L'infirmière Libérale Magazine n° 283 du 01/07/2012

 

LE BON GESTE

L’exercice au quotidien

Sandrine croise régulièrement les compagnons à quatre pattes de ses patients. Mais, cette fois, un molosse a eu raison de son bras…

En décembre dernier, je me rends chez une patiente âgée que nous suivons depuis trois mois. Elle habite une partie de la maison tandis que son petit-fils et sa fille vivent dans l’autre. Comme d’habitude, je me dirige vers la baie vitrée de sa cuisine où, impotente, elle m’attend. Mais, ce soir-là, le chien de son petit-fils, un American Staffordshire Terrier – plus communément appelé pitbull – se glisse par la porte intérieure mal fermée qui communique entre les deux logements, et tente de me sauter au visage. Je me protège avec mon avant-bras droit dans lequel il plante ses crocs. Alertés par mes cris, ses maîtres tentent de le maîtriser. Je parviens à me dégager et me réfugie à l’extérieur pour pratiquer les premiers soins, avant l’arrivée des pompiers. J’écope de six points de suture. En état de choc, je décide de ne pas donner suite, alors que le chien est catégorisé “dangereux”. Mais, par la suite, comme la famille minimise les faits et refuse toute adaptation, nous choisissons, avec mes collègues, d’arrêter les soins infirmiers et d’en informer le médecin traitant. Et je porte plainte, car ce chien peut mordre n’importe qui ! Je veux que le jeune homme prenne conscience du danger : non déclaré en mairie, l’animal n’est même pas en règle. Le tribunal l’a d’ailleurs jugé coupable de « blessures involontaires avec incapacité n’excédant pas trois mois par agression d’un chien d’attaque, de garde ou de défense détenu par une personne non titulaire d’un permis de détention ». Quant à moi, j’ai gardé des séquelles : un chien, quel qu’il soit, me terrorise, et j’ai le nerf cubital touché, avec l’éventualité d’une intervention chirurgicale d’ici un an. Et il s’agit de ma main de travail. Je ne me suis presque pas arrêtée – en libéral, c’est difficile. Heureusement, mon avocat a demandé réparation pour couvrir les frais d’examens et les déplacements liés.

Si nos patients habituels nous soutiennent et comprennent très bien l’affaire, avec les nouveaux, c’est plus délicat. Les gens sont peu sensibilisés au problème. Mais je n’hésiterai plus à refuser un soin si mes demandes légitimes concernant un animal ne sont pas entendues. Mieux vaut perdre un patient que la capacité de travailler ! »

Avis de l’expert

L’attitude à adopter

Dominique Van Spaandonk, responsable du centre Canidom, spécialisée en comportement canin et formatrice de propriétaires de chiens

« La loi impose au propriétaire de chien catégorisé “dangereux” d’obtenir un permis, après une évaluation comportementale du chien et 7 heures de formation du maître auprès d’un professionnel habilité. Mais n’importe quel chien, catégorisé ou non, peut mordre. Il perçoit par exemple les phéromones dues à l’éventuel stress de son maître, qu’il peut associer à la présence du soignant… Les professionnels qui entrent dans les propriétés privées (professionnels de santé, agents EDF, facteurs…) sont très exposés : 68 % des morsures surviennent dans une habitation. Lorsque cela arrive, il faut immédiatement isoler la victime du chien et envisager un suivi psychologique. En prévention, ces professionnels pourraient suivre une demi-journée de formation. Cela éviterait déjà les morsures les plus graves. Dans le cas des infirmières, lors de la prise de rendez-vous, elles devraient s’informer de la présence d’un animal et, si oui, demander à ce qu’il soit isolé pendant la durée du soin. »