EN PRATIQUE
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Une infirmière libérale peut-elle appliquer une prescription médicale envoyée par mail, par fax, voire par SMS, ou déposée dans le Dossier médical personnalisé (DMP) de son patient ? À l’heure des nouvelles technologies, des e-dossiers, des tablettes numériques et du développement du DMP, il nous a semblé nécessaire de faire le point sur ce que l’on appelle les prescriptions dématérialisées ou bien encore les e-prescriptions.
Amélioration de la prise en charge du patient et de la continuité des soins, souci de rapidité et d’économie, limitation des erreurs de lecture des ordonnances, délivrance facilitée des prescriptions pour les patients mobiles, lutte contre la surconsommation… Les arguments en faveur des prescriptions médicales dématérialisées ne manquent pas. Mais la généralisation de ce procédé ne peut s’envisager que dans le strict respect de la loi, mais également des droits des patients et des règles déontologiques des professionnels de santé.
L’article 34 de la loi n °2004-810 du 13 août 2004 dispose qu’« une ordonnance comportant des prescriptions de soins ou de médicaments peut être formulée par courriel dès lors que son auteur peut être dûment identifié, qu’elle a été établie, transmise et conservée dans des conditions propres à garantir son intégrité et sa confidentialité, et à condition qu’un examen clinique du patient ait été réalisé préalablement, sauf à titre exceptionnel en cas d’urgence ».
Mais comment être certain de l’identité d’une personne qui vous adresse un mail ? Seule la signature électronique peut garantir une identification fiable du prescripteur. Rappelons que la loi du 13 mars 2000 et le décret n° 2001-272 du 30 mars 2001 ont validé la signature électronique comme preuve écrite, sous réserve qu’elle soit sécurisée et qu’elle respecte certains impératifs.
L’article 1316-4-2 du Code civil définit ainsi la signature électronique : « Elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. » La signature électronique doit être propre au médecin, qui doit en avoir le contrôle exclusif (cela signifie qu’il ne peut la transmettre à quiconque et que nul ne peut donc apporter de modifications au texte qu’il aura validé) et les modifications qu’il pourrait y apporter ultérieurement doivent être tracées.
La loi ne vise pas de documents spécifiques. Il peut donc s’agir d’un compte rendu d’hospitalisation, d’une ordonnance, d’un courrier adressé au médecin traitant ou bien encore d’une prescription de soins infirmiers. Un article du décret rappelle que : « La fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée jusqu’à preuve contraire lorsque ce procédé met en œuvre une signature électronique sécurisée (…) et que la vérification de cette signature repose sur l’utilisation d’un certificat électronique qualifié. » C’est grâce à sa carte de professionnel de santé (CPS) que le médecin pourra signer, électroniquement, ses documents.
Quant aux SMS, la Cour de cassation, dans une décision du 27 mai 2007, les a admis comme mode de preuve, considérant que le SMS est un écrit susceptible d’être produit en justice, au même titre que tout écrit sous forme électronique. Dans ses attendus, la Haute Juridiction précise que « l’enregistrement d’une conversation téléphonique privée, effectué à l’insu de l’auteur des propos invoqués, est un procédé déloyal rendant irrecevable en justice la preuve ainsi obtenue. Il n’en est pas de même de l’utilisation par le destinataire des messages écrits téléphoniquement adressés, dits SMS, dont l’auteur ne peut ignorer qu’ils sont enregistrés par l’appareil récepteur ».
Soulignons cependant que, pour être recevable, le SMS doit émaner d’une personne parfaitement « identifiable » et « être établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité », conformément aux dispositions de l’article 1316-1 du Code civil. Seule l’urgence pourrait justifier l’envoi, par SMS, d’une prescription médicale. Mais, dans une telle situation, exceptionnelle, relevons que le médecin optera plutôt pour le téléphone, plus rapide, que le SMS. L’infirmière pourra exécuter cette prescription téléphonique, sous réserve de prendre certaines précautions qui pourront, en cas de dommages et de litiges, lui éviter de voire sa responsabilité mise en cause. Ainsi doit-elle, dans la mesure du possible, prendre ces prescriptions devant témoin (un membre de la famille, par exemple), en notant le nom du prescripteur, la date et l’heure de la communication, reformuler oralement le message, le noter et le signer en prenant soin de s’identifier clairement. Une régularisation écrite devra ensuite intervenir le plus rapidement possible.
Avec la généralisation du Dossier médical personnalisé (DMP), les professionnels de santé vont être amenés à déposer de nombreux documents dans les dossiers des patients, nécessaires à la continuité des soins. Cette plateforme d’échanges et de communication pourra également permettre d’insérer des prescriptions de soins et de médicaments accessibles aux praticiens concourant à la prise en charge du patient et dont l’accès aura été autorisé par le patient. Ainsi, les infirmières pourront se connecter, via leur ordinateur et leur carte CPS au DMP, et y intégrer à leur tour des informations sur l’état de santé du patient, les actes réalisés, les éventuels effets secondaires des traitements, ainsi que leurs propres prescriptions, puisqu’elles sont en effet autorisées à prescrire certains dispositifs médicaux, dont la liste a été complétée par un arrêté du 20 mars 2012.
Certes, tout n’est pas parfait dans le monde de la e-prescription. Se posent encore de nombreuses questions relatives à la confidentialité des données (risque d’une diffusion des informations médicales sur Internet) ou bien encore à la responsabilité des praticiens et des hébergeurs en cas de pertes des données ou d’un dysfonctionnement technique rendant l’accès au réseau impossible.
Mais la mise en place récente par l’Assurance maladie de formulaires électroniques pouvant être complétés directement sur une plateforme Web montre bien que “l’informatisation de la santé” n’est plus un serpent de mer, mais bien une réalité qui s’impose de plus en plus dans la vie quotidienne des professionnels de santé.
CAS PARTICULIER Le fax
Les envois par fax ne s’inscrivent pas dans la même logique. En effet, d’une part, rien ne permet d’identifier clairement la personne qui l’envoie, d’autre part, compte tenu de sa forme première, le “papier”, le respect des règles de confidentialité n’est pas garanti. Mais qu’en est-il des procédés d’envoi de fax par Internet, très largement généralisés ? Là encore, même si le fax envoyé n’est plus sous forme papier et si son destinataire peut le recevoir directement sur sa boîte électronique, l’absence de procédé de signature parfaitement sécurisé ne permet pas de lui reconnaître la même valeur légale que le mail sécurisé adressé par le praticien via sa CPS.