Béatrice Gauthier, présidente du Syndicat national des infirmiers conseillers de santé
La vie des autres
Actuellement au nombre de 7 500 en France, les infirmiers de l’Éducation nationale ont pour mission, sous l’autorité du chef d’établissement, de promouvoir et de mettre en œuvre la politique de santé en faveur de tous les élèves scolarisés.
« Dans l’Éducation nationale, l’infirmier est en première ligne, raconte Béatrice Gauthier. Nous accueillons l’élève, nous établissons un diagnostic, nous le soignons, l’orientons, mettons en place un suivi sur diverses problématiques. Nous répondons à ce qui fait obstacle à sa scolarité. » Béatrice Gauthier est infirmière de l’Éducation nationale depuis 1993 et présidente du Syndicat de sa profession depuis trois ans. Auparavant, elle travaillait dans des centres hospitaliers, essentiellement en cardiologie. « J’ai passé le concours d’infirmière de l’Éducation nationale car j’ai eu envie de changer de mode d’exercice », rapporte-t-elle.
Dans les établissements scolaires, l’infirmier travaille avec une équipe pluriprofessionnelle composée, entre autres, du chef d’établissement et des enseignants. « Nous avons une place à nous faire au sein de cette équipe qui ne correspond pas à notre environnement naturel de formation, ni aux centres hospitaliers dans lesquels nous avons l’habitude de travailler, explique-t-elle. L’infirmier doit s’adapter à un secteur qui lui est peu familier. Le système éducatif n’est pas rythmé par la prescription médicale. »
L’infirmier scolaire offre aux élèves des soins ponctuels et cherche à résoudre certains problèmes. Les adolescents se rendent chez l’infirmier pendant les pauses ou peuvent demander à leur professeur de quitter la classe. Lorsqu’ils bénéficient d’un suivi, par exemple, pour des troubles du sommeil avérés ayant des effets sur leur scolarité, ils sont convoqués à intervalles réguliers. « Nous essayons de trouver les causes des symptômes et, souvent, un travail de fond peut révéler un mal-être important, voire un état mental préoccupant », indique Béatrice Gauthier. Et de poursuivre : « Néanmoins, il ne faut pas non plus médicaliser tous les problèmes qui émergent car, à l’adolescence, il y a des situations passagères qui peuvent paraître inquiétantes mais qui se résolvent, car le jeune a simplement besoin d’un repère. L’infirmier doit définir la réponse appropriée. » Avec l’équipe pluriprofessionnelle, l’infirmier peut également mettre en place des séances collectives d’informations en réponse à des constats observés individuellement chez les élèves. « L’objectif n’est pas de placarder des campagnes qui rendent le conseil hermétique et qui ne correspondent pas à ce dont les jeunes ont besoin, considère Béatrice Gauthier. Il faut créer du relationnel avec ceux qui viennent nous voir. »
Les infirmiers de l’Éducation nationale, qui tiennent un rôle d’aide et d’écoute très important, abordent dans leur local tous les problèmes auxquels les adolescents sont confrontés. Qu’il s’agisse de leur famille, de leur scolarité ou encore de leur développement. Ils exercent une mission importante d’information dans le domaine des conduites addictives, de la contraception et de l’éducation à la sexualité. Ils peuvent d’ailleurs délivrer, depuis 2000, la contraception d’urgence. « Face à des situations où les jeunes se mettent en danger, notamment avec des rapports non protégés, la première solution est de répondre dans la proximité et la confidentialité, de mettre en place un suivi et d’accompagner les jeunes vers la contraception. Nous sommes d’ailleurs en lien avec le planning familial. »
Le travail avec les élèves peut parfois durer quelques années, « notre objectif étant avant tout la réussite scolaire ». Les infirmiers travaillant dans le secteur rural ou dans les internats ont un rôle déterminant à jouer car, dans les petites villes, il est difficile pour les jeunes de parler en toute confidentialité.
Pour exercer dans l’Éducation nationale, les infirmiers bénéficient d’une “formation d’adaptation à l’emploi” qui varie selon les académies. Les infirmiers doivent passer un concours très sélectif à la suite duquel ils seront affectés dans un établissement – lycées, collèges et écoles primaires qui en dépendent. La formation de l’infirmier intervient dans les deux mois qui suivent l’affectation et varie de trois jours à trois semaines selon les rectorats. « Une fois nommés, certains infirmiers ont le sentiment d’être isolés, car notre travail n’a rien à voir avec le travail d’équipe de l’hôpital », fait savoir Béatrice Gauthier. Les infirmiers revendiquent donc davantage de stages pour trouver des réponses adaptées en fonction des types d’établissement où ils se trouvent, car il existe de grandes différences entre les établissements ruraux, les établissements citadins et les internats. « Or notre responsabilité est maximale, car nous sommes des professionnels de santé de première attention, estime-t-elle. Nous souhaitons une formation plus poussée qui soit adaptée au système éducatif et qui nous permette de connaître les fonctions des uns et des autres afin d’éviter les confusions des rôles. »
« Nous avons travaillé avec les organisations syndicales des infirmiers libéraux dans le cadre d’un collectif afin de revendiquer l’intégration des études infirmières au système universitaire licence-master-doctorat (LMD). Nous rencontrons également les infirmières libérales pour le suivi de certains soins des élèves. Nous entretenons avec elles des rapports confraternels et satisfaisants. Les libérales tiennent un rôle déterminant auprès de la population en complément de l’action des médecins. Nous considérons qu’elles occupent un rôle essentiel qui ne peut en aucun cas être remplacé. Les libérales se trouvent au centre du système de soins. »
Le Syndicat national des infirmiers conseillers de santé (Snics) souhaite la création de postes d’infirmiers de l’Éducation nationale. Actuellement, ils sont 7 500 infirmiers pour 8 000 collèges et lycées, et 55 000 écoles primaires. « Il faudrait une infirmière par établissement », déplore Béatrice Gauthier. En 2005, la loi Fillon prévoyait la création de 1 520 postes d’infirmiers sur cinq ans. Parallèlement, le nombre d’élèves ne cesse d’augmenter : en 2003, ils étaient 11 millions et, en 2010, 14 millions. Par ailleurs, le Snics désire que le passage des infirmiers hospitaliers en catégorie A soit transposé à la fonction publique d’État, car « nous débutons notre carrière à 1 400 euros pour la finir à 2 200 euros, révèle Béatrice Gauthier. C’est très en dessous de nos responsabilités. Nous souhaitons une reconnaissance symbolique ».