L'infirmière Libérale Magazine n° 279 du 01/03/2012

 

SANTÉ PUBLIQUE

Actualité

CONSO > Chaque année, un Français sur cinq utilise au moins une benzodiazépine ou une molécule apparentée. L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) vient de publier un état des lieux de sa consommation en France et de son évolution.

Stable, voire en diminution depuis dix ans, la consommation de benzodiazépines (BZD) et des produits apparentés a pourtant connu une poussée en 2010. Conséquence de la crise ? L’Afssaps ne se prononce pas. Son rapport d’expertise* présenté en janvier 2012 dresse un bilan de la consommation de BZD dans la population et présente un plan d’action pour favoriser leur bon usage et en limiter la surconsommation.

Indications variées, actions similaires

En France, 22 molécules sont commercialisées. Elles sont indiquées dans le traitement de l’anxiété (anxiolytiques), les troubles sévères du sommeil (hypnotiques), l’épilepsie (anticonvulsivants) ou les contractures musculaires douloureuses (myorelaxants).

En 2010, la consommation de BZD anxiolytiques se concentre autour de trois molécules : alprazolam (Xanax), bromazépam (Lexomil) et lorazépam (Temesta). Les BZD hypnotiques et apparentées restent stables, au profit d’une augmentation régulière des apparentés, le zolpidem (Stilnox) et la zopiclone (Imovane). Les BZD indiquées dans le traitement de l’épilepsie tel le clonazépam (Rivotril), ou des contractures musculaires, tétrazépam (Myolastan), progressent. En fait, tous ces médicaments ont des propriétés similaires liées à leur action sur le même type de récepteurs. Ils sont tous anxiolytiques, myorelaxants, hypnotiques ou au moins sédatifs, anticonvulsivants, et présentent les mêmes effets indésirables.

Leur indication diffère en fonction de leurs propriétés pharmacocinétiques. Un hypnotique a une rapidité d’action qui permet un endormissement rapide, tel le zolpidem (Stilnox). L’Imovane, avec une demi-vie plus longue, couvre plus longtemps la nuit. Certaines BZD à visée anxiolytique sont efficaces toute la journée.

Améliorer l’usage

Les effets indésirables et paradoxaux (comme la désinhibition, l’agitation…) semblent aujourd’hui bien identifiés.

Quant aux liens entre démences et BZD, notamment la maladie d’Alzheimer, l’Afssaps note que des « études suggèrent l’existence d’un lien », mais « les résultats […] ne sont pas concordants ». Pour tenter d’en améliorer l’usage, l’Afssaps suggère une prescription sécurisée étendue à toutes les BZD et apparentés, et des conditionnements réduits pour mieux coller à la prescription. Elle veut aussi communiquer sur les points essentiels : pertinence de la première prescription, limiter posologie et durée de prescription, ne pas associer plusieurs molécules, et réévaluer régulièrement l’intérêt du traitement.

*Le rapport d’expertise complet est téléchargeable sur http://bit.ly/xBx7lI.

3 questions à

Maryse Lapeyre-Mestre, médecin spécialisé en santé publique et en pharmacologie, responsable du Centre d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance-addictovigilance de Toulouse* (31)

Les autorisations de mise sur le marché (AMM) prévoient des prescriptions limitées à 8-12 semaines. Pourquoi ne sont-elles pas respectées ?

Ces produits sont facilement accessibles et la dépendance induite n’entraîne pas de comportements excessifs. À l’arrêt, les effets rebonds d’anxiété et d’insomnie sont difficilement supportables et favorisent une consommation chronique.

Quelles propriétés influent le plus sur la pharmacodépendance ? Une action rapide, un effet de pic et une demi-vie d’élimination longue rendent le sevrage plus difficile. Chez les personnes âgées, plutôt qu’un sevrage absolu, on peut proposer des produits à demi-vies plus courtes et éliminer les associations de produits identiques (anxiolytique et hypnotique, par exemple).

Quels sont les risques d’un surdosage ? Des gens décèdent d’un surdosage de BZD, surtout en cas d’insuffisance respiratoire, rénale ou autres. On affirme toujours que ces molécules sont très sûres, mais, chez quelqu’un de très fragile, elles peuvent être dangereuses…

* la déclaration des cas d’abus et de dépendance observés par les professionnels de santé aux CEIP permet d’améliorer la connaissance et le traitement de ces phénomènes.