Dr Luc Sulimovic, dermatologue libéral et hospitalier, président du Syndicat national des dermatologues vénéréologues, Paris
La vie des autres
Spécialité très prisée mais victime d’un numerus clausus empêchant une formation de médecins en nombre suffisant, la dermatologie est une discipline variée permettant au praticien de développer une relation au long cours avec ses patients. Le Dr Sulimovic témoigne.
Le Dr Luc Sulimovic effectue des vacations en milieu hospitalier et exerce en libéral depuis vingt-cinq ans. « Je suis devenu dermatologue au hasard d’une rencontre avec un chef de service, raconte-t-il. En sixième année de médecine, je devais choisir une spécialité. Avec un ami, nous avons opté pour la dermatologie. Lorsque nous sommes arrivés dans le service, nous étions surpris par cette discipline. Mais le chef de service nous a accueillis très gentiment et a su mettre en valeur l’étudiant que j’étais. Il a éveillé en moi l’intérêt pour la dermatologie. » Il est alors entré à l’hôpital Saint-Louis (AP-HP), où il effectue toute sa carrière. « Dans le cadre de la pratique hospitalière, j’ai la possibilité de prendre en charge des pathologies avec des dermatologues aux compétences différentes et avec lesquels je peux confronter mon avis pour résoudre certains cas », explique-t-il.
L’exercice hospitalier lui donne également l’opportunité de tenir un rôle de transmission envers les jeunes dermatologues, comme dans le cadre de la chirurgie dermatologique. Enfin, l’avantage est aussi de pouvoir suivre directement les patients qu’il prend en charge dans le cadre de sa pratique libérale. « Ce statut me permet d’avoir une complète indépendance et d’exercer mon métier comme je le souhaite », souligne-t-il. Et d’ajouter : « Même si je n’ai pas l’impression d’exercer mon métier autrement, l’environnement en médecine de ville est différent et l’aspect relationnel avec mes patients change. Dans un cabinet privé, le patient va certainement se trouver dans un contexte plus adéquat qu’à l’hôpital pour se livrer. »
Le Dr Sulimovic apprécie cette relation qu’il peut nouer avec sa patientèle très diversifiée. Il prend en charge des patients de tous les âges, des enfants jusqu’aux personnes âgées, en passant par les adolescents. Le dermatologue peut suivre une personne toute sa vie et développer avec elle une relation dans le temps, tout comme le médecin généraliste. « Nous traitons des pathologies très diverses à chaque âge, alors que les autres spécialités médicales sont plutôt ciblées. À titre d’exemple, nous prenons en charge le bébé avec son eczéma, l’adolescent pour son acné et l’adulte pour le dépistage des cancers de la peau. »
De manière générale, le dermatologue remplit quatre grandes missions : il pose un diagnostic après un examen de la peau et propose les traitements adaptés. Il a un rôle de prévention en examinant l’ensemble de la peau, des muqueuses, des cheveux et des ongles, et est à même d’informer les patients sur les lésions à surveiller et des précautions à prendre suivant le type de peau. Il effectue un certain nombre d’actes de dermatologie chirurgicale avec les prélèvements diagnostiques, l’ablation de lésions cutanées, des tumeurs bénignes ou malignes. Enfin, il conseille et effectue les soins d’ordre cosmétique ou esthétique contre les effets du vieillissement, les excès solaires ou les maladies de la peau. « Nous soignons par la photothérapie des maladies de peau, mais aussi les méfaits du soleil sur la peau. »
Récemment nommé à la présidence du Syndicat national des dermatologues vénéréologues, le Dr Sulimovic s’investit dans la défense de sa profession. « Je souhaite aider mes confrères dans la pratique de leur activité dans un paysage médical en complète mutation. » Parmi les principaux problèmes de la discipline : le manque de dermatologues sur le territoire. Il y a 3 400 dermatologues hospitaliers et libéraux en France, d’une moyenne d’âge de 53 ans. « Ce n’est pas suffisant, remarque le médecin. Certains de mes confrères en province ont trois mois de délai pour la prise de rendez-vous. » Seulement quarante-quatre dermatologues sont formés par an alors qu’il s’agit d’une spécialité très recherchée. Cette pénurie de dermatologues entraîne des délais d’accès parfois très longs. Néanmoins, les dermatologues mesurent l’importance du dépistage et de traitements précoces des cancers de la peau, d’autant que cette pathologie est en constante augmentation. Conscients de leur responsabilité en matière de prévention, les dermatologues libéraux s’investissent et organisent la Journée nationale de dépistage gratuit et anonyme des cancers de la peau (voir l’encadré). Autre revendication : la revalorisation des actes de dermatologie. « La caisse d’Assurance maladie souhaite que certains actes de chirurgie soient effectués en cabinet, note le médecin. Mais ces actes sont sous-payés. » D’autant plus que 60 % des dermatologues exercent en secteur 1. L’ablation des cancers de la peau est un acte peu rémunérateur compte tenu du matériel utilisé, du temps consacré à la préparation du champ opératoire et de l’économie réalisée quand ce geste est fait en ambulatoire au cabinet libéral plutôt que lors d’une hospitalisation.
« Nous avons de très bonnes relations avec les infirmières libérales, car nous sommes assez proches dans l’exercice de nos métiers respectifs. En libéral, les dermatologues font appel à des infirmières pour les pansements post-opératoires, les cicatrisations, les plaies d’ulcères, l’aide aux soins ou pour préparer les plateaux pour la chirurgie. En région, dans les regroupements de professionnels de santé, certains médecins ont recours à des infirmières libérales qui viennent pour des soins médicaux ou au cours de la chirurgie dermatologique. »
Depuis maintenant quatorze ans, le Syndicat national des dermatologues vénéréologues organise la Journée nationale de prévention et dépistage des cancers de la peau. Cette année, elle aura lieu le jeudi 24 mai. « Le dépistage du cancer de la peau est une opération de santé publique reconnue comme telle par le ministère de tutelle, qui génère une forte mobilisation des dermatologues et qui permet de sensibiliser la population aux effets du soleil », souligne le Dr Sulimovic. Le dépistage, anonyme et gratuit, s’effectue sous le haut patronage du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé, en partenariat avec l’Institut national du cancer. Le principe de cette opération de santé publique est basé sur le volontariat des dermatologues qui, depuis 1998, dépistent bénévolement dans des centres dédiés
* Plus d’infos sur les lieux de dépistage : www.dermatos.fr ou par téléphone au 3015.