Cahier de formation
Savoir faire
Outre le respect des bonnes pratiques d’injection, de conservation et de traçabilité, l’infirmière libérale doit être en mesure de surveiller les rares effets indésirables inhabituels dus aux vaccins et de les déclarer. Elle peut aussi améliorer la couverture vaccinale de la population en ouvrant le dialogue, en incitant au rattrapage et en favorisant le suivi.
M. D., insuffisant cardiaque, vient de recevoir son bon de prise en charge pour le vaccin contre la grippe qu’il fait chaque année depuis dix ans. Sa femme, qui a 65 ans et n’a jamais été vaccinée, en a reçu un également. Ils préféreraient venir se faire vacciner à votre cabinet que d’aller chez leur médecin.
Vous expliquez à M. D. qu’en vertu du dispositif de vaccination simplifié pour la grippe, vous pouvez le vacciner et remplir son carnet. Pour sa femme, ce n’est pas le cas, car la première injection du vaccin doit être pratiquée par un médecin. En revanche, vous pourrez lui faire l’année suivante.
L’infirmière libérale est habilitée à pratiquer les scarifications et injections destinées aux vaccinations ou aux tests tuberculiniques (article R. 4311-7 du Code de la Santé publique).
Toute vaccination nécessite une prescription médicale qui, sauf urgence ou protocole préalablement établi par un médecin, est écrite, qualitative et quantitative, datée et signée, sauf pour le vaccin antigrippal qui bénéficie sous condition du dispositif d’injection simplifié en relais des médecins depuis 2008 (voir encadré p. 43).
La vaccination est un acte qui doit être consenti par le patient. Elle peut également être pratiquée par tous les médecins et par les sages-femmes pour certains vaccins de la mère et du nouveau-né.
À savoir : la vaccination contre la fièvre jaune ne peut être effectuée que dans un centre de vaccination antiamarile (liste des centres sur www.sante.gouv.fr).
La vaccination contre la rage en cas de contamination possible (morsure) doit être réalisée dans un centre antirabique spécialisé (liste des centres sur www.pasteur.fr).
Il est important de bien contrôler l’identité du patient pour ne pas faire d’erreur et assurer ainsi une bonne traçabilité.
→ Les contre-indications “vraies” et définitives à la vaccination sont rares, il s’agit essentiellement des antécédents de troubles neurologiques ou de réaction allergique grave suite à une première injection du vaccin et les vaccins vivants atténués en cas d’immunodéficience (VIH, traitements immunosuppresseurs…).
→ Certaines situations contre-indiquent temporairement la vaccination : infections aiguës avec fièvre (report d’une à deux semaines en général), traitement à base d’immunoglobulines ou de produits sanguins (délai de quelques mois), poussée allergique en cours, notamment eczéma étendu chez les enfants (attendre la fin de la poussée), dermatoses étendues évolutives.
→ Prudence chez les femmes enceintes : les vaccins vivants sont généralement contre-indiqués. Les autres bénéficiant de peu de données, une consultation s’impose.
→ Prudence chez les allergiques : s’assurer que la personne n’a pas rencontré d’allergies à un des constituants, en particulier les antibiotiques (néomycine, kanamycine, streptomycine). Dans le cas des allergies à l’œuf, il faut distinguer les vaccins qui ne contiennent que des traces de protéines d’œuf pour lesquels le risque est quasi nul (vaccins préparés sur culture de fibroblaste de poulet comme le ROR), de ceux qui en contiennent de façon avérée, cultivés sur œuf embryonné de poule (grippe, fièvre jaune). Dans ce cas, une consultation est préférable ainsi qu’une surveillance lors de l’injection, avec à disposition un traitement d’urgence.
→ Les patients sous anticoagulants ou souffrant d’un trouble de la coagulation (risque hémorragique).
Les vaccins doivent être conservés à l’abri de la lumière dans leur emballage d’origine, entre 2 et 8°C, au milieu du réfrigérateur et non dans la porte où la température varie davantage.
La stabilité et l’efficacité du vaccin en dépendent. Par exemple, le vaccin de la rougeole perd 90 % de son efficacité après deux mois à température ambiante. Ils ne doivent en revanche jamais être congelés. Le délai entre le domicile et le cabinet ne pose pas de problème, cependant il est utile de conseiller d’utiliser des pochettes isothermes. Si la chaîne du froid a été interrompue plusieurs heures, contacter le fabricant pour connaître la conduite à tenir.
→ Se laver les mains.
→ Porter des gants.
→ Désinfecter la peau au site d’injection avant vaccination à l’aide d’alcool ou d’un antiseptique.
→ Attendre le séchage complet avant injection, l’excédent pouvant inactiver certains vaccins vivants.
→ Ampoules, flacons et/ou seringues préremplies.
→ Date de péremption.
Les vaccins sont généralement présentés sous forme de lyophilisat et solution à reconstituer ou de seringue préremplie. S’assurer de la dissolution complète ou de la bonne mise en suspension de la poudre dans le solvant avant l’injection et utiliser immédiatement.
Les seringues préremplies présentent généralement une bulle d’air qui ne doit pas être purgée avant injection (pour administrer la totalité du produit et éviter ainsi les sous-dosages), mais remontée du côté du piston (orienter la seringue en ce sens).
La grande majorité des vaccins est administrée par voie sous-cutanée (SC) ou intramusculaire (IM), parfois intradermique, mais jamais intravasculaire (voir infographie ci-contre).
Dans la région du deltoïde en pinçant la peau, l’aiguille inclinée à 45°. C’est la voie recommandée pour les viraux (rougeole, oreillons, rubéole…) et une option possible pour certains vaccins polyosidiques non conjugués. Elle est par ailleurs recommandée dès que possible chez les hémophiles ou les personnes sous anticoagulants (saignements moindres). Exercer une pression locale pendant au moins cinq minutes.
Angle d’attaque de 90° au niveau du deltoïde (enfant, adolescent et adulte) ou de la face antéro-latérale de la cuisse (nourrisson). On ne recommande pas l’injection dans la fesse où l’épaisseur du tissu graisseux peut provoquer une injection intragraisseuse, moins efficace, ou des paralysies sciatiques.
Cette voie est préférée pour certaines vaccinations pour lesquelles elle assure une meilleure réponse (hépatite B, grippe).
Chez les hémophiles et sous anticoagulants, si cette voie est nécessaire, faire un point de contact fort et prolongé.
Pratiquement réservée au vaccin BCG, l’injection avec un angle d’attaque de 10 à 15° au niveau de la face externe du bras est délicate, d’autant plus chez les jeunes enfants. On utilise des aiguilles de 0,4 à 0,5 mm de calibre, de 10 mm de long et à biseau court et des seringues subdivisées en centièmes de millilitres adaptées aux très petits volumes. Dès pénétration du derme (environ 2 mm), exercer sur le piston une ferme pression, car la sensation de résistance est normale. Apparaît alors au point d’injection un œdème de quelques millimètres de diamètre en “peau d’orange”. Cette voie est aussi utilisée pour un vaccin grippal (Intanza), non encore commercialisé en France.
On utilise des vaccins oraux (contre la poliomyélite ou les rotavirus) et la voie nasale (vaccin antigrippal Fluenz dont la commercialisation est imminente).
Les aiguilles généralement fournies avec la boîte sont adaptées en taille calibre et biseau au type d’injection. Le biseau doit être long pour les injections IM et SC, court en intradermique. Tenir compte de l’âge du patient et de sa corpulence, une aiguille plus longue pouvant être choisie pour une personne forte.
Pour assurer la traçabilité et certifier la vaccination, tout professionnel doit la consigner dans le carnet de vaccination du patient ou sur un certificat de vaccination qui lui est remis.
Les renseignements qui doivent y figurer sont : le nom, l’âge, la date, la marque du vaccin, son numéro de lot de fabrication, le nom et la signature de la personne qui a vacciné. Les mêmes renseignements doivent être inscrits au cabinet dans le dossier de soin infirmier.
→ D’un même vaccin : l’intervalle est en moyenne d’un mois, délai nécessaire pour initier des défenses immunitaires spécifiques. Il n’y a jamais intérêt à les raccourcir, car la réponse immunitaire serait diminuée. Le délai entre primo-vaccination et rappels s’appuie sur les données expérimentales propres à chaque vaccin.
→ De plusieurs vaccins en points d’injection différents : en cas d’administration de vaccins inactivés avec un vaccin vivant atténué, l’intervalle entre les doses n’a pas d’importance. En revanche, si on administre deux vaccins vivants atténués, il faut le faire de façon simultanée ou bien respecter un intervalle de 4 semaines au moins sous peine de diminuer la réponse immunitaire (par exemple ROR, fièvre jaune, varicelle).
Tous les vaccins obligatoires ainsi que la majorité de ceux qui sont recommandés sont pris en charge à 65 %, sauf :
→ le vaccin contre la grippe, délivré gratuitement contre un bon de prise en charge à certaines catégories : plus de 65 ans, certains malades chroniques (asthme, insuffisance cardiaque…), séjournant dans un établissement médico-social… ;
→ le vaccin combiné rougeole/ oreillons/rubéole, pris en charge à 100 % de 12 mois à 17 ans révolus.
L’injection est remboursée à 70 % si c’est le médecin qui vaccine, ou à 60 % si c’est une infirmière sur prescription médicale.
Pour certaines affections de longue durée, l’injection peut être prise en charge à 100 %, notamment celle de la grippe.
À savoir : certaines vaccinations peuvent être pratiquées gratuitement dans les centres départementaux de vaccination et dans les PMI. (Source : ameli.fr.)
Les déchets générés et vaccins périmés doivent être éliminés selon les règles d’élimination des déchets d’activités de soins à risques (Dasri), dans des collecteurs prévus pour accueillir des déchets perforants. Pour en savoir plus, consulter le dépliant destiné aux professionnels de santé libéraux, Déchets d’activités de soins à risques infectieux : Comment les éliminer ?, sur le site Internet du ministère de la Santé, www.sante.gouv.fr.
→ 10 millions d’assurés, soit 6 % de la population, ont été concernés par la campagne de vaccination contre la grippe 2011-2012.
→ 6 millions d’assurés peuvent être vaccinés directement par les infirmiers, 850 000 l’ont été durant la campagne 2010-2011.
Source : Ameli.
→ Expliquer le geste et son intérêt s’il peut le comprendre.
→ Réconforter l’enfant qui peut être tenu par un parent.
→ Distraire par une histoire, un jeu, une chanson…
→ Donner un peu d’eau sucrée aux nourrissons juste avant le geste, une tétine ou le sein durant le geste (effet antalgique).
→ Féliciter l’enfant après le geste.
À savoir : les patchs contenant des anesthésiques locaux type Emla préviennent la douleur liée à l’effraction cutanée, mais pas la douleur liée à l’injection du produit. Par mesure de prudence, on ne les utilise pas avec le vaccin vivant atténué BCG, car les propriétés antibactériennes des anesthésiques locaux pourraient diminuer l’efficacité du vaccin.
1 Votre patient vous remet l’imprimé nominatif qu’il a reçu par courrier.
2 Vous vérifiez que le pharmacien a rempli le volet 1 ?: nom du vaccin délivré, date de délivrance, nom du pharmacien, signature et tampon de l’officine.
3 Vous interrogez votre patient pour vérifier que vous pouvez le vacciner.
4 Vous réalisez l’injection du vaccin.
5 Vous apposez sur le volet 2 de l’imprimé la vignette avec le numéro du vaccin, la date, votre nom, votre signature et votre numéro professionnel.
6 Vous conservez l’imprimé de prise en charge pendant un an pour garantir la traçabilité du vaccin.
Source : Grippe saisonnière, tout sur la vaccination en 2011-2012, fiche pratique pour les infirmiers libéraux, Assurance maladie.
À l’exception de la première injection, l’infirmière est habilitée à pratiquer l’injection du vaccin antigrippal saisonnier sans prescription médicale aux assurés concernés par une prise en charge de l’Assurance maladie : personnes âgées de plus de 65 ans et/ou atteints de certaines pathologies (asthme, BPCO, insuffisance cardiaque grave…). Malgré une liste élargie en 2011 des bénéficiaires de ce dispositif simplifié, les jeunes de moins de 18 ans et les femmes enceintes en sont toujours exclus.
Source : décret n° 2008-877 du 29 août 2008 relatif aux conditions de réalisation de certains actes professionnels par les infirmiers ou infirmières et arrêté du 19 juin 2011 fixant la liste des personnes pouvant bénéficier de l’injection du vaccin antigrippal saisonnier pratiquée par un infirmier ou une infirmière.
La réquisition en centre de vaccination des infirmiers libéraux est-elle légale en cas d’épidémie ? Face à une menace sanitaire grave, les autorités peuvent prendre des mesures d’urgence. Ainsi, les articles L. 3131-1 et L. 3131-8 du Code de la Santé publique (CSP) permettent au préfet de requérir le service de tout professionnel de santé, quel que soit son mode d’exercice. Ces réquisitions, qui peuvent être individuelles ou collectives, font l’objet d’un arrêté qui précise la nature des prestations requises, leur durée et les modalités d’application de la mesure. À notre connaissance, rares ont été les Idels réquisitionnées lors de la dernière campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1).
Quid de la responsabilité de l’infirmière réquisitionnée ? En cas de réquisition, les contrats de responsabilité civile des professionnels de santé sont suspendus, l’État prenant à sa charge tout dommage lié à l’administration d’un médicament recommandé ou exigé par les autorités (article L. 3131-3 du CSP). Lors de la campagne de vaccination antigrippale A (H1N1), certains assureurs avaient précisé continuer à apporter leur garantie à leurs adhérents, se réservant la possibilité de récupérer les éventuelles sommes versées auprès de l’État.
Pour toute vaccination sur prescription médicale
→ Cotez “AMI 1 + MAU
Pour le vaccin contre la grippe sans prescription médicale, hors primo-injection et dans le cadre de la campagne de vaccination de l’Assurance maladie
→ Cotez “AMI 1 quantité 2” sur une même ligne.
→ Inscrivez votre numéro professionnel dans la case d’identification du prescripteur + “1 IFD” si injection à domicile + éventuellement le nombre d’indemnités kilométriques associé, sous réserve que ce déplacement soit justifié par l’état du patient.
Si la vaccination est réalisée lors d’une séance de soins infirmiers
→ Vous ne cotez pas d’acte supplémentaire car la cotation forfaitaire par séance inclut cet acte.
* Majoration d’acte unique.