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ÉTAT DES LIEUX→ Confronté depuis sa création à des turbulences, l’Ordre national infirmier est au pied du mur. Il doit désormais composer avec son passif financier, la fronde des libéraux, les anti-Ordre et plus de 80 % de la profession qui n’en a cure…
Didier Borniche, président du Conseil national de l’Ordre des infirmiers, a déclaré : « Un ordre ne vit que grâce aux cotisations qu’il perçoit. Si nous avions recouvré celles initialement prévues, nous n’aurions pas été amenés à licencier autant de personnel. » Un brin culpabilisant, il a cependant ajouté que « ce constat n’obère pas les responsabilités dans la gouvernance de l’Ordre ». Mutique depuis cet été, le Conseil national a donc fait sa rentrée médiatique le 26 janvier dernier en organisant une conférence de presse en son siège parisien. Objectifs principaux : rassurer sur son avenir, convaincre de sa légitimité et fédérer la profession en son sein. Bref, “restaurer” son image et la confiance, passablement dégradées auprès des infirmières elles-mêmes.
Sur l’avenir de l’ordre, Didier Borniche s’est déclaré « serein ». Fort du plan de restructuration – adopté en septembre dernier par le Conseil national et le groupe bancaire qui le soutient – qui prévoyait une augmentation de ses cotisations et une baisse très substantielle de ses charges, l’Ordre annonce un retour à l’équilibre budgétaire au printemps prochain. Il n’empêche que l’ardoise est lourde : plus de 11 millions de dette, qu’il faudra éponger en sept ans, la suppression de 114 emplois sur 156 et la fermeture, d’ici au printemps, des cent conseils départementaux. Le Conseil national devrait également déménager pour des « locaux moins spacieux et moins coûteux ». Au quotidien, la vie des ordres départementaux et régionaux va être spartiate. Dans une note interne diffusée le 20 janvier
Côté cotisation justement, l’ordre a déjà atteint les objectifs fixés à l’échéance d’avril 2012. « Depuis avril 2011, le nombre d’inscription a augmenté de 20 % », s’est félicité le président. Au 25 janvier, l’Ordre indique avoir encaissé 90 020 adhésions sur les 110 752 infirmières inscrites au tableau. Parmi elles, 53 000 sont des libérales, sur les quelque 75 000 en activité. Le taux de cotisation global se situe à 84 %, mais celui des libérales est de 52,78 % et tombe à 44,61 % chez les salariés. Au total, l’Ordre regrouperait un peu plus d’une infirmière sur cinq. « Cet Ordre doit fédérer les quelque 500 000 infirmières du pays. Sans doute était-il illusoire [à sa création] de penser que nous allions y parvenir en quelques mois. Nous avons aujourd’hui mesuré l’ampleur de la difficulté », a expliqué Didier Borniche. Le Conseil national s’est donc donné sept ans pour inscrire la moitié des infirmières. « Nous allons, a poursuivi le président, continuer notre travail de persuasion et d’information auprès des infirmières, car l’Ordre est au service de toute la profession. » D’ici peu, pour accélérer le processus, les infirmières pourront s’inscrire via Internet. Le président a également rappelé que l’Ordre agissait dans le cadre de la loi et qu’inscription et cotisation étaient obligatoires. « Nous allons poursuivre nos relances auprès de celles qui ne sont pas à jour de leur cotisation et entreprendre des démarches envers les employeurs de celles qui ne sont pas encore inscrites », a insisté Didier Borniche.
Par ailleurs, le président a expliqué qu’il souhaitait renouer le dialogue avec « les partenaires syndicaux ». Mais les modalités restent floues. Et la tentative incertaine. Ceux contre l’Ordre ne devraient pas venir de sitôt s’asseoir autour de la table puisque, comme le très actif Résilience (voir ci-dessous), ils réclament son abrogation pure et simple ; quant à ceux qui étaient pour l’Ordre, et qui continuent de l’être sur le fond, ne le sont plus sur la forme (voir ci-contre). Mais, dans ce dernier cas, il ne s’agit pour Didier Borniche « que de règlements de comptes personnels ». Ce qui est sûr, c’est qu’avec si peu de moyens, l’Ordre est réduit à peau de chagrin, et l’on voit mal, même avec sa bonne volonté, comment il va pouvoir s’imposer dans le paysage sanitaire pour faire entendre la voix de la profession…
* Lettre d’information n° 53.
Dans un communiqué diffusé le 12 janvier dernier, Convergence infirmière, la Fédération nationale des infirmières (FNI), et l’Organisation nationale des syndicats d’infirmiers libéraux (Onsil) « appellent à une résistance collective et massive des libéraux par le boycott de toute cotisation ordinale réclamée de façon discriminatoire ». Objet de la révolte, l’annonce par le ministère de la Santé de la non-publication du décret imposant l’inscription automatique des infirmières salariées à l’Ordre, « faisant peser sur les seuls libéraux le principe d’une inscription et d’une cotisation obligatoires », détaille le communiqué. Les trois syndicats déclarent que « les infirmières ne doivent donc pas se laisser intimider par un Ordre largement contesté, discrédité de toutes parts […] ». Par ailleurs, l’intersyndicale des libéraux de santé et le Centre national des professions de santé (vice-présidé par la FNI) ont publié un communiqué dans lequel ils dénoncent la parution prochaine d’un décret portant, lui, sur le contrôle de l’insuffisance professionnelle dont les seuls Ordres seraient chargés.
Bien qu’il n’annonce que 500 adhérents de tout exercice, « mais des milliers de sympathisants », le syndicat Résilience est l’un des principaux pourfendeurs de l’Ordre infirmier. Modeste par sa taille mais très motivé pour faire tomber l’Ordre, il ne rate pas une occasion de dénoncer les agissements de l’instance à l’encontre de la profession infirmière, y compris devant les tribunaux. S’estimant injurié, l’Oni a, à son tour, récemment porté le fer devant la justice et assigné le syndicat et son secrétaire général, Hugues Dechilly, devant le tribunal de grande instance de Paris pour injures publiques. L’audience aura lieu le 20 mars. D’ores et déjà, Résilience, soutenu par Sud-Santé et la CGT, appellent à une action nationale devant le TGI parisien mais également devant ceux de provinces. À suivre…