L'infirmière Libérale Magazine n° 283 du 01/07/2012

 

Cahier de formation

Savoir faire

La Haute Autorité de santé a défini les étapes d’un programme d’ETP. Les infirmières libérales formées interviennent à tous les niveaux de l’offre d’éducation thérapeutique faite aux patients.

Monsieur E. a été hospitalisé à cause de son insuffisance cardiaque. Il n’a jamais suivi de programme éducatif pour mieux gérer sa maladie. Son cardiologue lui a expliqué l’intérêt d’un programme d’éducation thérapeutique pour éviter de nouvelles complications. Il l’oriente vers un réseau de santé.

L’infirmière rencontre monsieur E. en entretien individuel afin d’établir avec lui un programme adapté à sa situation de santé et aux compétences qu’il doit acquérir pour gérer sa maladie. C’est le diagnostic éducatif, première étape indispensable de l’ETP.

CONNAÎTRE ET COMPRENDRE LE PATIENT

Le diagnostic éducatif vise à identifier les besoins et les ressources du patient à travers une synthèse de la situation de vie du patient avec sa maladie et son traitement. Première étape de la démarche d’ETP, le diagnostic éducatif est indispensable à la connaissance du patient, à l’identification de ses besoins et de ses attentes. L’ensemble des informations recueillies permet de s’accorder avec le patient sur les compétences à acquérir, à mobiliser ou à maintenir. Il constitue un premier temps d’apprentissage pour le patient et renforce sa contribution active. Point de départ d’une relation de partenariat avec le patient, il peut se résumer par : qui est le patient ? Qu’a-t-il ? Que sait-il ? Que croit-il ? Que fait-il ? Quel est son projet ? Le diagnostic éducatif tient compte des demandes du patient, comme le souhait de perdre du poids, par exemple.

POUR UN PROGRAMME D’ETP ADAPTÉ

Le professionnel de santé explore la compréhension de la maladie par le patient. Il détermine les points à développer pour une meilleure gestion de la maladie grâce à un programme d’ETP adapté. Il est évolutif, réactualisé régulièrement et systématiquement lors de la survenue de tout événement nouveau concernant le patient et son environnement (décès d’un proche, aggravation de la maladie, etc.). « Les données recueillies lors de ce premier entretien vont évoluer dans le temps en fonction des événements de vie et il faudra adapter la prise en charge. Les événements qui interfèrent avec le cours “normal” de la maladie correspondent soit à des ruptures thérapeutiques ou des hospitalisations dont on va chercher les causes, soit à des difficultés dont le patient nous fait part de lui-même », observe Amélie Boireau, infirmière à l’association l’École du cœur au centre hospitalier René-Dubos de Pontoise (95).

ACCOMPAGNER LA DÉCISION DU PATIENT

C’est le patient qui décide d’adhérer aux séances éducatives et de bénéficier d’un dispositif de soutien adapté, même s’il revient au soignant d’identifier les besoins d’information et les compétences à développer. Le patient participe à l’identification des stratégies possibles pour résoudre un dysfonctionnement identifié ou réaliser un projet. Le patient et le professionnel de santé identifient ensemble les compétences à acquérir, celles déjà acquises qui doivent être renforcées, la planification des séances animées par des professionnels de santé, ainsi que les moyens de rencontrer d’autres patients pour partager ses expériences.

LE RÔLE DU PROFESSIONNEL DE SANTÉ

Il est chargé avec le patient d’évaluer la faisabilité de son projet du patient, de repérer les facteurs limitant ou facilitant les apprentissages et les changements que le patient est prêt à consentir pour améliorer sa santé. « On doit être clair avec le patient pour faire le point sur les conséquences de la maladie dans les différents domaines de la vie du patient. Une fois le diagnostic éducatif posé, le patient assiste à des ateliers, soit parce qu’il y a un risque de complication liée à sa maladie, soit parce que c’est un domaine dans lequel le patient veut s’engager pour un changement, souligne Amélie Boireau. Je suggère au patient les domaines où je pense qu’il y a des problèmes dans sa façon de faire. Le patient donne son avis et on choisit ensemble les ateliers qu’il suivra. »

COMPÉTENCE DE L’INFIRMIÈRE

C’est parfois le médecin qui propose le programme d’ETP qui réalise le diagnostic éducatif avec le patient comme dans le réseau diabète Midi-Pyrénées (Diamip). « Le médecin, au moment du diagnostic éducatif, évalue la possibilité du patient de bénéficier de l’ETP », explique Claude Maurier, Idel à Labarthe-sur-Lèze (31), animateur du programme d’ETP de Diamip. Dans le réseau lorrain insuffisance cardiaque (Icalor), « c’est l’infirmière libérale qui fait le diagnostic éducatif lors d’un entretien individuel. Ce diagnostic débouche sur un contrat d’éducation négocié avec le patient en fonction des facteurs de risques du patient évalués par les mesures de la glycémie, du tour de taille, du taux de cholestérol, de la pression artérielle, du niveau de stress, de la consommation de tabac, etc. L’infirmière analyse aussi le vécu du patient par le questionnaire de la qualité de vie du Minnesota (voir encadré p.46 dans Savoir faire) », précise Christelle Altieri, coordonnateur médical du réseau. À l’issue de l’entretien, l’infirmière fixe avec le patient des objectifs personnalisés tels une perte de poids, une reprise de l’activité physique, etc. ».

ÉLÉMENTS DU DIAGNOSTIC ÉDUCATIF

Ce que le patient sait et croit

Le professionnel identifie les connaissances du patient sur la maladie et sur sa survenue : à quoi l’attribue-t-il, comment perçoit-il l’évolution de la maladie et son caractère de gravité ?

Il évalue les savoir-faire du patient : comment se soigne-t-il, comment utilise-t-il les médicaments, comment se nourrit-il ?

Il vérifie que le patient connaît les signes de gravité de sa maladie et la conduite à tenir. Dans le cas d’une broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), le patient connaît-il :

→ les signes d’alerte médicaux : hypotension < 90 mmhg, tachycardie > 140 bpm, oligurie… ;

→ les signes cliniques : augmentation du rythme respiratoire et cardiaque, troubles de conscience, somnolence, sueurs, céphalées, etc. ;

→ les numéros de téléphone à appeler en cas d’urgence ;

→ si son entourage connait les signes d’alerte et la conduite à tenir ?

Attitude du patient face à sa situation de santé

Le professionnel de santé identifie :

→ l’état émotionnel du patient qui exprime de la peur, de la colère, de l’anxiété… ;

→ les facteurs de stress et de vulnérabilité du patient (physique, psychologique ou sociologique) ;

→ les ressources sociales du patient : soutien par un réseau social ou isolement et problèmes relationnels, en particulier dans la famille. Le professionnel de santé doit se demander si le patient ressent un sentiment d’insécurité ;

→ la fragilité due à l’avancée en âge qui impose de réévaluer avec la personne son efficacité personnelle : perte de résistance physique, des fonctions sensorielles, des aptitudes intellectuelles, de la mémoire et de la vitesse d’exécution des opérations cognitives ;

→ les demandes : le patient recherche-t-il des informations, de l’aide, etc.

Les facteurs socio-environnementaux

→ Perception par le patient de ses ressources : sentiment de contrôle, etc.

→ Facteurs défavorables : anxiété, image de soi dévalorisée, dépression, etc.

→ Situations de précarité ou de risque social : maladie/incapacité, vieillissement, perte du travail, changement de la composition familiale (enfants, parent isolé ou rupture conjugale). Le professionnel évalue en quoi ces situations compromettent pour le patient ses capacités d’assumer ses responsabilités professionnelles, familiales et sociales.

Compétences du patient et difficultés d’apprentissage

→ Le professionnel s’attache à préciser avec le patient la demande d’éducation par rapport à sa perception et à sa compréhension de l’ETP.

→ Il repère les difficultés de lecture et/ou de compréhension de la langue, un handicap sensoriel, mental, des troubles cognitifs, une dyslexie, etc.

LES OUTILS

Un guide d’entretien

Il ne doit pas être utilisé comme un questionnaire directif, mais comme un support pour favoriser le dialogue avec le patient. Il peut comporter des questions ouvertes et fermées selon les informations recherchées. Les questions ouvertes permettent d’accéder au ressenti du patient. Par exemple : parlez-moi de votre consommation de tabac ? Les questions fermées sont utilisées pour obtenir une précision. Par exemple : combien de cigarettes fumez-vous par jour ?

Le guide d’entretien doit être adapté aux spécificités de la maladie chronique et à la population concernée.

Autres outils

Ils peuvent être utilisés pour faciliter le recueil d’informations ou pour préciser le diagnostic éducatif. Certains d’entre eux nécessitent un apprentissage pour une utilisation adéquate : carte conceptuelle, photolangage, etc. (voir page suivante).

CONDITIONS D’ÉLABORATION DU DIAGNOSTIC ÉDUCATIF

L’entretien individuel doit favoriser l’implication du patient et soutenir sa motivation :

→ il doit respecter la confidentialité des échanges et permettre au patient de s’approprier le programme d’ETP en tenant compte de ses propres demandes et projets ;

→ les priorités d’apprentissage et de changements négociées avec le patient sont hiérarchisées par une planification progressive ;

→ le professionnel reconnaît l’expérience et le savoir-faire du patient.

Point de vue…

« Les Idels sont le pivot du réseau »

Christelle Altiéri, coordonnateur médical du réseau lorrain insuffisance cardiaque (Icalor)

« Les infirmières libérales représentent 75 % des intervenants en ETP dans le réseau Icalor qui ne pourrait pas fonctionner sans elles. Elles ont assuré 40 000 séances de suivis des patients à domicile et sont impliquées à tous les niveaux de l’ETP. Elles sont aussi missionnées sur les hôpitaux pour aider les IDE hospitalières à finaliser les documents d’inclusion des patients au programme d’ETP. Le réseau propose une formation de 40 heures, une fois par an, ouverte à tous les professionnels impliqués dans les ateliers, et des formations sur une journée pour le suivi à domicile. »