Une prise en charge
Cahier de formation
LE POINT SUR
Responsable de 66 000 décès chaque année, le tabagisme est la première cause de mortalité évitable en France. Pourtant, sa prévalence augmente, en particulier chez les femmes âgées de 45 à 64 ans. Comme tout professionnel de santé, les Idels, du fait de leur proximité avec les patients, ont un rôle actif à jouer dans le sevrage tabagique.
→ Le tabac contient principalement de la nicotine, responsable de la dépendance, mais aussi de nombreux produits générés par les procédés de fermentation et de fabrication, comme les nitrosamines et le benzopyrène qui sont cancérogènes, ainsi que des arômes et des additifs qui amplifient la dépendance.
→ Après inhalation, la nicotine pénètre rapidement dans le cerveau (effet “shoot”) et se fixe sur les récepteurs cholinergiques nicotiniques, ce qui a pour effet de déclencher la production de dopamine (neuromédiateur du plaisir) cérébrale. L’insuffisance en dopamine induit une sensation de besoin, qui pousse le fumeur à consommer.
→ Par ailleurs, la fumée de tabac contient du monoxyde d’azote (CO) qui prend la place de l’oxygène sur l’hémoglobine des globules rouges, rendant le sang plus visqueux et favorisant la formation de thromboses.
→ La fumée de tabac irrite aussi la muqueuse bronchique et stimule la formation de mucus, favorisant une obstruction des bronches.
→ Le tabac, qui est responsable de 40 % des décès par cancer en France, reste, en outre, la cause de cancers la plus importante, puisqu’il est à l’origine de 30 % d’entre eux : cancers broncho-pulmonaires, cancers ORL (larynx, pharynx), mais aussi tumeurs de la vessie et des voies urinaires (la vessie stockant les substances cancérogènes entre les mictions), et cancer du pancréas.
→ Le tabagisme est également un facteur de risque de maladies cardiovasculaires (maladies coronariennes, artériopathie, AVC) et d’affections respiratoires (BPCO, exacerbation de crises d’asthme, emphysème…).
→ Chez la femme enceinte, le tabac est facteur de risque de retard de croissance fœtale.
→ Le tabagisme passif provoque une morbidité importante chez les enfants (infections respiratoires, otites, asthme…). En outre, selon l’étude américaine Nhanes (2011), le tabagisme passif pourrait augmenter le risque de dépression, d’anxiété généralisée et de troubles déficitaires de l’attention en pédiatrie.
→ Le conseil minimal, qui consiste pour un professionnel de santé à indiquer à un fumeur qu’il est bénéfique de s’arrêter, augmente le nombre de fumeurs qui s’arrêtent pour une durée d’au moins six mois.
→ Un accompagnement psychologique ou une thérapie cognitivo-comportementale peuvent être conseillés en première intention à tous les patients ayant décidé d’arrêter de fumer, ou peuvent être complémentaires à une prise en charge médicamenteuse. Ils contribuent au succès thérapeutique (permettant de multiplier par deux le taux d’abstinence à six mois) et sont généralement nécessaires pendant au moins neuf mois.
→ L’utilisation du test de Fagerström
→ Les fumeurs faiblement ou moyennement dépendants (score de Fagerström ≤ 6) pourront envisager un sevrage à l’officine, à l’aide de substituts nicotiniques (puisqu’ils sont disponibles sans ordonnance), avec l’accompagnement du pharmacien.
→ En revanche, les fumeurs fortement dépendants (score de Fagerström > 6) seront orientés vers une consultation spécialisée (médicale ou tabacologique) en vue d’une prescription de substituts nicotiniques, ou en deuxième intention de varénicline ou de bupropion. Certains profils particuliers comme les femmes enceintes ou allaitantes, ainsi que les patients ayant des problèmes de co-dépendance (à l’alcool par exemple), ou des antécédents dépressifs nécessitent également une prise en charge spécialisée.
→ Traitement dont le rapport bénéfice/risque est le plus favorable, il consiste à apporter de la nicotine pour remplacer celle inhalée par le fumeur et éviter l’état de manque. Le risque de transfert de la dépendance à la cigarette vers les substituts nicotiniques, sans être nul, reste marginal, car la nicotine contenue dans les substituts parvient lentement au cerveau et ne provoque pas d’effet “shoot”.
→ Il existe différentes formes galéniques de substituts nicotiniques, dont l’efficacité est comparable et dont le choix revient au patient : les patchs sont faciles à utiliser et discrets, les formes orales (gommes, comprimés sublinguaux ou à sucer) permettent une adaptation aux besoins du patient, l’inhalateur (Nicorette inhaleur) conserve le geste du fumeur.
→ Les doses sont adaptées en fonction de la dépendance (test de Fagerström) et du nombre de cigarettes fumées par jour, et elles sont réajustées en fonction des éventuels signes de sous-dosage (besoin impérieux de fumer, nervosité, agitation, troubles de la concentration et de l’humeur) ou de sur-dosage (nausées, vomissements, sensation de bouche pâteuse, diarrhées, insomnie, céphalées) ressentis par le patient. La durée de traitement varie en général de six semaines à six mois en fonction des patients.
→ Dans certains cas, il est possible d’associer deux types de substituts (patchs + formes orales ou inhaleur).
→ C’est un antagoniste-agoniste des récepteurs nicotiniques : en présence de nicotine, la varénicline empêche la fixation de cette dernière sur les récepteurs, réduisant ainsi son effet. En revanche, en l’absence de nicotine, elle stimule faiblement la libération de dopamine, ce qui diminue les symptômes de sevrage.
→ L’arrêt du tabac doit être programmé une à deux semaines après le début du traitement, qui est instauré progressivement (0,5 mg/j pendant trois jours, puis 0,5 mg matin et soir pendant quatre jours, puis 1 mg matin et soir). La durée de traitement est de douze semaines.
→ La varénicline peut provoquer une insomnie avec des rêves anormaux, des troubles digestifs, des céphalées et de fréquents vertiges, mais aussi, plus rarement, des troubles cardio-vasculaires et du rythme cardiaque, ainsi que des troubles psychiatriques avec idées suicidaires. Ainsi le traitement doit être interrompu en cas de troubles du comportement. Cependant, le 21 juillet 2011, l’Agence européenne des médicaments (EMA) confirmait le rapport bénéfice/ risque favorable, du fait de l’efficacité de la varénicline dans le sevrage tabagique.
→ Le bupropion inhibe la recapture de la dopamine par les neurones présynaptiques, ce qui permet d’augmenter les concentrations en dopamine dans le cerveau et d’éviter les sensations de manque lors du sevrage.
→ La date d’arrêt du tabac doit être précisément fixée au cours de la deuxième semaine du traitement. La posologie est augmentée progressivement suivant un schéma précis : 150 mg/j pendant six jours, puis 300 mg/j en 2 prises espacées de 8 heures. La durée de traitement est de 7 à 9 semaines.
→ Le bupropion est fréquemment responsable de troubles digestifs, de sécheresse buccale et de troubles du goût, ainsi que de vertiges. Cependant, l’effet indésirable le plus redouté est un risque de convulsions (0,1 % des cas), justifiant les principales contre-indications du bupropion, à savoir les troubles convulsifs évolutifs ou les antécédents de convulsion, le sevrage alcoolique ou en benzodiazépines (sevrages susceptibles d’induire des convulsions), mais aussi troubles bipolaires, anorexie, boulimie.
* Le test de Fagerström est téléchargeable sur le site http://petitlien.fr/5wol
Sources : Le Quotidien du Pharmacien n° 2871 du 31 octobre 2011, p. 24 : “La varénicline reste dans la course” ; Le Quotidien du Pharmacien n° 2833 du 2 mai 2011, p. 13 : “Le tabagisme des adultes fragilise la santé mentale des enfants” ; Le Quotidien du Pharmacien n° 2809 du 7 février 2011, p. 5 à 7 : “Le sevrage tabagique” ; Afssaps, “Les stratégies thérapeutiques médicamenteuses et non médicamenteuses de l’aide à l’arrêt du tabac”, recommandations de mai 2003 ; Vidal 2012 ; Vidal Recos 3e édition, p. 1412 : “Tabagisme, sevrage”.