L'infirmière Libérale Magazine n° 281 du 01/05/2012

 

PYRÉNÉES-ATLANTIQUES (64)

Initiatives

Infirmière libérale à Boucau dans les Pyrénées-Atlantiques, Marie-Thérèse Lambert s’est formée pendant trois ans à la pratique de la médecine chinoise traditionnelle avant de proposer des séances d’entretien corporel énergétique. Dans cette recherche du bien-être, elle joue à fond la carte de la prévention sans jamais interférer dans les traitements médicaux.

Cinq mille ans déjà, et toujours plébiscitée. Aujourd’hui encore, en Chine, la médecine traditionnelle chinoise côtoie allopathie et chimiothérapie dans les villes et dans les hôpitaux. Nous aussi, Occidentaux, pouvons tirer des enseignements bénéfiques de cette pratique ancestrale venue d’Orient : c’est le credo des praticiens de la médecine chinoise, dont Marie-Thérèse Lambert fait partie.

Cette infirmière libérale a grandi à la campagne, au milieu d’élevages de chevaux. Aujourd’hui, elle vit dans un pavillon entouré de verdure, à Boucau, dans les Pyrénées-Atlantiques : « Cela fait longtemps que j’aime la nature. J’ai besoin de vivre très près d’elle. » C’est dans une pièce de son pavillon, bien distinct de son cabinet d’Idel, qu’elle exerce la médecine chinoise depuis un an. Sur le mur, le long de la table de massage où elle reçoit ses patients, sont placardées des planches anatomiques représentant en lignes colorées les “méridiens”, ces trajets qui relient les différents points d’acupuncture. Dans la bibliothèque s’étagent d’épais ouvrages qu’elle a étudiés, lus, consultés, pendant ses études de médecine chinoise.

Faire circuler l’énergie

Férue de nature, Marie-Thérèse a lu quantité d’ouvrages sur les médecines douces, la phytothérapie, la réflexologie plantaire… « Un jour, alors que ma collaboration en cabinet de groupe ne me convenait plus, j’ai songé à une formation dans les médecines douces. J’ai eu le contact de Jean Laban et j’ai opté pour la médecine chinoise. » Pendant trois ans, en marge de son activité professionnelle, Marie-Thérèse a donc suivi les cours de Jean Laban, à Labenne, à quelques kilomètres de chez elle. Aujourd’hui, témoins de cet enseignement exhaustif, d’énormes classeurs trônent sur son bureau. Elle en a passé, des heures, à apprendre les différents points d’acupuncture – au nombre de 2 000 –, le parcours des méridiens, les différents diagnostics possibles grâce à l’observation de la langue…

Sur les pas de l’Allemand Antonius Wolf, Jean Laban enseigne le “physio-acupunct-thérapie”, (Path), appelé aussi, en résumé “physicopratique”. Cette méthode regroupe différentes pratiques venues de l’empire du Milieu, pour donner aux Occidentaux le meilleur de la médecine chinoise : tuina, acupuncture, conseils diététiques, phytothérapie, exercices de gymnastique fonctionnelle venant du Qi Gong…

La médecine chinoise traditionnelle est basée sur la circulation de l’énergie vitale : le Qi. Une bonne circulation, et la personne se sent bien. En cas de blocage, fatigue et maladies apparaissent. Il s’agit donc de ramener de la fluidité là où il n’y en a plus. Pour cela, la méthode maîtresse est le “tuina pratique”, qui associe massages, frictions et vibrations sur des méridiens qui ont besoin d’être stimulés, partout dans le corps : crâne, poitrine, dos, cuisses, pieds… Outre le tuina, Marie-Thérèse pratique aussi l’acupuncture, non avec des aiguilles, mais à l’aide d’un stylet, ou encore avec le moxa, un rouleau d’armoise enflammé au bout, qu’elle approche d’un point d’acupuncture pendant quelques secondes.

Le sens de l’observation

Une séance de Path – qui dure d’une heure à une heure et demie – commence toujours par un échange verbal sur de l’état du patient, grâce à une série de questions. Comment vous sentez-vous ? Comment avez-vous mangé pendant la semaine précédente ? Dormez-vous bien ? Comment décririez-vous votre urine, vos selles ? Avez-vous des sensations de chaud, de froid qui persistent ? En posant trois doigts sous la main du patient, à l’intérieur de l’avant-bras, le praticien de médecine chinoise peut aussi prendre le “pouls” des organes, tel qu’il est conçu par les Chinois : « On détermine l’organe le plus faible : ce peut être le poumon, le rein, le cœur… On peut remarquer que le foie est tendu, le rein gauche faible, le cœur excité, le gros intestin rempli de froid », explique Marie-Thérèse. Alliée indispensable du diagnostic : l’observation de la langue, dessus et dessous. L’état des veinules renseigne sur la qualité du sang du patient, par exemple. « Je teste aussi des points sur le crâne, ainsi que les “ouvreurs” situés sur le visage, qui renseignent sur l’état des organes : ainsi, l’œil est l’ouvreur du foie et l’oreille donne des indications sur le rein. » À partir de cette analyse, le praticien choisit les techniques les plus adaptées au patient le jour de la séance : tuina, acupuncture avec le stylet ou avec le moxa, recommandation d’exercices de Qi Gong… « On peut aussi majorer le soin avec des conseils de diététique, ajoute Marie-Thérèse Lambert. Exemple : éviter les aliments froids et glacés pour les personnes souffrant de troubles digestifs, bannir les épices quand l’organisme contient beaucoup de chaleur, ce qui peut se traduire par de la constipation, des urines foncées. »

Enfants, adultes, personnes âgées

Marie-Thérèse – dite “Maïté” pour les intimes – pratique ces séances sur des adultes, des enfants et des personnes âgées. Ce jour-là, elle reçoit Quitterie, une de ses amies, qui est atteinte d’une sclérose en plaques : « Le traitement à base d’interféron me fatigue beaucoup. Depuis que je fais ces séances avec Maïté, j’ai récupéré de l’énergie, de la vitalité. Mon entourage le remarque. Je pense que la médecine chinoise est un bon complément à l’allopathie. » Frictions dans le bas du dos, pressions au milieu du front, frôlements sur les cuisses, ventouses dans la région lombaire… Marie-Thérèse stimule différentes parties du corps de Quitterie correspondant au méridien de la vessie, identifié comme un organe en faiblesse lors du diagnostic.

Prévenir et non guérir

Il ne faut pas se tromper sur l’objectif de la médecine chinoise traditionnelle : il s’agit de préserver ou rétablir la bonne circulation de l’énergie et du sang. « Je suis praticienne de santé, pas du tout médecin, insiste Marie-Thérèse. On ne vient pas me voir pour être guéri d’une maladie, mais pour retrouver de la vitalité, un bien-être. » La médecine chinoise agit sur l’état général : stress, migraines, troubles fonctionnels articulaires, digestifs ou endocriniens sont particulièrement indiqués… Les patients fatigués, en faiblesse immunitaire, ou fragilisés par une maladie chronique peuvent notamment y trouver un soulagement. « C’est un travail de prévention et d’accompagnement. Parfois, je reçois des personnes qui sont au bord de l’épuisement. Elles ne cessent de se battre moralement et ne sont plus en relation avec leur corps. Elles attendent trop longtemps pour consulter, regrette Marie-Thérèse Lambert. Puis elles veulent guérir et être remises sur pied pour repartir sur-le-champ ! En Chine, on se comporte différemment, dans une optique de prévention, d’entretien corporel énergétique, pour éviter l’apparition des maladies. » Ces séances n’étant pas reconnues par l’Assurance maladie, elles ne sont évidemment pas remboursées. Un coût pour le patient, mais qui peut s’avérer vertueux : « Cela donne une valeur à la santé, commente Marie-Thérèse. Avec les remboursements, les personnes ne se rendent pas compte du coût du soin. »

Deux petites tournées

Son diplôme d’infirmière en poche, Marie-Thérèse a travaillé dans une clinique d’hémodialyse pendant dix-sept ans. Puis elle a rejoint un cabinet libéral composé de six autres infirmières. Rythme intense, organisation pas toujours efficace… Elle n’a pas trouvé ses marques et a opté pour des remplacements pendant quelques années, avant d’ouvrir son propre cabinet, à Boucau, en juin 2009.

Aujourd’hui, à 52 ans, elle ressent le besoin de “souffler” : « Tous les jours, je fais deux petites tournées, de 8 heures à 12 heures et de 18 h 30 à 19 h 45 le soir. » Son activité est centrée sur l’accompagnement de personnes âgées et dépendantes : toilette complète et habillement, deux fois par jour, pour une patiente de 97 ans, aide pour la douche, habillement, surveillance des œdèmes et des pansements pour une autre patiente du même âge, toilette et pose de bas à varices chez une autre dame âgée. Marie-Thérèse surveille aussi la prise de médicaments chez un patient éthylique.

Un système qui va “dans le mur” ?

Pour cette infirmière, le système de santé français a atteint ses limites. Médicaments à foison, accumulation de soins, déficit de la Sécurité sociale… « Il me semble, depuis un certain temps, que la médecine à l’occidentale va “dans le mur”. Il faut l’aborder autrement. Que va devenir le métier d’infirmière ? » Marie-Thérèse a préféré prendre les devants…

Aujourd’hui, l’après-midi, entre ses deux tournées d’infirmière, elle assure deux séances de médecine chinoise. Un moment de bien-être dont Marie-Thérèse aurait bien du mal à se passer.

Note de la rédaction

→ Convaincu de l’utilité des alertes de la Miviludes (lire p.12) sur les dérives liéesà certaines pratiques dans le domaine de la santé, L’ILM souhaite attirer l’attention de ses lecteurs sur le fait que toutes les médecines alternatives ne doivent pas forcément être assimilées à des dérives sectaires. Maintenir la diffusion du portrait de cette infirmière, qui propose en dehors de son activité de libérale des séances de massage, sans mettre en danger l’état physique, psychique ou économique de ses patients, nous paraît légitime dans le cadre de cette rubrique.