L'infirmière Libérale Magazine n° 285 du 01/10/2012

 

Cahier de formation

Savoir faire

Les soins palliatifs replacent le professionnel de santé en position de soignant. Savoir faire et savoir être sont indissociable face à la crise existentielle la plus grave qu’est la fin de vie. D’autant que les infirmières libérales sont les accompagnants privilégiés des patients et des familles à domicile.

Monsieur B. est atteint d’un cancer du poumon avec des métastases osseuses qui le font souffrir. Il s’inquiète car la morphine ne le soulage pas complètement. Il ne sait pas s’il est possible d’augmenter les doses.

Vous le rassurez en le prévenant que les doses de morphine peuvent être augmentées tant que les effets indésirables sont maîtrisés. De plus, il existe des médicaments plus puissants que la morphine, comme le fentanyl, et d’autres techniques non médicamenteuses pour traiter la douleur.

ÉVALUATION DE LA DOULEUR

Le traitement des douleurs est un élément essentiel du maintien d’une certaine qualité de vie en phase palliative. Évaluer l’intensité des douleurs est indispensable pour guider le traitement qui est choisi en fonction de sa balance bénéfices/risques. Le choix du traitement est fait en fonction de l’intensité de la douleur qualifiée par le patient.

Les échelles d’évaluation de la douleur (EVA, échelle numérique…) servent à observer l’évolution de la douleur, par plusieurs évaluations avec la même échelle, en fonction de laquelle sera réajusté le traitement. Un patient qui a une EVA à 5 n’a pas forcement moins mal qu’un autre qui aurait une EVA à 8 (voir tableau ci-dessous).

HIÉRARCHIE DES MÉDICAMENTS

L’Organisation mondiale de la santé distingue les antalgiques selon 3 paliers de puissance (voir tableau page ci-contre).

LA MORPHINE

Antalgique de référence

La morphine demeure l’antalgique de référence pour mesurer l’efficacité antalgique des autres opioïdes.

La morphine n’est pas l’antalgique le plus puissant. En effet, les effets fentanyl sont environ 100 fois plus puissants que ceux de la morphine. En ville, on le trouve sous forme de dispositif transdermique ou de système transmuqueux.

Un double effet sur la douleur

→ Augmentation du seuil de perception de la douleur qui devient moins intense, plus lointaine, jusqu’à être parfois totalement soulagée.

→ Modification du comportement du patient à l’égard de sa douleur, état d’indifférence et apaisement qui aident à tolérer la douleur.

Effet dose-dépendant

À dose croissante, la morphine provoque d’abord une antalgie avec un effet dysphorique (sensation ébrieuse, parfois hallucinations), une somnolence. En surdosage, les morphiniques entraine une réapparition de la somnolence, voire un coma, une dépression respiratoire.

La relation dose-efficacité-tolérance, très variable d’un patient à l’autre, est à évaluer fréquemment. Il n’y a pas de dose maximale, tant que les effets indésirables peuvent être contrôlés.

LES MÉDICAMENTS “NON ANTALGIQUES”

Ils sont utilisés dans les douleurs neuropathiques qui sont peu soulagées par les antalgiques. L’infirmière doit parfois expliquer la prescription de ces médicaments connus pour d’autres indications.

Les antiépileptiques

Ou anticonvulsivants, ils ont des effets bénéfiques sur les douleurs neuropathiques. Certains possèdent une autorisation de mise sur le marché (AMM) dans le traitement de la douleur (Lyrica, Neurontin, Tégrétol), d’autres sont utilisés hors AMM (Rivotril, Lamictal, Épitomax).

Certains antidépresseurs

Ces antidépresseurs (Laroxyl, Anafranil, Effexor…) présentent un double intérêt :

→ un effet antalgique propre par inhibition de la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine impliquées dans le mécanisme douloureux ;

→ une action sur la dépression qui accompagne la douleur chronique.

UTILISATIONS SPÉCIFIQUES AUX SOINS PALLIATIFS

Dans ses recommandations de 2010 pour la prise en charge des douleurs rebelles en soins palliatifs, l’Afssaps rappelle les modalités d’utilisation de certains médicaments, notamment les prescriptions hors AMM(1). Ces recommandations concernent les patients en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable qui présentent des douleurs rebelles (voir tableau en page 48).

LES TRAITEMENTS NON MÉDICAMENTEUX

Ces traitements ont un double intérêt. En augmentant l’efficacité des médicaments, ils permettent d’en réduire les doses, et donc les effets indésirables.

→ La kinésithérapie. Elle agit sur la qualité de vie des patients par les massages, les drainages lymphatiques, les mobilisations ou l’électrothérapie.

→ La neurostimulation électrique transcutanée. Les électrodes fixées sur la peau et reliées aux bornes d’un générateur permettent des paresthésies de la zone douloureuse. Cette technique employée par les kinésithérapeutes peut être utilisée à domicile par la location ou l’achat de l’appareil (avec remboursement par la Sécurité sociale).

→ La chirurgie. Elle est proposée dans certains cas après échecs des autres méthodes non invasives.

(1) “Douleur rebelle en situation palliative avancée chez l’adulte”, Recommandations de bonne pratique Afssaps, juin 2010.

(2) Soins palliatifs, éthique et fin de vie, Régis Aubry et Marie-Claude Daydé, éditions Lamarre, mai 2010.

Point de vue…

« Anticiper le retour à domicile »

Nathalie Pettoello, infirmière libérale à Quevauvillers (80)

« Lorsqu’un patient en fin de vie quitte l’hôpital pour un retour à domicile, l’infirmière qui n’a pas été avertie et se retrouve devant le fait accompli est en difficulté. D’autant que les sorties en fin de semaine, le vendredi soir, sont fréquentes. On doit sensibiliser les services hospitaliers pour qu’ils préviennent les soignants du domicile et qu’ils prennent certaines précautions. C’est notamment le cas des médicaments à délivrance hospitalière comme le Perfalgan. Il faut insister pour que l’hôpital fournisse le nécessaire pour couvrir le week-end dans des zones où la pharmacie ne pourra être approvisionnée avant le lundi suivant. »

* Nathalie Pettoello a produit un livre sur le sujet, voir partie Savoir plus pages 55-56.