps de perdu, au contraire, c’est autant de gagné pour la suite ». Plus facile à dire qu’à faire ?
Développer les soins psychiatriques sur le territoire, au-delà des Centres médico-psychologiques (CMP) et des centres d’accueil thérapeutiques à temps partiel (CATTP), l’idée n’est pas neuve. Elle se trouve néanmoins régulièrement confrontée à des contraintes pratiques. Pour relever ce défi, le Pr Jean-Yves Giordana, chef de pôle de psychiatrie générale des Alpes-Maritimes (06), travaille à l’essor d’un Service de soins intensifs intégrés dans la communauté (SSIC) dans le secteur de Nice. Ouvert depuis mai 2009 et financé à titre expérimental, il tâche « de répondre à toutes les situations sur le territoire », explique le médecin. Pour ce faire, l’équipe dispose de 20 places en hospitalisation à domicile où les passages se font 7 jours sur 7, 17 places en appartement thérapeutiques et 6 places en accueil familial. « Cela représente environ 2 000 personnes en file active, poursuit Jean-Yves Giordana. C’est un peu une HAD exclusivement dédiée à la psychiatrie. »