L'infirmière Libérale Magazine n° 283 du 01/07/2012

 

Cahier de formation

Savoir faire

Madame T. s’est inscrite dans un programme d’ETP pour améliorer la prise en charge de son diabète. Le diagnostic éducatif a relevé les domaines qu’elle devait mieux connaître. Elle va assister à son premier atelier collectif.

L’infirmière en charge de l’atelier a pris soin de regrouper les patients en fonction des thèmes qu’ils veulent aborder. Elle choisit un lieu à proximité des domiciles des patients.

DÉFINITION D’UN PROGRAMME STRUCTURÉ

L’ETP est proposée aux patients et à leur entourage sous la forme d’un ensemble coordonné d’activités animées par des professionnels de santé. Le programme élaboré par les acteurs de l’ETP est mis en œuvre sous forme d’entretiens individuels ou de séances collectives, dans un contexte donné et pour une période donnée. Ce cadre de référence permet la mise en œuvre d’un programme personnalisé pour chaque patient et non une prise en charge standardisée auquel tout patient devrait se soumettre. La durée des séances doit permettre le développement des compétences et une mise en pratique par le patient. Elle doit être adaptée au thème abordé, au public concerné et à la technique éducative utilisée.

L’ETP EN ENTRETIENS INDIVIDUELS

Elle se déroule en face-à-face avec le patient éventuellement accompagné d’un membre de son entourage. Dans certains cas, ces entretiens permettent une meilleure adaptation à la réalité de vie du patient et à son rythme. La durée d’une séance individuelle d’ETP est en moyenne de 30 à 45 minutes (voir le point de vue en page suivante).

LES SÉANCES COLLECTIVES

Mise en place

Plusieurs patients sont réunis en fonction du thème et des objectifs éducatifs des patients. Le choix du lieu de déroulement des séances d’ETP se fait en fonction des disponibilités. « On propose aux patients des séances d’éducation thérapeutique dans une cellule de ville, à proximité de leur domicile, dans des salles de mairie, de maisons de santé ou de réseaux avec qui on a signé des conventions », explique Christelle Altieri, coordonnateur médical du réseau Icalor.

Avantages des ateliers collectifs

Outre l’intérêt d’optimiser les ressources de la structure qui dispense l’ETP, les séances collectives sont propices au partage d’expériences et à la transmission des savoirs tirés de l’expérience des patients. Leur convivialité permet aussi de rompre l’isolement du patient et d’augmenter sa réceptivité à la démarche d’éducation. La taille du groupe doit permettre une bonne connaissance de chaque patient afin de personnaliser le contenu de l’éducation thérapeutique et de favoriser les échanges entre les participants. « Dans une séance de groupe avec un maximum de cinq à six patients, les apports sont individualisés, car chaque personne vient chercher des réponses pour sa propre situation. Au cours des échanges pendant les séances, peuvent apparaître des problématiques qui n’étaient pas détectées par le diagnostic éducatif », remarque Claude Maurier, Idel à Labarthe-sur-Lèze (31), animateur du programme d’ETP du réseau Diamip.

Ouverture aux non professionnels

Dans le cadre des séances d’ETP proposée par l’École du cœur, Amélie Boireau, infirmière, travaille aussi avec des associations de patients comme le Club cœur et santé qui participe aux programmes destinés aux insuffisants cardiaques et aux patients coronariens. L’infirmière apprécie « l’aide précieuse qu’ils apportent par leurs témoignages concernant le vécu de la maladie et leur cheminement en tant que patient. Cela permet aussi aux patients en formation d’entendre le discours d’une personne concernée par la maladie et pas d’un professionnel de santé, avec qui, même avec de l’écoute et de l’empathie, il y a toujours un décalage ». C’est aussi un apport pour le professionnel, pour qui « certains éléments de la prise en charge peuvent ne pas poser de problème alors que les patients expriment des difficultés. Cela nous aide à nous remettre en question pour se rapprocher des attentes des patients ».

La présence des proches

Amélie Boireau trouve un intérêt à la présence des proches du patient aux séances d’ETP, mais elle émet quelques réserves : « Certains patients viennent avec un accompagnant qui partage au quotidien les contraintes de la maladie. Cela lui permet de mieux comprendre ce qui se passe. L’accompagnant doit être dans une démarche d’aide du patient, mais pas dans une intention de faire à sa place, l’objectif de l’ETP étant l’autonomie du patient. Dans le cas inverse, on propose une première formation pour le patient seul et une autre formation avec l’accompagnant. »

LES TECHNIQUES PÉDAGOGIQUES

Elles ont pour but de faciliter et de soutenir les interactions dans le groupe pour favoriser l’acquisition de compétences. Elles doivent être conformes aux recommandations et adaptés à l’âge et aux besoins du patient.

Les techniques pédagogiques regroupent l’exposé interactif, l’étude de cas, la simulation à partir de l’analyse d’une situation, le jeu de rôle, carte conceptuelle, photolangage, etc.

Les outils pédagogiques sont très variés : supports audio ou vidéo, brochure, représentations d’objets de la vie courante, matériel de soins, jeux…

Le photolangage

Définition

Photolangage est une marque déposée pour une méthode destinée à faciliter le travail en groupe à partir de dossiers photographiques. Elle a été inventée en 1968 à Lyon par deux psychosociologues, Alain Baptiste et Claire Belisle. Le mot, courant dans le vocabulaire des formateurs, a pris un sens générique. Destiné à l’origine à des publics adolescents pour qui la prise de parole n’est pas toujours aisée, le photolangage a vite montré son intérêt pour les publics d’adultes.

Application en ETP

Chaque participant choisit une ou plusieurs photographies en relation avec une question spécifique. Par ce choix, il exprime un point de vue personnel ou une expérience vécue. Les photographies favorisent une prise de conscience des représentations personnelles et la parole devant l’ensemble du groupe. Chacun exprime de son mieux ce qu’il sent et ce qu’il vit, en communiquant sa pensée au groupe avec le maximum d’authenticité.

L’animateur de l’atelier n’occupe pas la position privilégiée de celui qui sait face aux participants qui cherchent. Il est souhaitable que l’animateur intervienne personnellement, en choisissant des photographies qui lui permettront aussi de se situer en livrant des réactions personnelles au même titre que les participants.

Les bénéfices de l’exercice sont observables à très court terme dès la fin d’une session. D’autres effets plus prolongés sur les attitudes et les comportements aboutissent à des changements profonds et durables.

Les cartes conceptuelles

Définition

La carte conceptuelle est un outil pédagogique qui tend à se développer dans le champ de l’ETP. Elle prend ses origines dans les théories sur l’apprentissage et dans les principes de la psychologie cognitive qui considèrent la structure des connaissances comme un réseau de concepts reliés entre eux par des liens significatifs. La carte conceptuelle représente graphiquement ce réseau que certains auteurs comparent à une “photographie mentale”. Elle permet de stimuler les démarches d’organisation, de compréhension et d’intégration des idées. Les cartes conceptuelles sont aussi appelées “carte sémantique”, “réseau sémantique” ou “cartographie de connaissances”. C’est un support des interactions entre apprenants et éducateur.

Élaboration d’une carte conceptuelle

Le soignant inscrit un thème concept au milieu de la feuille et demande aux patients d’exprimer ce que ce concept évoque pour eux. Il demande ensuite quels sont les liens entre les concepts associés par les patients et le thème central (voir illustration ci-dessus). Par exemple, pour le diabète, « un taux de sucre dans le sang trop élevé chroniquement » amène les patients à exprimer de nouveaux concepts ou mots en lien avec ce thème. Les concepts peuvent porter sur une cause du sujet proposé, « dysfonctionnement du pancréas », ou sur une conséquence, « obstruction des artères », dans ce cas-là. À son tour, le thème « obstruction des artères » sera relié à d’autres, « reins », « yeux », « cœur », etc. Entre les thèmes, chacun exprime aussi quel est le lien entre les mots : l’obstruction des artères « touche » les yeux et entraîne un « risque » de rétinopathie.

Dynamique du groupe

Dans le cas d’une utilisation des cartes conceptuelles en groupe, les patients expriment leurs points de vue, répondent aux questions du soignant, partagent expériences et témoignages personnels. Ils peuvent contester ou approuver les affirmations d’un autre patient, et poser des questions au soignant qui anime la séance. Ce dernier facilite l’expression des patients et leur réflexion sur leurs propres connaissances en posant des questions appropriées, en apportant des précisions ou des rectifications, en suscitant le partage d’expérience, en expliquant les termes scientifiques, etc.

Point de vue…

« Faire le point sur ce qu’il connaît »

Élodie Gauthier, infirmière libérale à la maison médicale des bords de Seille de Bletterans (39)

« Lors de la mise sous traitement par anti-vitamine K (AVK), je reçois le patient en entretien individuel pour un bilan d’éducation afin de faire le point sur ce qu’il connaît et ce qu’il faudra reprendre. Dans le cas des AVK, l’ensemble du programme d’ETP se fait sous forme d’entretiens individuels. Le deuxième entretien porte sur la pathologie, son traitement, les signes d’alerte à signaler au médecin, les gestes à éviter et les précautions à prendre, etc. L’entretien se déroule sous la forme d’un échange avec le patient à partir de schémas ou de dessins réalisés pendant la séance. Un troisième entretien a pour but d’évaluer les connaissances acquises par le patient par le biais d’un questionnaire. Un compte rendu du programme est alors envoyé au médecin. Par la suite, en cas de mauvais résultats biologiques, je revois le patient pour repérer les problèmes de compréhension. Si les difficultés portent sur l’alimentation, j’oriente le patient vers la diététicienne de l’équipe d’ETP qui le recevra aussi en entretien individuel. »