AES
L’exercice au quotidien
Marie-Odile Guillon est infirmière libérale à Compiègne , dans l’Oise. Victime d’un accident d’exposition au sang (AES) pendant sa tournée, elle déplore le manque d’informations à disposition des libérales.
Lors de ma tournée, je venais de réaliser une prise de sang chez un patient. En route vers un autre domicile, j’ai freiné un peu brusquement. Or je ne referme pas complètement les boîtes à aiguilles car elles sont difficiles à ouvrir. Ma boîte s’est donc renversée et les aiguilles usagées sont tombées. J’ai cru les avoir toutes ramassées, mais, au domicile du patient suivant, en plongeant ma main dans ma mallette, je me suis transpercé le doigt. J’ai tout de suite contacté le service de pathologies infectieuses de l’hôpital de ma ville. J’ai eu une prise de sang et un suivi le mois d’après pour vérifier qu’il n’y avait pas eu de contamination par le virus de l’hépatite B ou C. Je m’en suis bien sortie, contrairement à l’une de mes collègues qui s’est piquée le pouce en dévissant l’aiguille d’une seringue à insuline : comme le patient était séropositif, elle a dû recevoir une trithérapie en prévention.
Une réelle action est à mener pour l’accès des infirmières libérales à du matériel sécurisé. Je peux avoir recours à ce type de matériel pour les prises de sang et l’injection de certains produits via le service d’hospitalisation à domicile de l’hôpital. Mais, sinon, dans mes commandes, je n’y ai pas accès. C’est lié à une méconnaissance à la fois par les entreprises, de notre activité, et par nous, de leur matériel. Il faut que nous puissions avoir accès aux aiguilles rétractables et que les conteneurs à aiguilles soient davantage sécurisés et adaptés à la pratique à domicile.
Toutes mes collègues se sont déjà piquées. Pourtant, la déclaration n’est pas souvent faite, car elles ne savent pas à qui s’adresser. Il est conseillé de contacter le service des maladies infectieuses de l’hôpital, mais, à la suite d’un AES, on nous demande de venir en consultation, ce qui est difficilement compatible avec les tournées. Or la déclaration est indispensable, car il existe en moyenne 50 agents pathogènes pouvant pénétrer dans le corps. Il faudrait mettre en place un protocole pour répertorier les accidents afin de comptabiliser le nombre d’infirmières qui se piquent, dans quelles circonstances, et trouver des solutions. Je travaille à ce projet en tant que présidente de l’URPS Infirmiers Picardie
* L’URPS Picardie organise le 11 octobre, à Salouël (Somme), la 1re Journée de l’infirmière libérale au cours de laquelle aura lieu une sensibilisation aux AES avec des exposants spécialisés dans la technologie médicale et le matériel sécurisé.
« Beaucoup d’infirmières libérales se piquent avec leur matériel. Elles ont aussi des collecteurs à aiguilles qui ne sont pas vraiment adaptés à leur pratique et qui peuvent se renverser dans leur voiture, et elles sont nombreuses à recapuchonner leurs aiguilles, ce qui favorise le risque de piqûres, pourtant évitable. Il est nécessaire de mener une enquête sur leurs habitudes de travail afin de mieux cibler la prévention contre les AES et les actions de sensibilisation à mener. Il faut aussi les sensibiliser sur les démarches à suivre en cas de piqûre car, par manque de temps, elles négligent le dépistage. »