Danièle Berthelot, psychomotricienne, pratique la relation d’aide par la médiation animale
La vie des autres
Danièle Berthelot est devenue éducatrice et comportementaliste canin au gré des caprices de l’un de ses compagnons à quatre pattes. Aujourd’hui, son activité de psychomotricienne auprès des personnes âgées s’est enrichie, grâce à la relation d’aide par la médiation animale.
Teck, Apolo, Bill et Elfe forment une équipe d’auxiliaires de soin peu commune. Les quatre chiens, toujours attentifs, n’attendent qu’un geste de leur maîtresse Danièle Berthelot. Psychomotricienne de métier, elle les guide : « Les neuf années écoulées, le groupe s’est peu à peu étoffé depuis que je me suis lancée dans la relation d’aide par la médiation animale (Rama) avec Teck, mon labrador », présente-t-elle en évitant le terme de zoothérapie, trop souvent dévoyé selon Danièle : « La médiation animale n’est pas un métier, c’est une façon de travailler. L’animal est un facilitateur, entrant aussi bien dans le champ de la santé que dans celui du social ou de l’éducatif. »
C’est en mettant les pieds, il y a une quinzaine d’années, dans un club canin pour apprendre à gérer son propre chien que Danièle fait son entrée en matière : parallèlement à son activité paramédicale, elle devient éducatrice canin puis comportementaliste canin. En 2003, elle se lance et formalise ses interventions de Rama : via l’association Un chien-un lien
Pour preuve de l’évolution des mentalités vis-à-vis de la Rama
Au sein de l’équipe pluridisciplinaire, Danièle Berthelot prend en charge un public de personnes âgées souffrant principalement de démence de type Alzheimer ou apparentée : « La mémoire émotionnelle reste intacte et la relation à l’animal se fait sur ce plan précis. C’est un excellent moyen de valoriser le potentiel restant. Il est possible de travailler la vigilance, l’attention, l’interaction, la coordination… » Inscrites dans le temps (trois mois) et menées sur la base du volontariat, aussi bien du personnel que des soignés, les séances sont hebdomadaires. Elles concernent des petits groupes stables de quatre à cinq personnes et durent de dix minutes à une demi-heure. « Je fonctionne en binôme avec une aide-soignante ou l’animatrice de la structure, explique Danièle Berthelot. Tout est ritualisé : lorsqu’un chien travaille, il porte un foulard de couleur et je lui retire la laisse. Je le dirige par gestes, mon regard étant nécessaire à la relation avec la personne. Il s’agit d’un échange triangulaire. Le chien n’est pas le thérapeute mais permet d’interagir avec le malade de façon ludique, ce qui exige une grande complicité. »
Bien que la psychomotricienne porte une blouse blanche, les participants n’identifient pas son action à une démarche de soin. Ils la surnomment la “dame aux chiens”. Eux-mêmes deviennent acteurs de la séance en tant qu’assistants du chien : lancer le jouet à Bill, le labrador, donner un ordre à Elfe, prendre le petit bichon Polo sur les genoux, le jeune berger allemand… Car chaque chien déclenche des liens différents.
Malgré la spontanéité apparente, toute action a son utilité et révèle le potentiel psychique et physique de la personne : améliorer la qualité d’un geste, prévenir les chutes grâce à une meilleure axialité, stimuler le dialogue, renforcer l’estime de soi… Les déclinaisons sont infinies. Même en dehors de leur présence, les animaux restent un support de travail : Danièle Berthelot stimule alors le souvenir par leur description (morphologie, nom, caractère…). « En 2003, à l’occasion du projet réalisé au centre gériatrique du centre hospitalier de Pau, un protocole d’observation a aussi mis en évidence un nouveau mode relationnel des résidents avec le personnel soignant et une diminution de la déambulation et de l’anxiété, donc de l’agressivité », souligne la professionnelle.
Les animaux, dotés d’une éducation orientée et dont le bien-être n’est pas oublié, sortent épuisés des séances, signe du travail exigeant qui s’y déroule. De plus en plus sollicitée pour de la formation, Danièle Berthelot prépare, afin de théoriser sa pratique, le premier DU Rama français
(2) Au Salon infirmier, édition 2011, une conférence “zoothérapie ou médiation animale” visait à présenter cette pratique aux professionnels de santé.
« À domicile, les animaux de compagnie peuvent offrir un excellent support aux Idels, pour détourner l’attention ou même calmer un patient difficile. Quand il y a une situation compliquée, il existe parfois des outils que l’on ne soupçonne pas. Toutefois, il n’y a pas de règle en la matière, il faut utiliser ce qui nous convient le mieux. Je connais même une aide-soignante qui amène son chien avec elle. Parler de ses propres animaux ou montrer des photos, c’est une façon de parler de soi : il y a un échange. Peu importe, pourvu que le bien-être psychique du patient soit au rendez-vous. Mais il m’est aussi arrivé d’intervenir pour convaincre le propriétaire d’un animal de mettre ce dernier à l’écart afin de permettre aux intervenants de faire leur travail. Certains ont peur et un chien peut alors mordre. »
Dans le domaine scientifique, la zoothérapie correspond à la thérapie assistée ou facilitée par l’animal, l’une des activités concernées par la Rama. Multidisciplinaire, la zoothérapie s’inscrit en complément de thérapeutiques conventionnelles. À la fin des années 1950, le pédopsychiatre américain Boris Levinson lance la démarche, suite à la rencontre imprévue de son chien avec un autiste et aux effets bénéfiques constatés. Mais, la zoothérapie s’est surtout développée dans les années 1980 aux USA. Encore mal représentées en France, les associations de zoothérapie sont reconnues d’utilité publique au Canada et en Suisse. En 2005, Rachel Lehotkay, docteur en psychologie et psychothérapeute spécialisée en thérapie assistée par l’animal, après avoir analysé 194 publications, constate que plus de 80 % confirment les effets positifs de la présence d’un animal dans un contexte thérapeutique.