Cahier de formation
Savoir faire
Monsieur P., atteint d’insuffisance cardiaque, a terminé son programme d’ETP. Il a rendez-vous avec l’infirmière pour évaluer les compétences qu’il a acquises.
L’infirmière le reçoit en entretien individuel pour faire le point sur ce qu’il a bien assimilé et sur les notions qui nécessitent d’être retravaillées. Comme pour l’ensemble du programme d’ETP, cet entretien se déroule sous forme d’un échange entre le patient et le soignant.
L’évaluation individuelle des compétences acquises par le patient à l’issue du programme d’ETP porte sur les compétences d’autosoins, d’adaptation et les compétences du patient à agir pour améliorer sa gestion de sa maladie chronique. Elle permet une actualisation du diagnostic éducatif initial prenant en compte les acquisitions du patient. En fonction de ce nouveau diagnostic éducatif, il peut être proposé une nouvelle offre d’ETP au patient ?:
→ sous forme de suivi régulier pour maintenir les compétences ou les actualiser,
→ ou d’un suivi approfondi pour compléter l’ETP initiale si besoin.
Après l’évaluation, Amélie Boireau, infirmière participant au programme d’ETP de l’École du cœur au centre hospitalier René-Dubos de Pontoise (95), envoie un courrier au médecin traitant à la fin de chaque programme pour les tenir au courant des compétences acquises par le patient. « Si l’évaluation individuelle à l’issue du parcours n’est pas satisfaisante, on propose au patient une reprise individuelle rapidement », explique l’infirmière. Le programme initial d’ETP étant conduit sous forme d’ateliers collectifs.
L’évaluation individuelle en fin d’ETP n’a pas pour but un jugement externe sur les compétences acquises par le patient. Elle vise plutôt à faire le point par un dialogue avec le patient. Elle a aussi un but d’apprentissage en permettant de développer les compétences d’auto-évaluation du patient qui peut mesurer ses propres connaissances sur sa situation de santé. L’évaluation individuelle de l’ETP fait partie intégrante de la démarche éducative.
L’évaluation individuelle est proposée au minimum à la fin de chaque programme d’ETP. Elle peut également être proposée à tout moment de la prise en charge si le professionnel de santé le juge nécessaire pour s’adapter au rythme du patient et anticiper des difficultés, ou si le patient la sollicite. « On fait une évaluation à la fin du parcours d’ETP. On faisait des évaluations à la fin de chaque atelier, mais les patients trouvaient cela un peu lourd, un peu trop scolaire », remarque Amélie Boireau.
« On évalue d’une part les connaissances du patient, même si on sait aujourd’hui que ce sont surtout les compétences du patient à faire le lien entre les acquis de la formation ETP et leur mise en application dans sa vie avec la maladie qui font la différence », indique Amélie Boireau. Les connaissances sont évaluées par le biais d’un questionnaire. Pour l’évaluation des compétences, l’infirmière utilise des petits cas concrets sous forme de mises en situation en lien avec la maladie pour lesquels le patient doit choisir entre plusieurs réponses. « Le patient choisit la réponse qui lui paraît la plus adaptée, mais surtout celle qu’il apporterait lui-même en situation. Le but est de connaître la solution qui semble la plus efficace au patient et qu’il appliquerait réellement. Il ne s’agit pas de donner la “bonne réponse” en théorie. Pour que les acquisitions produisent des effets concrets, le patient doit être convaincu de l’intérêt de la solution apportée. »
L’objectif de l’ETP est d’élaborer avec le patient des compétences qui lui donneront la capacité d’être un meilleur acteur dans la prise en charge de sa maladie. C’est le critère examiné lors de l’évaluation individuelle. « On se rend compte que les patients qui répondent bien aux petits cas concrets qu’on leur propose en évaluation finale sont ceux qui seront le moins hospitalisés et présenteront le moins d’événements indésirables, relève Amélie Boireau. Les patients qui montrent de très bonnes connaissances avec un questionnaire mais qui ont des difficultés avec les cas concrets ont tendance à plus revenir en hospitalisation. »
Les compétences acquises lors du programme d’ETP du réseau Icalor sont évaluées à deux reprises. « Une évaluation un mois après la fin du programme permet au professionnel de vérifier que les patients connaissent bien les bases de la prise en charge de leur maladie en référence avec chaque atelier », indique Christelle Altiéri, coordonnateur médical du réseau Icalor.
Pour cette évaluation, l’infirmière repose les questions précédemment proposées en début de programme pour établir le diagnostic éducatif. Ce qui permet de repérer les apports de l’ETP. « Une autre évaluation est prévue six mois après la fin du programme. Elle consiste en une réévaluation des facteurs de risque liés à l’insuffisance cardiaque (glycémie, cholestérol, tension, tabac, etc.) et à une réévaluation du vécu du patient par le questionnaire de la qualité de vie du Minnesota (voir tableau ci-contre). Les réponses sont comparées à celles données en début de programme avec le même questionnaire. » Cette seconde évaluation permet de repérer les effets du programme d’ETP pour le patient.
À l’École du cœur, « lorsque l’évaluation satisfait aux attentes de l’équipe en termes d’acquisition des compétences par le patient, on lui propose un suivi au minimum deux fois par an, parallèlement au suivi médical. Dans le cadre de l’insuffisance cardiaque et pour les patients sous anticoagulants, j’assure moi-même le suivi. Les patients coronariens sont suivis par le cardiologue de ville », précise Amélie Boireau, qui a découvert l’ETP auprès d’une infirmière alors qu’elle était encore en formation à l’Ifsi.
Le suivi peut se faire sous forme d’entretiens individuels ou par courrier. « Ce suivi nous permet de faire le point sur les difficultés ou les complications éventuellement rencontrées. On utilise également des cas concrets comme lors de l’évaluation en fin de formation, ajoute l’infirmière passionnée par son activité en ETP. Les patients adhèrent au suivi et apprécient qu’on ne les lâche pas après le programme d’ETP. D’ailleurs, certains nous sollicitent pour suivre d’autres programmes. »
Le suivi d’un patient atteint d’une maladie chronique s’inscrit forcément sur du long terme, avec des réadaptations nécessaires au cours du temps. « On suit certains patients depuis plus de dix ans », souligne Amélie Boireau.