MISE EN CAUSE
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Les poursuites au pénal contre les infirmières restent marginales. Cependant, les caisses n’hésitent plus à déposer plainte contre celles qu’elles soupçonnent de fraude. Les infirmières – qui ne sont pas des délinquantes – ne sont pas préparées à affronter police et justice. Petit vade-mecum de procédure pénale…
L’article 62-2 du Code de Procédure pénale dispose que « la garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l’autorité judiciaire, par laquelle une personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs ».
→ Concrètement, une garde à vue consiste en une rétention, dans une salle exiguë le plus souvent sale et rarement lumineuse, entrecoupée par des interrogatoires (auditions) et divers actes (prise d’empreintes, photographies, fouille à corps, etc.). Son délai est de 24 heures, mais il peut être prolongé d’autant par le procureur de la République.
→ La personne gardée à vue a des droits que la police doit, dès son arrivée, lui indiquer et lui permettre d’exercer, à défaut de quoi la procédure sera nulle. Elle a le droit de savoir quelle infraction lui est reprochée. Bien entendu, elle ne peut pas communiquer avec l’extérieur, mais elle peut faire prévenir, par l’intermédiaire d’un policier, par téléphone, un proche, à savoir la personne avec qui elle vit habituellement, un membre de sa famille ou son employeur, sauf si le procureur de la République s’y oppose. À tout moment, elle peut se faire examiner par un médecin à sa demande mais également à celle d’un membre de sa famille. Le médecin requis mentionne sur son certificat médical si son état de santé est compatible avec la mesure de garde à vue.
→ Elle peut bénéficier de l’assistance d’un avocat qui s’entretiendra avec elle et l’assistera lors des interrogatoires. Une garde à vue est un face-à-face entre la personne retenue et la police. Il est, certes, dans l’intérêt de la personne gardée à vue que tout se passe le mieux possible. Mais elle ne doit pas oublier que tout ce qu’elle dira lors de sa garde à vue restera dans la procédure et pourra lui être ensuite opposé. Elle a donc le droit de se taire et de faire préciser dans un procès-verbal pourquoi elle se tait.
→ Les procès-verbaux d’audition ont une importance majeure pour la suite de la procédure. Il est donc vivement conseillé de les relire. Si le procès-verbal ne semble pas correspondre à ce que la gardée à vue a voulu dire, cette dernière ne doit pas hésiter à demander au policier de modifier les points litigieux. S’il refuse, elle a intérêt à ne pas signer le procès-verbal. Dans ce cas, il convient d’écrire le plus précisément possible, en bas du procès-verbal, la raison pour laquelle il n’a pas été signé.
Pendant la garde à vue, il est possible que des perquisitions soient effectuées dans tous les lieux où peuvent se trouver des objets ou des données informatiques dont la découverte serait utile à la manifestation de la vérité. Ces perquisitions sont menées au domicile en la présence de la personne, à défaut, en présence de son représentant ou, à défaut encore, de deux témoins choisis par l’officier de police judiciaire en dehors de ses assistants. La police peut fouiller un véhicule, le coffre compris, si elle a des raisons plausibles de soupçonner qu’un crime ou un délit flagrant a été commis par l’un des occupants.
Le plus souvent, dans les affaires où des infirmières sont impliquées, un juge d’instruction est désigné par le procureur de la République pour continuer l’enquête. Après la garde à vue, la personne poursuivie est entendue une première fois par le juge d’instruction. Lors de cette entrevue, la personne poursuivie pourra se taire ou bien accepter de répondre aux questions du juge d’instruction, assistée de son avocat. Après plusieurs longs mois pendant lesquels sera éventuellement entendue à nouveau la prévenue – ou d’autres personnes par le juge d’instruction –, l’affaire sera close, et si les charges retenues contre la prévenue sont suffisantes, elle sera traduite devant un tribunal.
Le tribunal est composé de trois juges qui siègent sur une estrade. Il est assisté d’un greffier. Dès le début de l’audience, la personne prévenue est appelée à la barre et son identité est vérifiée par le président. Puis ce dernier expose les faits reprochés. Il s’appuie pour cela sur les procès-verbaux de la procédure, ceux transmis par la police et ceux enregistrés par l’éventuel juge d’instruction – s’il en a été désigné un. La personne poursuivie est invitée à donner sa version des faits et à répondre aux questions qui lui sont posées, par le président, ses assesseurs, le procureur de la République et les avocats, le sien, celui de son ou ses éventuel(s) co-prévenu(s), de la ou des éventuelle(s) partie(s) civile(s). Les témoins – s’il y en a – sont entendus. Le procureur de la république prend alors ses réquisitions, c’est-à-dire qu’il demande au tribunal de prononcer une condamnation – amende, peine d’emprisonnement avec ou sans sursis, travail d’intérêt général – ainsi que des peines accessoires, telle l’interdiction d’exercer la profession. L’avocat du prévenu développe son argumentaire au cours de sa plaidoirie. Le prévenu a la parole en dernier. Le tribunal peut soit rendre sa décision immédiatement, soit se retirer pour délibérer, soit indiquer la date à laquelle le jugement sera rendu.
Le montant du préjudice subi par l’Assurance maladie, constaté du fait d’infirmier(ère)s, qui avait quasiment triplé entre 2008 et 2009 en passant de 4,7 millions d’euros à 11,7 millions d’euros, s’élève en 2010 à un niveau plus élevé encore qu’en 2009, avec 12,7 millions d’euros. On dénombre ainsi, en 2010, 65 plaintes pénales (7 millions d’euros), 8 signalements au Parquet et 2 823 indus notifiés (5 millions d’euros). Les prestations fictives et les facturations multiples frauduleuses constituent à elles seules la moitié du préjudice subi et des griefs observés. À titre de comparaison, soulignons que les masseurs kinésithérapeutes sont à l’origine d’un préjudice de 2,5 millions d’euros et les médecins généralistes et spécialistes de 4,9 millions d’euros.
Extrait de “Lutte contre la fraude”, bilan 2010, ministère du Budget, Délégation nationale à la lutte contre la fraude, mai 2011.
→ Lors de la garde à vue, il faut réfléchir à ce que l’on va dire, car, en pratique, on n’aura plus aucune chance d’être cru par les juges ou le procureur, si on revient ultérieurement sur ce qu’on a dit, et ce, quelles qu’en soient les raisons.
→ De même, avant de signer un procès-verbal, il faut le relire attentivement. Et si l’on n’est pas d’accord avec son contenu, il faut demander à ce qu’il soit rectifié.