Cahier de formation
Savoir faire
Par ses conseils et sa surveillance, l’infirmière améliore l’efficacité et la sécurité des traitements médicamenteux du diabète. Elle peut rappeler la conduite à tenir en cas d’hypoglycémie et les signes d’une hyperglycémie. L’infirmière libérale a aussi un rôle important dans le dépistage précoce du coma hyperosmolaire qui touche surtout les patients âgés, atteints d’un diabète de type 2.
Monsieur G., 82 ans, est traité depuis peu pour un diabète de type 2. Il a une alimentation équilibrée conformément aux recommandations de son médecin, mais il a perdu du poids et sa glycémie est anormalement supérieure à 2,5 g/l le matin et le soir depuis plusieurs jours. Malgré la chaleur de l’été, monsieur G. a du mal à boire le litre et demi recommandé par jour, et vous confie ne pas ressentir de sensation de soif particulière.
Vous devez vous inquiéter d’une déshydratation qui ne serait pas compensée par des apports hydriques suffisants. Après avoir observé les signes de déshydratation, vous contactez le médecin pour un bilan.
Le coma hyperosmolaire est de pronostic grave et entraîne le décès dans 20 à 30 % des cas. Son évolution dépend de la rapidité de la prise en charge et des complications de la déshydratation et de l’alitement. Il touche le plus souvent une personne âgée, diabétique de type 2, sous diurétiques ou corticoïdes, qui perçoit mal la sensation de soif ou n’arrive pas à s’hydrater suffisamment. Dans le contexte actuel, la prévalence du diabète augmente fortement avec l’âge, jusqu’à un maximum de 19,7 % des hommes âgés de 75-79 ans et de 14,2 % des femmes de même âge, pour un âge moyen de 65,1 ans
L’expression “coma hyperosmolaire” désigne un état où le patient peut néanmoins être conscient. Il est défini biologiquement par :
→ une osmolarité plasmatique supérieure à 350 mmol/l
→ une glycémie supérieure ou égale à 6 g/l ;
→ une absence de cétose et d’acidose (une cétose modérée est possible).
Cette complication métabolique aiguë est caractérisée par une hyperglycémie importante et une carence incomplète en insuline.
Le coma hyperosmolaire est l’aboutissement d’un processus auto-entretenu. L’hyperglycémie initiale entraîne une polyurie insuffisamment compensée par les apports hydriques, à l’origine d’une déshydratation importante. Cette polyurie provoque une hypovolémie responsable d’une insuffisance rénale fonctionnelle avec réduction de la diurèse qui favorise à son tour l’hyperglycémie. L’apparition de troubles de la conscience est liée à l’importance et à la rapidité d’installation de la déshydratation intracellulaire.
Il n’y a pas d’élévation importante des acides gras libres grâce à un taux suffisant d’insuline périphérique pour inhiber la lipolyse (décomposition des graisses alimentaires en acides gras libres). Il n’y a donc pas d’acétone issue de la dégradation des acides gras. La quantité d’insuline n’est toutefois pas suffisante pour permettre la pénétration intracellulaire du glucose dans les tissus périphériques, ce qui provoque l’hyperglycémie.
Ils peuvent se manifester pendant plusieurs jours ou semaines :
→ asthénie croissante, détérioration des fonctions supérieures ;
→ polyurie (avec glycosurie massive si elle est recherchée) ;
→ perte de poids ;
→ hyperglycémie sous forme d’une augmentation progressive de la glycémie à 2,50 ou 3 g/l sur plusieurs jours (et non comme une hyperglycémie exceptionnelle, qui oscille).
→ Déshydratation majeure et globale marquée par : perte de poids, sécheresse des muqueuses, fièvre, pli cutané, orbites enfoncées, chute de la pression artérielle, voire choc.
→ Troubles de la conscience : obnubilation, agitation, ou coma profond.
→ Des signes neurologiques possibles sont un facteur de gravité (crises convulsives).
→ Glycémie capillaire au maximum du lecteur. ÚGlycosurie ++++ et traces d’acétone (ou une seule croix) à la bandelette urinaire.
→ Âge supérieur à 60 ans.
→ DT2 dans 95 % des cas, souvent un diabète considéré comme “mineur” et traité par un régime seul ou avec des hypoglycémiants oraux. ÚPatients ne percevant pas la sensation de soif ou dans l’impossibilité de s’hydrater pour des raisons neurologiques.
→ Vomissements, diarrhées, infection (en particulier pulmonaire), prescription mal surveillée de diurétiques, forte chaleur (toute cause de déshydratation).
→ Infection, accident vasculaire, prescription de médicaments (corticoïdes) ou de solutés hyperglycémiants (tout facteur d’hyperglycémie).
Pour dépister une déshydratation chez un patient âgé en hyperglycémie et/ou qui devient confus, l’infirmière peut repérer :
→ une langue sèche (langue rôtie) ;
→ l’intérieur des joues sec chez le patient âgé déshydraté.
En présence de signes de déshydratation, l’infirmière contacte le médecin traitant pour un ionogramme sanguin et une glycémie en vue de repérer une insuffisance rénale et de confirmer les signes de déshydratation et l’hyperglycémie majeure. Le patient hyperosmolaire est souvent adressé trop tardivement aux urgences, alors qu’il doit être hospitalisé immédiatement pour recevoir de l’insuline et une réhydratation.
Il est réalisé en hospitalisation :
→ réhydratation de 8 à 12 l/24 h (dont les 2 premiers litres en 2 heures) ;
→ insulinothérapie intraveineuse : 5 à 10 unités par heure jusqu’à une glycémie inférieure à 2,50 g/l ;
→ antibiothérapie pour traiter la cause si besoin ;
→ préventions des complications secondaires à la déshydratation et à l’alitement (dénutrition, escarres…).
Le coma hyperosmolaire touche, dans un cas sur deux, une personne dont le diabète est méconnu. L’éventualité de sa survenue doit être surveillée chez une personne âgée traitée par corticoïdes ou diurétiques. Le coma hyperosmolaire est prévenu par la surveillance systématique de la glycémie, de la glycosurie et du bilan hydrique.
(1) Étude Entred (Échantillon national témoin représentatif des personnes diabétiques) 2007-2010.
(2) Guide pratique du diabète, André Grimaldi et Agnès Hartemann-Heurtier, Elsevier Masson, 4e édition, 2009.
(3) Osmolarité = (Na + 13) × 2 + glycémie en mmol/l ; normale = 310 mmol/l ; coma hyperosmolaire ≥ 350 mmol/l.
Dix réseaux de santé diabète ont participé à l’étude Sudd (Suivi des diabétiques en difficultés) réalisée pour l’Ancred
– pour des patients diabétiques de type 2 ayant un parcours de soins complexe : hospitalisations fréquentes, situations de précarité, difficultés d’observance, etc. ;
– par des infirmiers libéraux formés, dans le cadre des réseaux de santé diabète.
Pour ce suivi, les infirmières pouvaient :
– prescrire une automesure glycémique ou tensionnelle ;
– adapter les doses de médicaments hypoglycémiants et antihypertenseurs selon des protocoles prédéterminés et l’accord du médecin traitant ;
– orienter les patients vers les structures d’éducation des réseaux ;
– ou vers un podologue ou d’autres spécialistes, en accord avec le médecin.
Quelques résultats de l'étude :
– forte diminution du taux d’HbA1c (en moyenne -0,8 %) pour 2/3 des patients, surtout pour ceux ayant une HbA1c initiale > 8 % ;
– une baisse du taux d’hospitalisation de 48 à 24 %, et de 23,9 à 12,3 % pour le recours aux urgences ;
– pour 95 % des patients, les médecins ont accepté une délégation de tâche aux IDE (adaptation des posologies) ;
– les professionnels (médecins généralistes ou spécialistes, infirmières salariées ou libérales) se disent satisfaits de leur participation pour 83 %, mais 30 %, surtout les infirmières, notent la rémunération insuffisante pour la charge de travail.
* Association nationale de coordination des réseaux diabète.
Catherine Gilet, présidente de l’Ancred
Lorsque l’Idel essaie de le convaincre de l’intérêt de prendre une collation dès le matin, le patient manifeste de l’agacement. Il est alors possiblede proposer une alternative mieux adaptée à ses habitudes en accord avec le médecin prescripteur : ne plus faire l’insuline du matin. Les hypoglycémies ont d’ailleurs ensuite disparu.
* Association nationale de coordination des réseaux diabète.