L'infirmière Libérale Magazine n° 279 du 01/03/2012

 

Une pratique

Cahier de formation

LE POINT SUR

Un groupe d’infirmières libérales de la région Paca a travaillé sur la consultation d’éducation thérapeutique et formalisé son déroulement. Composée de quatre étapes, elle nécessite la participation active du patient.

Définitions

Il n’existe pas en France de définition consensuelle reconnue pour la consultation infirmière, qui s’appuie sur le raisonnement clinique infirmier. Le groupe de travail propose comme définition de la consultation clinique infirmière un « dispositif de soin global qui permet la participation active du patient », et comme définition de l’éducation thérapeutique du patient, ou ETP, « un processus structuré, centré sur la personne, dans une logique d’apprentissage pour acquérir des compétences et des connaissances et une aide aux changements de comportements de soins, dans le but de favoriser l’autonomie et la qualité de vie du patient ».

Contexte

La pratique de l’ETP nécessite une formation infirmière d’au moins 40 heures d’enseignements. Les programmes, mis en œuvre localement, sont proposés au malade chronique par le médecin prescripteur à même de proposer les coordonnées d’Idels ayant suivi la formation adaptée. La consultation infirmière en libéral est complémentaire de celle qui est pratiquée à l’hôpital. Même en l’absence actuelle de reconnaissance(1) dans la Nomenclature générale des actes professionnels, la consultation clinique infirmière en libéral tend à se développer, encouragée par certaines CPAM qui peuvent, localement, valider la DSI (Démarche de soins infirmiers) signée par le médecin. La séance de soins infirmiers, cotée en AIS3, comprend alors l’ensemble des actions de soins liées aux fonctions d’entretien et de continuité de la vie, visant à protéger, maintenir, restaurer ou compenser les capacités d’autonomie de la personne.

Prise de contact

Le premier contact entre le patient et l’infirmière se fait le plus souvent au téléphone, pour une demande de rendez-vous. Ce premier contact est fondamental : il s’agit d’entendre la demande du patient, d’amorcer l’entrée en relation avec lui, d’identifier le motif de la demande de consultation et d’organiser un premier rendez-vous.

Première étape : établir le diagnostic éducatif

Il s’agit de présenter au patient le cadre dans lequel va se dérouler l’ETP et de mettre en place avec lui une relation de confiance. On effectue également le recueil de données en utilisant divers modèles conceptuels (comme ceux d’Ivernois et Gagnayre, Henderson, Watson ou Peplau). Objectif : prendre en compte les dimensions somatique, socio-professionnelle, cognitive, psychoaffective et spirituelle du patient.

On recherche le ou les projet(s) du patient, ainsi que ses atouts et ses freins. On pose la ou les hypothèse(s) de diagnostic infirmier, en se référant à la classification des diagnostics infirmiers de l’Anadi/Nanda (2). On pose alors si nécessaire les objectifs sécuritaires (comme la surveillance biologique pour les patients sous anti-vitamines K). On détermine enfin les problèmes à traiter en interdisciplinarité.

Deuxième étape : définir les compétences à acquérir

On établit avec le patient les compétences à acquérir et les objectifs pédagogiques à atteindre. À l’issue des premières consultations, une synthèse écrite est envoyée au prescripteur. N’y figurent que les éléments autorisés par le patient, dans le strict respect du secret médical. Les compétences à acquérir sont des compétences d’auto-observation, de raisonnement et de décision, d’auto-soin, sociales et d’adaptation. Les objectifs doivent être pertinents, logiques, précis et réalisables. Ils sont formulés par un verbe et un complément d’objet. Par exemple, « composer un repas équilibré », « repérer les signes d’hypoglycémie », ou « interpréter ses résultats ».

En s’appuyant sur les atouts du patient tout en prenant en compte ses difficultés, on établit un programme éducatif et l’on détermine les outils que l’on va utiliser. La motivation du patient sera liée à la réalisation de son projet personnel. Il peut être nécessaire de travailler sur la motivation du patient.

On définit alors le nombre de consultations nécessaires et l’on conclut un contrat d’éducation avec le patient. Il s’agit d’un accord moral qui permet de formaliser l’engagement du patient et de l’infirmière. Il comprend les objectifs de sécurité communs à tous les patients atteints de la même maladie et les objectifs individuels.

Troisième étape : l’enseignement avec méthode spécifique

Les séances sont préparées par l’infirmière à l’aide d’outils spécifiques : questionnaires, carnet de surveillance (diabétique, AVK…), carte conceptuelle, relation d’aide, entretien, exposé, étude de cas clinique, ronde des décisions, classeur imagier, simulations, apprentissage par situations-problème, conseil téléphonique, jeu de rôle, séance de relaxation, entretien centré sur l’émotion, ou auto-apprentissage (par la lecture d’ouvrages ou la navigation sur Internet).

Le patient devra réaliser des actions en fonction des compétences à acquérir (comme la tenue d’un carnet de surveillance, l’interprétation de données ou la mémorisation de données).

Dernière étape : l’évaluation

Elle est faite à chaque fin de séance. Elle porte sur les actions d’éducation et concerne le patient, l’infirmière et le programme d’ETP. Elle peut être orale, écrite, pratique ou les trois à la fois. Elle doit être objective, fiable, validée, commode et acceptable. Ses critères ont été élaborés lors de la définition des compétences à acquérir. Elle prend également en compte le ressenti du patient, les difficultés rencontrées, le degré d’investissement personnel.

L’évaluation permet de réajuster les outils, de valoriser les acquis du patient, de prévoir l’après-programme (arrêt, suivi ou poursuite de l’ETP), de valoriser le soignant ou de réajuster ses connaissances ou ses méthodes. Le prescripteur et les spécialistes concernés sont tenus informés de l’évolution du patient, dans le respect de confidentialité inhérant à la relation patient/infirmière.

(1) L’Association nationale française des infirmières et infirmiers diplômés et étudiants (Anfiide) a déposé le 11 novembre 2011 une note de cadrage à la Haute Autorité de santé (HAS) dans le but d’obtenir des recommandations de bonne pratique clinique infirmière.

(2) Plus de renseignements sur www.aqcsi.org, site de l’Association québécoise des classifications de soins infirmiers (Aqcsi), qui succède à la section montréalaise de l’Anadi (Association nord-américaine du diagnostic infirmier) ou Nanda (www.nanda.org) dans sa version internationale anglophone.

Cadre juridique

Plusieurs textes réglementaires apportent des précisions sur l’éducation thérapeutique du patient.

→ L’arrêté du 2 août 2010 précise la formation nécessaire et les compétences requises pour dispenser l’ETP. Ces 15 compétences correspondent aux recommandations de l’OMS. Elles sont regroupées en compétences relationnelles, pédagogiques et d’animation, méthodologiques et organisationnelles, biomédicales et de soins.

→ Le référentiel de compétences du diplôme d’état d’infirmier figurant dans l’arrêté du 31 juillet 2009, relatif à la formation initiale des étudiants infirmiers, mentionne l’ETP.

→ La loi Hôpital, patients, santé et territoires (HPST), du 21 juillet 2009, mentionne l’éducation thérapeutique du patient dans 4 articles du Code de la Santé publique : L.1161-1, L.1161-2, L.1161-3 et L.1161-4. Les programmes d’ETP, élaborés au niveau local (d’après un cahier des charges national) sont évalués par la Haute Autorité de santé.

→ Le décret de compétences du 29 juillet 2004 évoque l’ETP dans quatre articles du Code de la Santé publique : R.4311-1, R.4311-2, R.4311-4, R.4311-5.