L'infirmière Libérale Magazine n° 279 du 01/03/2012

 

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EUROPE > Le rapport que vient de publier la Fédération européenne des associations d’infirmières (EFN) dresse un sombre tableau dans lequel la France n’est pas le pays le plus touché. Mais quand même…

Réduction du nombre de postes d’infirmières, baisse et/ou gel des salaires, arrêt des recrutements, non-paiement des heures supplémentaires, congés maladie et départs à la retraite non remplacés, chômage… C’est le lot de bien des infirmières dans la plupart des pays européens du fait de la crise économique depuis 2008, indique l’EFN, qui a recueilli* les rapports d’associations d’infirmières de 34 pays.

Dégradation des conditions de travail

Certains tirent leur épingle du jeu, comme la Norvège, le Luxembourg et la Suisse. À l’opposé, les infirmières des pays non-membres de l’Union européenne (UE) et la plupart des derniers arrivés au sein de l’UE, plus pauvres, traversent des périodes très difficiles. Ces difficultés, ajoutées à des salaires très bas (280-350 €), conduisent nombre d’entre elles (en Bulgarie, par exemple) à partir travailler à l’étranger.

Plus à l’ouest, les infirmières d’Irlande, d’Espagne, du Portugal et de Grèce connaissent aussi de très graves difficultés. Dans ces pays, comme dans la plupart des autres (Belgique, Pays-Bas, Allemagne, Italie, Pologne…), mais de façon moins brutale, la baisse générale du financement du système de santé se répercute sur les conditions de travail des infirmières, leurs opportunités de carrière mais aussi leur formation et, partant, sur la qualité de soins et la sécurité des patients, insiste l’EFN.

La France a peu contribué au rapport. On y pointe cependant une augmentation de la charge de travail, aggravée par la diminution du nombre de postes. Pour Brigitte Hérisson, secrétaire générale de l’Anfiide (Association nationale des infirmières et infirmiers diplômés d’État, membre de l’EFN), la crise économique réduit le nombre de soignants au maximum et, de ce fait, leurs « possibilités d’exercer l’art infirmier comme ils le souhaiteraient ». Si beaucoup mobilisent vaillamment leur conscience professionnelle pour compenser, c’est au prix de risques psycho-sociaux accrus. L’encadrement voudrait reconnaître les efforts mais n’en a pas les moyens… « On est vraiment au creux d’une vague dont on espère sortir », ajoute Brigitte Hérisson.

Les libérales perçoivent aussi les effets de la crise, souligne Brigitte Lecointre, présidente de l’Anfiide, « sur le nombre d’actes et la complexité des situations à prendre en compte », auxquelles elles doivent consacrer davantage de temps. Les patients sortent de plus en plus tôt de l’hôpital et la précarité de certains ne leurs permet pas d’adopter les comportements alimentaires nécessaires en cas de diabète ou d’insuffisance rénale, ou de se procurer les médicaments non ou mal remboursés. Parfois, des personnes âgées dépendantes ne sont pas non plus placées dans des structures adaptées pour des raisons financières… Selon Brigitte Lecointre, « notre investissement intellectuel et humain augmente considérablement ».

Urgence à agir

Tous les parlementaires européens et les commissions européennes ont reçu ce rapport, indique Paul de Raeve, secrétaire général de l’EFN. Selon lui, il y a urgence à œuvrer pour l’innovation dans les systèmes de santé et la clarification des rôles de ses différents professionnels. La directive sur la mobilité professionnelle des infirmières, actuellement en rediscussion au niveau européen, devrait, ajoute-t-il, offrir des opportunités aux infirmières prêtes à tenter l’aventure, au moins temporairement, du travail à l’étranger.

* L’étude est téléchargeable sur le site de l’association (www.efnweb.eu) ou sur l’adresse raccourcie http://bit.ly/zVzu.