L'infirmière Libérale Magazine n° 282 du 01/06/2012

 

SANTÉ PUBLIQUE

Actualité

PHARMACOVIGILANCE → Après une mise en garde en juin 2011, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ne remet plus en cause la poursuite des traitements de baclofène dans l’alcoolo-dépendance. De quoi apporter une certaine dose d’espoir.

« Tout devrait bien se passer avec ce feu orange clignotant de l’ANSM », confie Bernard Joussaume, médecin généraliste et président fondateur de l’association Aubes*. Après avoir mis en garde contre l’utilisation du baclofène chez les alcoolo-dépendants en juin 2011, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’ANSM – ex-Afssaps –, a finalement nuancé son avis le 24 avril dernier. Pour l’Agence, « si l’efficacité du baclofène dans la prise en charge de l’alcoolo-dépendance n’est pas encore démontrée à ce jour, de nouvelles données observationnelles montrent des bénéfices cliniques chez certains patients ? ».

Pas de remède miracle

Depuis la publication en 2008 du livre Un dernier verre du Dr Ameisen, qui retrace son expérience de dépendance, nombreux sont ceux qui ont essayé ce produit. Le baclofène à haute dose rendrait indifférent à l’alcool, un “anti-craving” – impulsion à rechercher et consommer un produit – 100 % efficace qui guérirait de l’alcoolisme. « Notre association a été créée pour faire reconnaître le baclofène, mais également pour soutenir les patients, car il ne suffit pas de leur en donner pour les guérir définitivement. Le baclofène ne répond pas à l’huissier qui frappe à la porte, ne guérit pas de la solitude ou d’un syndrome psychiatrique sous-jacent, insiste le Dr Joussaume. Nous avons aussi besoin d’aider les médecins à le prescrire. »

Les médecins addictologues nuancent l’engouement médiatique, sans remettre en question l’intérêt du baclofène. Il pourrait être un outil de plus dans l’alcoolo-dépendance dont les traitements seraient peu efficaces sur l’envie irrépressible de boire. « Avant, il n’y avait rien, seulement des médicaments et des cures qui ne marchaient pas. Si on dit que le baclofène marche une fois sur deux, c’est extraordinaire. Dans les années 1980, la seule option était l’abstinence pure et dure », explique le Pr Philippe Jaury, médecin généraliste et addictologue à Paris, enseignant et initiateur de l’étude Bacloville. Le baclofène permettrait de diminuer sa consommation d’alcool avant d’arrêter, ou pas. Une molécule moins dangereuse que l’alcool, responsable de 120 décès par jour en France…

Hors AMM

Pour autant, l’ANSM n’indique toujours pas de posologie, ni d’indication ou de patients cibles. Elle se base, entre autres, sur « une étude observationnelle récente, fondée sur la pratique de médecins expérimentés et menée sur une période d’un an », publiée dans la revue Alcohol and Alcoholism 2012. Peut-être aussi sur une forte pression des patients et des médecins prescripteurs… Plus de 100 millions de comprimés de baclofène ont ainsi été écoulés en 2011. « Compte tenu du nombre de boîtes vendues d’après l’ex-Afssaps, il pourrait y avoir 10 000 prescripteurs de baclofène et environ 30 000 patients traités », avance le Dr Joussaume, dont l’association recense 414 prescripteurs. À cela, s’ajoutent des données de pharmacovigilance, limitées, mais rassurantes. Prudente, l’ANSM souligne la nécessité d’autres études, une meilleure connaissance du profil de sécurité d’emploi, ainsi qu’une « prescription et une prise en charge par des médecins formés et impliqués dans la prise en charge de l’alcoolo-dépendance », psychiatres, addictologues et généralistes.

Avant l’obtention d’une AMM dans l’alcoolo-dépendance ou d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU), nouvelle disposition qui établit quelques règles pour le hors AMM, la prescription de baclofène reste hors AMM. Cela n’empêche pas les officines de le délivrer. « Je remercie les pharmaciens d’avoir joué le jeu et pris les mêmes risques que les médecins », confie le Dr Joussaume. Anne Fortunet, adjointe à la pharmacie de la Colline à Cavaillon (84), fait partie de ces professionnels compassionnels, elle-même sensibilisée et formée aux dépendances. « J’ai appelé le médecin suite à une ordonnance de 10 comprimés par jour de baclofène. Il m’a expliqué sa démarche, confirmé sa prescription avec l’accord du patient. Je savais qu’il était addictologue, et pas un médecin lambda, explique-t-elle. Le but est d’aider les gens à sortir de l’alcoolisme, dont certains souffrent énormément. » Anne marche hors des clous, mais elle prend ses responsabilités, comme tant d’autres.

* Association des utilisateurs du baclofène et sympathisants (Aubes). Informations, recommandations, guide de prescription pour les médecins sur le site www.baclofene.fr.

EN SAVOIR +

Pharmacovigilance

Pour mieux connaître les effets indésirables, un dossier complet est disponible sur www.ansm.sante.fr, rubrique “Professionnels de santé”. Tapez “baclofène” dans le moteur de recherche.