Cahier de formation
Savoir faire
Les Idels, du fait de leur proximité avec les patients, ont un rôle majeur à jouer dans la prise en charge de l’hypertension, tant en termes de surveillance que de conseils thérapeutique. Elles sont aussi largement sollicitées pour répondre aux interrogations des patients sur la grossesse, le régime, l’autocontrôle…
Profitant d’un rappel de vaccination, madame I., 34 ans, vous fait part de son désir de grossesse. Elle vous confie souffrir d’hypertension essentielle et être traitée depuis plusieurs années par Preterax (association d’IEC et de diurétique thiazidique). Elle aimerait arrêter la pilule, mais s’interroge sur les répercussions de l’hypertension sur la grossesse et vous demande ce que vous en pensez.
La grossesse, même si elle nécessite un suivi rigoureux, reste tout à fait envisageable malgré une hypertension préexistante. En revanche, il faut impérativement lui conseiller de faire part de son projet de grossesse à son cardiologue avant d’arrêter la pilule, car son traitement, tératogène, doit être modifié avant la conception. Néanmoins, vous prenez à cœur de rassurer cette jeune femme : il existe plusieurs autres anti-hypertenseurs utilisables et bien évalués chez la femme enceinte.
Environ 2 % des femmes enceintes ont une hypertension artérielle préexistante. Cette dernière ne provoque pas en soi de pré-éclampsie, mais elle peut s’accompagner d’une hypertension artérielle gravidique. Le traitement anti-hypertenseur, qui vise à éviter les poussées hypertensives pendant la grossesse, doit tenir compte des risques liés à certains anti-hypertenseurs et être réévalué avant la conception (ou, au pire, lors du diagnostic de grossesse).
→ Certains médicaments anti-hypertenseurs ne doivent pas être utilisés chez la femme enceinte. C’est le cas notamment des IEC, qui sont à bannir tout au long de la grossesse : au premier trimestre, ils augmentent le risque des malformations cardiovasculaires et neurologiques ; au deuxième et troisième trimestre, les IEC peuvent induire une insuffisance rénale fœtale ou néo-natale, (pas toujours réversible à l’arrêt de l’exposition et se manifestant par une oligoanurie à la naissance), ainsi qu’un oligoamnios (volume insuffisant de liquide amniotique) pouvant se compliquer d’anomalies des membres ou cranio-faciales et d’hypoplasie pulmonaire. Les antagonistes de l’angiotensine II exposent aux mêmes problèmes que les IEC. Cette toxicité serait attribuée à l’inhibition du système rénine-angiotensine. Ainsi est-il aussi préférable d’éviter pendant la grossesse d’utiliser l’aliskirène, du fait de son action inhibitrice sur la rénine. Les diurétiques sont également à éviter pendant la grossesse, en raison des potentiels déséquilibres hydro-électrolytiques et d’une diminution du débit sanguin utéro-placentaire qu’ils peuvent occasionner.
→ Pendant la grossesse, le traitement anti-hypertenseur de référence est l’alphaméthyldopa (anti-hypertenseur d’action centrale). En l’absence d’asthme ou d’insuffisance cardiaque maternels, certains bêtabloquants peuvent également être utilisés (en particulier le labétalol, qui est le plus connu chez la femme enceinte), bien qu’ils exposent le nouveau-né à une bradycardie et une hypoglycémie lorsqu’ils sont continués peu avant l’accouchement. Il est aussi à noter que l’aténolol peut retarder la croissance fœtale. Certains inhibiteurs calciques, à l’instar de la nifedipine ou de la nicardipine, non tératogènes chez l’homme, peuvent également être proposés chez la femme enceinte.
→ Le régime hyposodé est très déconseillé, car l’hypovolémie qui en résulte peut provoquer une hypoperfusion fœtale.
→ Alors que, physiologiquement, la pression artérielle diminue en principe au cours de la grossesse, chez 10 à 15 % des femmes, elle augmente : on parle d’hypertension gravidique. Liée à une réduction de la perfusion placentaire, due à une implantation défectueuse, elle est l’un des signes cliniques de pré-éclampsie.
→ L’élévation de la pression artérielle pendant la grossesse doit donc conduire à rechercher : d’autres signes cliniques de pré-éclampsie (céphalées, troubles visuels, acouphènes, nausées et vomissements, hépatalgies, dyspnée d’effort) ; au plan biologique, une protéinurie (supérieure à 300 mg/24 h) ; à l’échographie, un retard de croissance.
→ Depuis les années 2000, le seuil de pression faisant suspecter une pré-éclampsie est consensuellement défini à partir de 140/90 mm de Hg, que l’élévation concerne seulement le chiffre systolique ou diastolique. Au-dessus de 160/110 mm de Hg, l’hypertension gravidique sera considérée comme sévère, avec un risque accru d’AVC maternel, et une pression systolique supérieure ou égale à 170 et/ou diastolique supérieure ou égale à 110 mm de Hg justifient une hospitalisation en urgence.