Cahier de formation
Savoir faire
L’insuffisance rénale de monsieur N. a évolué et son médecin lui a dit qu’il fallait dorénavant envisager une dialyse. Il a aussi parlé des différentes méthodes de dialyse à monsieur N. qui serait intéressé par une dialyse péritonéale à domicile. Il vous demande comment se déroule ce traitement et si vous pourrez l’assister en cas de besoin.
Le médecin vous a proposé la dialyse péritonéale parce qu’elle est bien indiquée en début de prise en charge, et que le patient urine encore malgré son insuffisance rénale. Elle permet une meilleure conservation de la diurèse résiduelle que l’hémodialyse. De plus, cette méthode de dialyse se pratique à domicile et vous évite des séances régulières à l’hôpital. La prise en charge est assez lourde pour l’infirmière, surtout si vous choisissez de dialyser pendant la journée. Vérifiez que la prise en charge est possible avec vos collègues du cabinet et répondez-lui rapidement.
« La dialyse péritonéale (DP) consiste à introduire (infuser) du liquide de dialyse (dialysat) dans la cavité péritonéale, d’attendre que les échanges s’effectuent (stase) à travers la membrane péritonéale, puis de vidanger (drainer) le dialysat avant de recommencer le cycle. »
Le terme “infusion” est plus approprié, mais on parle souvent d’“injection”. Un réchauffeur est programmé pour amener des poches à 37 °C avant l’arrivée de l’infirmière. Mathilde Legoupil, infirmière responsable dialyse péritonéale à l’Aurad Aquitaine, insiste sur la souplesse du soin. Il n’y a jamais d’urgence vitale. L’infirmière peut avoir un retard prolongé sans risque pour le patient. Certaines font un soin à proximité pendant le drainage. L’objectif de drainer le volume de dialysat infusé est évalué sur 24 heures. La dialyse nécessite du temps pour l’Idel, mais c’est aussi un temps pour une relation thérapeutique.
Deux techniques sont possibles : la dialyse péritonéale continue ambulatoire, pratiquée la journée, ou la dialyse péritonéale automatisée, pratiquée la nuit.
Les échanges organiques se font à travers le péritoine qui est composé de deux feuillets quasiment accolés à l’état normal. L’espace virtuel entre ces feuillets se distend lorsqu’on introduit la solution de dialyse (le dialysat). Les échanges se font entre le sang circulant entre les capillaires péritonéaux et le dialysat. L’accès à la cavité péritonéale se fait par un cathéter souple implanté chirurgicalement dans la région sous-ombilicale, sous anesthésie locale ou générale selon les centres. Les échanges reposent sur les principes de diffusion et d’ultrafiltration (voir partie Savoir p.28).
« La dialyse péritonéale est difficile à envisager au-delà de 5 ans, notamment à cause d’une perte nette de la performance péritonéale », précise le docteur Jean-Paul Ortiz, médecin néphrologue.
Autres raisons : les infections péritonéales, les problèmes techniques liés au cathéter ou une dialyse inadéquate. « Les patients sont informés d’emblée que le DP sera provisoire et qu’on sera obligé de passer à l’hémodialyse. Pour les plus jeunes, généralement inscrits sur une liste de greffe, c’est une technique d’attente qui n’est pas trop mal vécue », constate Annie Laclaustra, infirmière référente en dialyse péritonéale, polyclinique Médipôle Saint-Roch, Cabestany (66).
Les solutions de dialyse péritonéale ont des compositions et des concentrations variables. Les poches stériles, apyrogènes, à usage unique, ont des contenances de 0,5 à 5 litres.
Les concentrations en électrolytes varient peu, sauf pour le calcium :
→ sodium : 128 à 134 mmol/l ;
→ potassium : 0 à 2 mmol/l ;
→ magnésium : 0, 25 à 0,75 mmol/l ;
→ calcium : concentrations basses, 1,25 à 1,38 mmol/l, ou 1,7 à 1,79 mmol/l.
Substances qui maintiennent constant le pH d’une solution (effet tampon).
→ Lactates : 35 à 40 mmol/l.
→ Bicarbonates : 34 à 39 mmol/l.
→ Solutions mixtes : lactates, 15 mmol/l, et bicarbonates, 25 mmol/l.
Ils permettent le transfert de l’eau et du sodium à travers la membrane péritonéale. Le glucose est le plus utilisé. Plus sa concentration est élevée dans le dialysat, meilleure est l’ultrafiltration.
→ Glucose : 1,36 à 3,86 %.
→ Acides aminés : 1,1 %. Ces solutions sont destinées aux patients en dénutrition protéique.
→ Icodextrine : les solutions à base d’icodextrine (polymère glucidique) sont utilisées dans les échanges prolongés (8 à 12 heures). Elles évitent le recours à des solutions glucosées très concentrées responsables d’un apport excessif en glucose.
Effectuée dans la journée, l’injection et le drainage du dialysat se font par simple gravité. Le dialysat est renouvelé par le drainage et l’injection d’une nouvelle poche, trois ou quatre fois par jour. Une séquence drainage puis injection dure de 30 à 45 minutes. Une stratégie classique consiste en 4 cycles de 2 à 3 litres de dialysat sur 24 heures (trois cycles diurnes et un long cycle nocturne).
« Il faut organiser quatre échanges par jour (7-8 heures ; midi ; 16 heures et 20 heures ). Entre chaque changement de poches, le dialysat reste en stase environ 4 ? heures dans la cavité péritonéale », explique Christelle Marquis, infirmière libérale à Perpignan (66). À chaque passage, l’infirmière fait un drainage, pèse la poche et infuse un nouveau dialysat. « On enroule ensuite la poche vide que le patient garde sur lui, prête pour le drainage suivant. » Au passage du soir, « on laisse souvent un volume de dialysat en stase pour la nuit, qu’on draine le lendemain matin ». À cause d’une stase trop longue, le dialysat peut être en partie absorbé par l’organisme. « On utilise alors un dialysat avec une concentration en glucose plus forte (3,86 %) ou à base d’icodextrine (type Extraneal) qui épure le sang mais n’est pas réabsorbé par le patient. »
Les échanges nocturnes sont automatisés par une petite machine appelée “cycleur” où sont programmés : volume infusé, durée des différentes phases, etc. Le cycleur enregistre les volumes infusés et drainés (bilan des entrées et des sorties).
Pour les patients dialysés la nuit, « on fait un passage le soir pour brancher le patient. Pas trop tôt, car, une fois connecté, le patient reste dans le lit », explique Christelle Marquis.
La machine commence par un drainage du dialysat conservé de la dialyse de la nuit précédente, et termine le matin par une injection de dialysat laissé en stase pendant la journée. Pour uriner durant la nuit, certains patients savent se débrancher, sinon un urinal ou une chaise percée sont mis à disposition.
Pour la nuit, l’infirmière connecte deux poches de 5 litres de dialysat, avec parfois une troisième poche contenant un dialysat plus concentré. Lors du passage le matin, l’infirmière vérifie que la dialyse s’est faite correctement et débranche le patient, s’il ne l’a pas fait lui-même.
« En France, l’intervention d’une association est le seul moyen pour les patients d’avoir le matériel nécessaire pour une dialyse péritonéale à domicile, l’hôpital ne faisant pas le suivi logistique du traitement à domicile », précise Lucile Lespinasse, infirmière coordinatrice à l’Aurad Aquitaine (Association pour l’utilisation du rein artificiel à domicile en Aquitaine). La plupart des patients traités à domicile sont autonomes. Dans le cas contraire, le service ou le patient contacte une infirmière libérale pour les soins. Le médecin de l’hôpital fait une prescription médicale précisant la méthode de dialyse, le type de produit et le nombre de poches.
Par la suite, l’infirmière adapte le traitement en fonction du poids et de la clinique du patient. Elle fait une commande du matériel qu’elle estime nécessaire en général tous les mois. Pour un problème médical (problème technique de dialyse), le référent est le service hospitalier. L’infirmière s’adresse à l’association pour un problème matériel, une poche défectueuse par exemple.
Une péritonite, risque majeur de la DP, est le plus souvent imputable à une erreur de manipulation par contamination manuportée. Élévation de la température, douleur abdominale, altération de l’état général (abattement), pâleur, anxiété, pouls rapide, vomissements, arrêt de l’évacuation des matières et des gaz justifient un appel au service de néphrologie en charge du patient.
La pièce doit être tenue très propre (ménage quotidien). Le petit matériel (pèse-personne, potence, etc.) doit être nettoyé (avec de l’eau de Javel) au moins une fois par semaine. Savons, compresses, sparadrap, cartons de poches, etc., sont stockés dans un endroit propre, à l’abri de la chaleur, de l’humidité et d’une éventuelle détérioration par des animaux domestiques.
« Auparavant, on faisait un lavage antiseptique des mains et avant-bras (lavage chirurgical de 1 à 3 minutes). Aujourd’hui, les protocoles nous permettent de faire un lavage simple des mains et avant-bras au savon doux, suivi de l’application d’un gel hydroalcoolique (type Manugel), avant et après chaque manipulation », observe Christelle Marquis.
Il doit recouvrir le nez et la bouche. Il est porté à chaque connexion et déconnexion (et lors de la réfection du pansement d’émergence), par le patient, l’infirmière et toute personne présente dans la pièce.
Il doit être rempli à chaque changement de poche.
Sont notés :
→ poids du patient : le patient doit être pesé tous les matins à la même heure pour adapter le traitement à un éventuel écart de poids par rapport au poids sec évalué par le médecin ;
→ pression artérielle (le plus possible, PA couché, assis, debout) ;
→ poids d’entrée et de sortie de chaque poche, ainsi que leur concentration en glucose. Un volume de dialysat drainé inférieur au volume infusé est le signe d’un mauvais drainage et nécessite un signalement au médecin ;
→ incidents sur les poches de drainage : le liquide revient mal, aspect du dialysat rosé ou hémorragique, trouble ;
→ température et observation de l’état général.
L’émergence est l’orifice de sortie du cathéter de dialyse au niveau de la peau abdominale.
Le pansement d’émergence est changé régulièrement en fonction de la prescription (2 fois par semaine par exemple), et systématiquement en cas de souillure par du sang ou un écoulement, après une douche, ou s’il est décollé. La surveillance de l’émergence doit repérer suintement, chaleur ou peau tendue. Une émergence saine n’est pas rouge ni douloureuse, sans croûte ni écoulement.
Outre les bilans sanguins réguliers, elle est évaluée par des tests péritonéaux tous les six mois au centre de dialyse. Ils durent environ 5 heures. Les tests évaluent la capacité de transport de la membrane péritonéale en comparant les concentrations de substances dans le dialysat (urée, créatinine, sodium) aux concentrations du plasma (dans lequel on recherche aussi les concentrations de glucose et albumine). Les mesures sont faites après l’introduction d’un dialysat, au début du test, puis 2 et 4 heures après le début. Avant un test, un dialysat à 2,27 % de glucose est laissé en stase pendant 8 heures dans la cavité péritonéale.
→ La perte de la fonction péritonéale ou les adhésions intra-abdominales multiples limitant le débit de dialysat. Toute anomalie altérant le débit sanguin péritonéal, le débit de dialysat, la surface péritonéale efficace et sa perméabilité peut entraîner un échec technique.
→ Patient incapable physiquement ou mentalement de réaliser la dialyse péritonéale sans possibilité d’aide extérieure.
→ Anomalie mécanique non curable incompatible ou entraînant un risque accru d’infections. Hernie diaphragmatique, malformation congénitale avec défaut de fermeture de la paroi abdominale (omphalocèle) ou certaines opérations antérieures de l’abdomen. Tout défaut structurel peut être exacerbé par la pression intra-abdominale qui augmente avec le volume de dialysat injecté.
* Indications et non-indications de la dialyse péritonéale chronique chez l’adulte, Haute Autorité de santé, juin 2007.
Christelle Marquis, infirmière libérale à Perpignan (66)
« Si l’alarme vient à sonner à cause d’un problème de position du patient ou de ligne coudée, il suffit au patient d’arrêter la machine (cycleur) et de la relancer. Certains cycleurs corrigent la plupart des alarmes sans l’intervention du patient. En cas de problème plus important, on les a avertis d’arrêter la machine et on règle le problème au passage du matin, car toutes les opérations du cycleur sont enregistrées. Enfin, en cas de gros souci, le service de néphrologie qui suit le patient répond 24 heures sur 24. »
Le décret du 21 novembre 2011
*Décret relatif à la prise en charge des actes de dialyse péritonéale réalisés par les infirmiers libéraux en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (plus de renseignements sur www.legifrance.gouv.fr).
Annie Laclaustra, infirmière référente en dialyse péritonéale, service de néphrologie, polyclinique Médipôle Saint-Roch, Cabestany (66)
« Une structure de formation pré-dialyse et d’éducation thérapeutique permet, avant la mise en dialyse, que le patient soit reçu pour une session de trois réunions par le médecin, une infirmière d’hémodialyse, la psychologue, l’assistante sociale, la diététicienne, et moi-même, tous formés à l’éducation thérapeutique. Après ce premier contact, il est plus facile pour le patient d’interpeler un professionnel en fonction de ses besoins. Pour les infirmières libérales qui doivent effectuer une dialyse péritonéale (DP) pour la première fois, on propose une courte formation. Je les reçois à la clinique, en général deux fois deux heures sur leur temps libre. Après un rappel théorique sur l’insuffisance rénale et une présentation de la DP, elles font elles-mêmes la dialyse selon la méthode choisie par le patient (jour ou nuit). Bien sûr, l’accent est mis sur l’hygiène du soin et le risque de péritonite. Le médecin privilégie toujours l’infirmière que le patient connaît déjà. »