L'infirmière Libérale Magazine n° 281 du 01/05/2012

 

Évaluation de la douleur

LE POINT SUR

Recommandée par la Haute Autorité de santé et souvent citée dans les textes sur l’évaluation de la douleur, l’échelle visuelle analogique (EVA) a pourtant encore du mal à trouver sa place dans la poche de l’infirmière.

Présentation

Les échelles d’autoévaluation de l’intensité de la douleur n’ont qu’un rôle limité dans une démarche complète d’évaluation d’une douleur. Elles sont dites unidimensionnelles car elles n’évaluent qu’un critère : l’intensité. Elles permettent d’identifier le malade nécessitant un traitement de la douleur et en facilitent le suivi. En revanche, elles ne donnent pas d’information sur la nature de la plainte douloureuse et ne représentent qu’un des outils d’aide à la décision thérapeutique du traitement de la douleur. Parmi les échelles d’autoévaluation de l’intensité de la douleur, la Haute Autorité de santé* recommande d’utiliser de préférence l’EVA.

Un outil mal maîtrisé

En 2010, Nathalie Relet, infirmière, faisait réaliser une enquête auprès des infirmiers libéraux de Loire-Atlantique par le Réseau Douleur 44 (actuellement en cours de restructuration). Les résultats qu’elle a présentés lors d’une journée du Redo (Réseau douleur de l’Ouest) sur la prise en charge de la douleur à domicile révèlent que l’EVA n’est utilisée que par 25 % des infirmières libérales ayant répondu à l’enquête. L’évaluation de l’intensité de la douleur repose de préférence sur l’échelle verbale simple, la plus utilisée, pour 39 % des infirmières interrogées. Vient ensuite l’échelle numérique avec 36 % des réponses. Une des raisons viendrait du fait que « l’EVA n’est pas toujours clairement présentée dans la formation initiale de l’infirmière », constate Nathalie Relet à l’occasion des formations sur la douleur, dispensées par le réseau. Elle-même a pu avoir une information plus précise du maniement de l’EVA en se formant à la prise en charge de la douleur en soins infirmiers. Il faut par la suite que l’infirmière s’approprie cet outil d’évaluation, et le détienne sur elle.

Précise et fiable

L’EVA est l’échelle la plus fiable selon les spécialistes de la douleur. Elle peut se présenter sous sa forme papier ou sous la forme d’une réglette. Il existe une version pédiatrique (voir encadré ci-dessus). La version adulte comporte une ligne horizontale sur laquelle le patient indique le niveau de sa douleur. Le patient tient la réglette et déplace le curseur le long la ligne. « C’est l’échelle la plus précise dans la mesure où le patient ne voit pas les chiffres », estime Marie-Christine Kipper, infirmière clinicienne au centre hospitalier de Châteauroux. « L’échelle étant présentée en ces termes, le patient ne place pas le curseur au maximum, même si ceux qui connaissent bien l’échelle peuvent savoir qu’en telle position, le curseur vaut 5. » L’EVA permet aussi d’évaluer des pics douloureux survenant en dehors de la visite : « Lors de ces pics, quelle était l’intensité de votre douleur ? »

Un peu d’explication

Lors de la première utilisation, l’EVA nécessite d’être expliquée au patient qui ne la connaît pas. Si l’extrémité “pas de douleur” est facile à comprendre, la “douleur maximale imaginable” est plus abstraite, explique Nathalie Relet. « Il ne faut pas parler de “douleur insupportable”, sinon, on passe dans l’émotionnel, ce qui est différent. » Elle suggère de parler de la « douleur d’intensité la plus importante que le patient puisse imaginer ».

Sur la forme papier, le patient trace un trait sur la ligne. L’intensité de la douleur est mesurée en millimètres entre la position du trait et l’extrémité “pas de douleur”. Le chiffre est arrondi au millimètre le plus proche.

Autres échelles d’autoévaluation

En cas de difficulté de compréhension du patient ou d’incapacité à déplacer le curseur (cécité visuelle, etc.), la Haute Autorité de santé préconise de proposer successivement l’échelle numérique ou l’échelle verbale simple.

→ L’échelle numérique (EN) permet au patient d’évaluer l’intensité de sa douleur en choisissant un nombre entre 0 et 10 qui correspond le mieux à sa sensation douloureuse. Sachant que la note 0 correspond à “pas de douleur” et la note 10 à la “douleur maximale imaginable”. Marie-Christine Kipper relève qu’avec l’EN, « certains patients donnent toujours à peu près la même note. C’est un chiffre qu’ils ont déjà en tête ». L’infirmière doit faire débuter l’échelle par le zéro. « On a le droit de ne pas avoir mal », plaisante Nathalie Relet. Avec la forme papier, le patient coche ou entoure le chiffre qu’il associe à sa douleur.

→ L’échelle verbale simple (EVS) propose 5 niveaux d’intensité de la douleur. À chaque niveau correspond un score qui est noté dans les transmissions (voir tableau ci-dessous). L’EVS est parfois jugée pas assez précise. Il est par exemple difficile pour le patient de différencier une douleur faible d’une douleur modérée.

Équivalences entre les échelles

Françoise Beroud, responsable de l’Institut Upsa de la douleur, rappelle que l’évaluation de l’intensité de la douleur n’a d’intérêt que si celle-ci est prise en charge, au risque d’être perçue comme un gadget non suivi d’effet. Le choix du traitement est fait en fonction du classement des antalgiques établi par l’Organisation mondiale de la santé.

* “Évaluation et suivi de la douleur chronique chez l’adulte en médecine ambulatoire”, Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes), février 1999. À consulter sur le site Internet www.has-sante.fr.

L’EVA pédiatrique

Elle peut être utilisée horizontalement chez les adultes qui ont des difficultés avec la ligne simple de l’EVA adulte. Elle est utilisée verticalement avec les enfants qui ont du mal à lire à l’horizontale avant 7-8 ans.

EVA, mode d’emploi

Marie-Christine Kipper, infirmière clinicienne en équipe mobile de soins palliatifs et vice-présidente du Comité de lutte contre la douleur (Clud), au centre hospitalier de Châteauroux, explique l’utilisation de l’EVA.

→ L’infirmière avertit le patient que l’EVA peut paraître difficile pour éviter qu’il ne se sente en situation d’échec s’il n’y arrive pas. Seuls 10 à 15 % des patients ne peuvent pas définir l’intensité de leur douleur avec l’EVA.

→ L’infirmière donne les explications et regarde la réglette avec le patient. Celui-ci prend ensuite la réglette dans ses mains, à l’horizontale, du côté où il n’y a pas de chiffre.

→ Le curseur est initialement placé sur 0, et l’infirmière précise au patient : « Cette position du curseur indique que vous n’avez pas de douleur. En ce moment (pour distinguer d’une douleur passée), quelle est votre douleur ? »

→ Conseiller au patient de déplacer lentement le curseur. Certains soignants présentent la réglette comme un thermomètre et la douleur est comparée à une fièvre : plus on se dirige vers le côté droit, plus on a de la fièvre.

→ Noter l’échelle utilisée sur les transmissions. En cas de réévaluation, le chiffre ne sera pas le même selon l’échelle choisie.

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