L'infirmière Libérale Magazine n° 282 du 01/06/2012

 

POLITIQUE DE SANTÉ

Actualité

ENGAGEMENTS → Femme de caractère, Marisol Touraine, la nouvelle ministre de la Santé, est perçue comme ayant une préférence pour l’hôpital. Elle a d’ores et déjà annoncé son intention de régler la question des dépassements d’honoraires, tout en donnant des gages au secteur hospitalier. Donnera-t-elle du fil à retordre aux libéraux de santé ?

Sans grande surprise, Marisol Touraine a été nommée ministre de la Santé dans le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Mieux – ou pire, selon les points de vue –, la députée socialiste d’Indre-et-Loire (37) bénéficie d’un ministère au périmètre élargi, qui combine à la fois la santé et les affaires sociales. En effet, le secteur de la santé ne dispose pas d’un portefeuille autonome.

Députée impliquée

Peu connue du grand public mais bien plus des professionnels de santé, Marisol Touraine, normalienne et agrégée d’économie, était ces dernières années une députée très impliquée dans les rangs de l’Assemblée sur les dossiers relatifs à la santé ou au social. De ce fait souvent en avant dans les discussions autour des projets de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), Marisol Touraine a également porté le projet de réforme des retraites dans sa version socialiste. Conseillère d’État, elle n’est donc pas issue de ce secteur d’activité, contrairement à certaines autres personnalités dont les noms ont circulé ces derniers mois dans le petit monde de la santé, comme ceux des médecins Jean-Marie Le Guen et Aquilino Morelle ou celui de la pharmacienne Catherine Lemorton.

La loi HPST sera revisitée

Si Marisol Touraine bénéficie d’une bonne image dans le domaine de la santé, elle est néanmoins plus appréciée par le secteur hospitalier que par le secteur libéral. Sa première sortie en tant que ministre de la Santé a d’ailleurs été de rendre visite aux équipes du centre hospitalier de Saint-Denis, en banlieue parisienne.

De même, son premier discours, prononcé le 23 mai lors d’Hôpital expo(1), a visé à montrer aux professionnels de santé hospitaliers son intention de renouer le dialogue entre l’hôpital et les pouvoirs publics. Elle les a ainsi assurés que son intention n’était pas de poursuivre la convergence tarifaire, considérant qu’appliquer la même grille tarifaire aux secteurs public et privé n’était pas pertinent. De même, le volet hospitalier de la loi HPST devra subir « certains ajustements ».

Et le secteur libéral ?

Attachée au principe selon lequel l’accès aux soins est « la pierre angulaire d’un système de santé juste », la ministre de la Santé veut garantir un accès territorial aux soins, mais également lutter contre les problématiques d’accès financier aux soins. Encadrer les dépassements d’honoraires « sera l’une des premières actions que je conduirai », a-t-elle ainsi annoncé à Hôpital expo. Des négociations sont d’ailleurs en passe de s’ouvrir avec les syndicats, négociations dont les résultats devront être intégrés dans le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale, à l’automne prochain.

Les infirmières ont une place « majeure »

S’agissant de la profession infirmière, en revanche, rien n’est annoncé à ce stade. Lors de la campagne pour l’élection présidentielle, Marisol Touraine avait cependant confié à la rédaction de L’ILM(2) que, de son point de vue, la place des infirmières libérales est « majeure ». Et de développer : « Nous parlons souvent, en matière de santé, du rôle des médecins, qui est bien sûr important. Mais celui des infirmières libérales l’est pour moi tout autant. De nombreuses personnes en France ne peuvent rester chez elles et éviter l’hospitalisation que grâce à l’intervention de ces infirmières. Les infirmières libérales sont au cœur du quotidien des patients et l’organisation des soins repose en partie sur leur engagement. » La ministre avait également considéré que « les infirmières libérales auront un rôle croissant à jouer pour nous aider à répondre aux défis que sont le vieillissement de la population et l’inégale répartition des médecins sur le territoire. En la matière, il faudra approfondir les discussions sur le partage des tâches entre les différentes catégories de professionnels de santé. Dans ce cadre, le rôle des infirmières libérales devra bien entendu être évoqué, sans tabou, avec pour seul objectif l’intérêt des patients ». Il est vrai que la majorité présidentielle ne cache pas l’intérêt qu’elle porte aux structures de type maisons de santé ou pôles de santé de proximité. Reste à voir dans quel cadre elle imagine que les infirmières libérales intégreront ces structures.

(1) Lire notre actu du 24 mai sur espaceinfirmier.com.

(2) Lire notre dossier Présidentielle dans L’ILM n° 280.

3 questions à

Alain Bergeau, président de l’Union nationale des professions de santé (UNPS)

Que pensez-vous de la nouvelle ministre ?

Sa nomination n’est pas une surprise. Il reste à connaître les membres de son cabinet et son périmètre d’actions. Si elle a le financement de la Sécurité sociale dans son portefeuille(1), ce sera intéressant.

Comment était-elle perçue en tant que députée ?

Comme quelqu’un d’impliqué dans le domaine de la santé. Mais il faut juger les gens sur leurs actes. C’est différent d’être dans l’opposition et dans l’action.

Justement, sa première sortie en tant que ministre a été au centre hospitalier de Saint-Denis et elle a prononcé son premier discours lors d’Hôpital expo.

Il ne faut pas préjuger. Mais il y a urgence à ce qu’elle envoie un message fort aux professionnels de santé libéraux. François Hollande a annoncé que l’Ondam augmenterait de 3 %(2) : cela passerait mal si tout va à l’hôpital et rien à la ville.

(1) Entre-temps, les membres du cabinet ont été nommés, voir sur http ://petitlien.fr/5xpt, et le Premier ministre a effectivement confié cette attribution à Marisol Touraine.

(2) L’Objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) est aujourd’hui à 2,5 %.

À RETENIR

Les autres femmes du gouvernement à retenir

Auprès de la ministre Marisol Touraine, trois femmes ont également été nommées pour prendre place au gouvernement. Ainsi, la cancérologue Michèle Delaunay est en charge des Personnes âgées et de la Dépendance. Dominique Bertinotti est pour sa part nommée ministre déléguée en charge de la Famille tandis que Marie-Arlette Carlotti a la charge des Personnes handicapées.