L'infirmière Libérale Magazine n° 286 du 01/11/2012

 

Cahier de formation

Savoir

Souvent vécue comme une fatalité, l’incontinence, sujet tabou, concernerait 3 millions de personnes en France. Connaître les principaux mécanismes physiopathologiques et les différents traitements de l’incontinence est indispensable à une Idel, qui reste l’un des acteurs de santé les plus à même de participer à sa prise en charge.

RAPPELS SUR L’INCONTINENCE

La physiologie excrétrice

→ La progression de l’urine dans les voies urinaires est régulée par le système nerveux autonome. Une stimulation parasympathique, via l’acétylcholine dont les récepteurs sont situés sur le détrusor (muscle de la vessie), assure la contraction de la vessie et le relâchement du col vésical, permettant l’évacuation de l’urine vers l’urètre et la miction. Inversement, une stimulation sympathique, via l’adrénaline, augmente la pression du sphincter lisse (par stimulation de récepteurs alpha-adrénergiques) et assure le relâchement de la vessie (par stimulation de récepteurs bêta-adrénergiques), ce qui permet le stockage de l’urine dans la vessie (voir schémas page ci-contre). Un premier besoin d’uriner est ressenti lorsque la vessie contient 100 à 300 ml, mais la vessie peut continuer à se remplir grâce au contrôle volontaire du sphincter strié qui fait office de verrou de sécurité : la contraction du sphincter strié augmente la pression intra-urétrale, ce qui refoule l’urine dans la vessie et entraîne le relâchement de celle-ci par inhibition du réflexe parasympathique, permettant au sujet de se retenir. Le besoin devient pressant quand la vessie a stocké 400 ml d’urine. Le relâchement volontaire du sphincter strié autorise alors la miction.

→ La différence entre la pression de l’urètre et celle de la vessie assure donc la continence, en dehors des mictions. Lorsque les forces de retenues deviennent inférieures à la pression vésicale (soit à cause d’une inefficacité sphinctérienne, soit à cause d’une anomalie du fonctionnement vésical), il y a incontinence, c’est-à-dire perte involontaire d’urine par le méat urétral.

Principaux facteurs de risque ou aggravants

L’incontinence peut être multifactorielle. Parmi les principales étiologies ou facteurs aggravants, on retrouve des :

→ causes gynéco-obstétricales : lésions périnéales liées aux accouchements et à la chirurgie pelvienne, grossesse, ménopause (provoquant une diminution de la tonicité des muscles périnéaux, du fait de la carence en œstrogènes, qui assèche et fragilise les tissus du plancher pelvien) ;

→ causes neurologiques : accident vasculaire cérébral, maladies de Parkinson et d’Alzheimer, sclérose en plaques, lésions médullaires, spina bifida, polynévrite diabétique;

→ causes liées aux mode de vie : activités professionnelles nécessitant une station debout prolongée ou le port de charges lourdes, activité sportive intense, ingestion d’une trop grande quantité de boissons en journée sans vider suffisamment sa vessie, consommation de boissons diurétiques stimulant le détrusor comme le café, le thé ou l’alcool ;

→ causes tumorales : tumeurs vésicales, adénome et cancer de la prostate, suites de chirurgie prostatique et de radiothérapie ;

→ autres facteurs : infections vésicales (qui irritent et stimulent la vessie), constipation (les efforts de poussée pour évacuer les selles altérant les muscles du périnée), obésité (l’excès de poids fragilisant le périnée), entraves à la mobilité rendant difficile l’accès aux toilettes ou le déshabillage, perte des repères liée à une mise en institution…

Les différents types d’incontinence

L’incontinence dite d’effort ou par insuffisance sphinctérienne

C’est une incontinence diurne. Une augmentation de la pression abdominale à la suite d’un effort, même minime (toux, éternuement, rires) ou plus important (montée d’escalier, port de charges, course à pied), déclenche une fuite involontaire d’urine, non contrôlée par les sphincters. Ce type d’incontinence touche plus volontiers les femmes, et est consécutive à une altération du plancher pelvien, liée à des traumatismes obstétricaux (multiparité, accouchements difficiles par voie basse…). Chez l’homme, elle est plus rare, mais elle peut s’observer à la suite d’interventions chirurgicales prostatiques.

L’incontinence dite urgence mictionnelle ou par instabilité vésicale

Il s’agit d’une incontinence diurne et nocturne. Elle se traduit par une impériosité (un besoin urgent d’uriner) difficilement contrôlable et une pollakiurie (une augmentation de la fréquence des mictions) avec plus de 8 mictions par 24 heures et/ou plus de 1 miction la nuit. Elle est due à un dysfonctionnement musculaire de la vessie avec hypercontractilité du détrusor. Ce type d’incontinence peut survenir, entre autres, chez le patient parkinsonien, du fait d’une hyperactivité cholinergique visant à compenser le déficit dopaminergique.

L’incontinence mixte

Ce type d’incontinence, représentant 30 % des incontinences urinaires, associe un système sphinctérien défaillant et une vessie hypercontractile. Elle est fréquente chez le sujet âgé.

Les fausses incontinences

L’incontinence par regorgement

Elle est consécutive à une rétention urinaire liée à une hypotonie et à une perte d’élasticité de la vessie (du fait du vieillissement et d’une diminution des fibres élastiques du détrusor au profit du collagène, ou d’une atteinte neurologique, chez les patients blessés médullaires ou souffrant de sclérose en plaques, par exemple) ou à un obstacle urétral de type adénome de la prostate ou fécalome, empêchant la vidange complète de la vessie lors des mictions. Cette incontinence correspond à une évacuation du “trop plein” vésical.

L’incontinence iatrogène

Certains médicaments peuvent être responsables d’une incontinence ou aggraver une incontinence préexistante. Il s’agit essentiellement :

→ des médicaments parasympathomimétiques (ou cholinergiques) qui reproduisent l’effet d’une stimulation parasympathique et contractent donc le détrusor, à l’instar des anticholinestérasiques utilisés dans le traitement de la maladie d’Azheimer, comme le donépézil (Aricept), la galantamine (Reminyl) ou la rivastigmine (Exelon) ;

→ des médicaments alpha-bloquants qui bloquent les effets d’une stimulation sympathique et relâchent donc le sphincter lisse. Il peut s’agir d’alpha-bloquants utilisés comme antihypertenseurs, comme la prazosine (Alpress), ou d’alpha-bloquants utilisés pour soulager les troubles liés à une hypertrophie de la prostate, comme l’alfuzosine (Xatral), la doxazosine (Zoxan), la tamsulosine (Josir, Omix) et la térazosine (Hytrine, Dysalfa) ;

→ des diurétiques qui potentialisent l’instabilité vésicale ;

→ des bêta-bloquants qui contractent le détrusor (puisque, physiologiquement, la fixation de l’adrénaline sur les récepteurs bêta situés sur le détrusor provoque un relâchement de la vessie) ;

→ des myorelaxants qui favorisent l’hypotonie sphinctérienne ;

→ des médicaments favorisant les rétentions d’urine et les incontinences par regorgement : antidépresseurs imipraminiques, morphiniques, certains neuroleptiques et anti-histaminiques…

Complications de l’incontinence

Conséquences physiques

L’incontinence peut se compliquer de troubles trophiques cutanéo-muqueux et d’escarres (notamment au niveau sacré), en particulier chez les personnes âgées et/ou alitées, mais également d’infections urinaires et d’atteintes rénales (pyélonéphrites ou altérations de la fonction rénale), notamment en cas d’hypotonie vésicale et d’incontinence par regorgement.

Conséquences psychiques

→ L’incontinence induit un sentiment de honte, d’auto-dévalorisation et de régression (notamment chez les personnes âgées) avec perte de l’estime de soi. Par crainte de se souiller et des mauvaises odeurs, les patients s’excluent de la vie sociale. De cet isolement et de la perte de confiance en soi peut naître une dépression nerveuse.

→ Difficile à gérer pour l’entourage, l’incontinence est aussi un facteur de mise en institution de patients âgés et/ou déments.

→ Chez les plus jeunes, l’incontinence est source de handicap dans la vie professionnelle (crainte des déplacements professionnels, des voyages d’affaires ou des séminaires…), au niveau des loisirs et des activités sportives. Elle peut également constituer une gêne dans les rapports sexuels, perturbant la vie de couple (voir encadré ci-dessous).

Diagnostic

Interrogatoire

L’interrogatoire a pour but de définir le type d’incontinence. Il consiste à préciser les antécédents gynéco-obstétricaux, l’ancienneté de l’incontinence, la fréquence et l’importance des pertes d’urine, ainsi que les circonstances de survenue des fuites; mais aussi à rechercher une constipation ou la prise de médicaments qui pourraient être des facteurs aggravants, ainsi qu’à évaluer la gêne provoquée et apprécier le retentissement de l’incontinence sur la qualité de vie du sujet.

Examen clinique

→ Il consiste en un examen urogynécologique chez la femme, permettant d’éliminer une fistule vésico-vaginale et de rechercher un prolapsus utérin ou un globe vésical. L’examen clinique permet également de mettre en évidence une incontinence d’effort par la manœuvre de Bonney (en demandant à la patiente, installée en position gynécologique et dont la vessie est pleine, de tousser, au cours d’un toucher vaginal).

→ Chez l’homme, l’examen clinique comprend un toucher rectal afin d’apprécier le volume et la consistance de la prostate.

Examens complémentaires

→ La recherche d’une infection urinaire par bandelette ou par ECBU est recommandée.

→ Une échographie vésicale permet d’éliminer une éventuelle tumeur de la vessie ou des calculs vésicaux, ainsi que de rechercher un résidu post-mictionnel. Cette recherche est préconisée en cas d’incontinence par impériosité si un traitement par anticholinergique (lire plus loin) est envisagé.

→ Une cystoscopie (examen désagréable, mais non douloureux à proprement parler, consistant à introduire par le méat urinaire jusqu’à la vessie, un endoscope souple muni d’un système optique) est indiquée en cas de signes cliniques pouvant faire suspecter une tumeur de la vessie, comme une hématurie ou des infections urinaires à répétition.

→ Un bilan urodynamique est indispensable avant un traitement chirurgical pour évaluer le pronostic, et en cas de doute diagnostique. L’examen urodynamique ne nécessite pas d’anesthésie, ni d’hospitalisation. Il comprend différentes étapes et dure dans son ensemble environ 1 heure :

la débitmétrie urinaire est la première étape du bilan urodynamique. C’est un examen simple, qui consiste à uriner sur un disque rotatoire permettant d’enregistrer la courbe représentant le débit d’urine en fonction du temps. Cet examen mesure la durée de la miction (normalement inférieure à 30 secondes), le volume uriné, le débit maximal et le débit moyen. Un paramètre important est le débit maximal, qui se situe normalement entre 20 et 30 ml/s et est atteint en moins de 8 secondes. Cet examen permet de mettre en évidence une obstruction urétrale potentiellement responsable d’incontinence par regorgement (mais sans toutefois en déterminer la cause). Ainsi un débit maximal inférieur à 15 ml/s signe une obstruction urétrale ou une incapacité de la vessie à se contracter suffisamment. De même, en cas d’obstruction, le temps de miction est allongé ;

la cystomanométrie consiste à enregistrer les pressions à l’intérieur de la vessie (quand elle est vide puis au cours de son remplissage) à l’aide de capteurs logés dans une sonde urétrale, qui permet de remplir la vessie avec de l’eau stérile (ou du gaz). Cet examen permet d’apprécier le tonus de la vessie, la quantité de liquide maximal que la vessie peut contenir et l’aptitude de la vessie à se contracter lors de la miction. Il permet de mettre en évidence une dysynergie vésico-sphinctérienne, et une instabilité vésicale ;

l’urométrie permet d’établir le profil urétral du patient. Cet examen consiste à mesurer les pressions urétrales depuis la vessie jusqu’au méat urinaire à l’aide d’une sonde munie de capteurs de pression, retirée progressivement. Il est possible également d’enregistrer un profil urétral dynamique en demandant au patient de tousser lors du retrait de la sonde. L’urométrie permet de mettre en évidence une insuffisance sphinctérienne.

TRAITEMENT DE L’INCONTINENCE

Le traitement de l’incontinence vise à améliorer la qualité de vie des patients ainsi qu’à préserver la fonction rénale.

Rééducation périnéo-sphinctérienne

La rééducation des muscles pelviens constitue le traitement de premier choix des incontinences d’effort. Elle est également recommandée dans les incontinences mixtes. Elle trouve aussi sa place dans le traitement des incontinences par urgence mictionnelle, en complément d’un traitement médicamenteux, pour améliorer le contrôle de la vessie.

Trois méthodes peuvent être utilisées, sachant que l’association de plusieurs d’entre elles semble plus efficace que la pratique d’une seule :

→ la kinésithérapie basée sur des exercices de contraction et de relâchement des muscles pelviens;

→ le biofeed-back : cette technique utilise une sonde vaginale comportant deux bagues qui recueillent les potentiels de contraction. Ceux-ci apparaissent sur un écran sous forme de courbe visualisée par la patiente. Cette méthode permet aux patientes d’être actrices de leur rééducation, puisqu’elles contrôlent la force, la durée et l’intensité des contractions. Mais elle ne peut pas être utilisée chez les patientes qui n’ont aucun contrôle périnéal ;

→ l’électrostimulation : elle consiste à envoyer un courant électrique, par l’intermédiaire d’une sonde vaginale (ou anale chez l’homme) reliée à un générateur de courant basse fréquence, pour stimuler le nerf moteur des muscles du périnée et déclencher des contractions. Elle améliore la trophicité du périnée et aide les patients à reconnaître une contraction.

Traitement médicamenteux

Les anticholinergiques urinaires

→ Il s’agit de l’oxybutynine (Ditropan), du chlorure de trospium (Céris), de la toltérodine (Détrusitol) ou de la solifénacine (Vésicare).

→ Ils sont indiqués dans le traitement de l’incontinence par urgence mictionnelle ou d’incontinence mixte, mais ne sont pas recommandés en cas d’insuffisance sphinctérienne isolée. Ces médicaments se fixent sur les récepteurs du système nerveux parasympathique et exercent une action antagoniste (c’est-à-dire contraire) à l’acétylcholine. Ils empêchent donc les contractions du détrusor induites par l’acétylcholine et relâchent la vessie. Leur efficacité optimale ne s’observe qu’après 5 à 8 semaines de traitement.

→ Ces médicaments peuvent être responsables d’effets indésirables atropiniques à type de sécheresse buccale, de constipation, de rétention d’urine, de troubles visuels avec mydriase (dilatation de la pupille) et risque d’élévation de la pression intra-oculaire, mais aussi de troubles mnésiques ou de confusions, voire d’hallucinations visuelles. Ils sont donc contre-indiqués en cas de risque de glaucome à angle fermé et de troubles urétro-prostatiques, et leur prescription doit être prudente chez le sujet âgé. Par ailleurs, il faut savoir que ces médicaments interagissent avec les anticholinestérasiques utilisés dans la maladie d’Alhzeimer, qui visent, eux, à augmenter les transmissions cholinergiques. Il y a donc un antagonisme entre ces deux classes thérapeutiques, classé en interaction à prendre en compte. Le chlorure de trospium (Céris) ne passe pas la barrière hémato-encéphalique et présente donc moins de risques d’effets indésirables neuro-psychiques. En revanche, à l’instar de la toltérodine (Détrusitol), il allonge l’espace QT sur les ECG, et est donc potentiellement arythmogène.

Le flavoxate

Le flavoxate (Urispas) est un antispasmodique musculotrope sans effet anticholinergique. Son efficacité est moins documentée que celle des anticholinergiques, mais son utilisation devrait néanmoins être privilégiée chez les patients de type Alzheimer (pas d’antagonisme avec les anticholinestérasiques).

Les œstrogènes

Localement, les gels et ovules à base d’œstrogènes (Gydrelle, Physiogine, Colpotrophine, Trophicrème, Trophigil…) peuvent être prescrits pour traiter les troubles trophiques vulvo-vaginaux liés à la ménopause. Les œstrogènes administrés par voie transmuqueuse (gels ou ovules vaginaux) renforcent les muscles du plancher pelvien et améliorent la pression urétrale. Ils présentent l’avantage d’être aussi efficaces au niveau génito-urinaire que les œstrogènes administrés par voie générale dans le cadre d’un traitement hormonal de la ménopause, tout en entraînant moins de risques d’effets indésirables systémiques. Mais ils n’ont toutefois pas d’AMM (autorisation de mise sur le marché) avec une indication spécifique dans le traitement de l’incontinence.

Les alpha-stimulants

Ces médicaments (comme Gutron, midodrine), qui stimulent les récepteurs alpha-adrénergiques du système nerveux sympathique, sont parfois prescrits hors AMM pour améliorer une insuffisance sphinctérienne, car ils contractent le sphincter lisse et augmentent le tonus urétral. Leur action serait potentialisée par l’association aux œstrogènes. Cependant, les alpha-stimulants ne sont pas indiqués dans le traitement de l’incontinence car leur efficacité n’est pas clairement démontrée. Il faut par ailleurs tenir compte de leurs nombreuses contre-indications liées à leur action vasoconstrictrice et de leurs effets indésirables cardiovasculaires, à type notamment d’hypertension artérielle.

Traitement chirurgical

Pose de bandelette sous-urétrale

→ Lorsque l’incontinence à l’effort est très importante ou que la rééducation périnéale a échoué, la chirurgie est indiquée. La pose de bandelette sous-urétrale (voir schéma ci-dessous) est pratiquée depuis presqu’une vingtaine d’années et constitue l’intervention de référence de l’incontinence d’effort féminine.

→ Elle consiste à positionner sous l’urètre une petite membrane synthétique en polypropylène, visant à corriger le défaut de soutien du col vésical et de l’urètre. L’intervention est réalisée sous anesthésie locale, loco-régionale ou générale. Elle nécessite trois incisions, dont l’une (de 1,5 cm environ) à l’intérieur du vagin et de deux autres, plus petites, sur le pubis. La bandelette est passée de chaque côté de la vessie, puis positionnée sans tension sous l’urètre, d’où son nom de bandelette TVP (Tension Free Vaginal Tape). Ce type d’intervention d’une demi-heure environ nécessite 2 jours d’hospitalisation et une convalescence de 2 semaines en moyenne, au cours de laquelle il faut éviter le port de charges lourdes et les rapports sexuels jusqu’à cicatrisation du vagin.

→ Cette opération peut se compliquer d’une infection urinaire, puisqu’après l’intervention, une sonde urinaire peut être mise en place temporairement, pendant quelques heures. Pendant l’intervention, d’autres complications plus graves (plaies de l’intestin, de l’urètre ou de la vessie, accident cardiaque, hémorragie, phlébite…) sont possibles mais demeurent beaucoup plus rares. Dans les suites opératoires, le risque d’infection de la bandelette est exceptionnel, celle-ci étant très bien tolérée par l’organisme.

Mise en place d’un sphincter artificiel

→ Le sphincter artificiel (voir schéma ci-contre) est indiqué en cas d’échec du traitement précédent ou, chez l’homme, en cas de déficit majeur de l’appareil sphinctérien avec une incontinence massive. L’intervention consiste à implanter autour de l’urètre une manchette gonflable, pouvant être activée ou désactivée (pour uriner) par le patient grâce à une pompe. La pompe est située dans une grande lèvre chez la femme, et elle est implantée d’un côté du scrotum chez l’homme. La manchette est reliée à un ballon sous-péritonéal qui sert de réservoir quand la manchette est dégonflée.

→ Ce type d’intervention rétablit la continence de façon durable dans plus de 90 % des cas. Un risque d’érosion urétrale et d’infection du matériel existe dans 5 à 10 % des cas et impose en général le retrait de la prothèse.

Agrandissement vésical

Réservée à certains cas précis, notamment lorsqu’une incontinence par instabilité vésicale menace la fonction rénale, la chirurgie d’agrandissement vésical vise à augmenter la capacité de remplissage de la vessie, en déviant une portion d’iléon.

Sondage urinaire

On utilise le sondage vésical pour traiter les rétentions d’urine et les incontinences par regorgement. Le sondage urinaire consiste en l’introduction aseptique d’une sonde stérile dans la vessie par le méat urinaire, puis l’urètre, afin de vidanger la vessie. L’objectif est de vider correctement la vessie pour éviter les infections urinaires, les pyélonéphrites, les distensions vésicales et l’altération de la fonction rénale.

CONSEILS AUX PATIENTS

Bon nombre de patients vivent leur incontinence comme une fatalité et, par pudeur, n’en parlent pas. En effet, selon une étude portant sur l’évaluation de la prévalence de l’incontinence urinaire chez les femmes, menée en 2007 par l’Inserm en partenariat avec l’AFU et l’université Pierre-et-Marie-Curie, plus de 60 % des femmes présentant une incontinence n’en ont jamais parlé à leur médecin et privilégient le port d’absorbants. Ainsi, dans le cadre d’une relation de confiance nouée avec un patient, il est important d’ouvrir le dialogue (car c’est souvent aux infirmières que les patients osent confier leur problèmes de fuites urinaires) et de savoir prodiguer certains conseils, comme :

→ boire 1,5 à 2 litres d’eau par jour (afin d’éviter une concentration des urines, qui irriterait la vessie), répartis en petites quantités tout au long de la journée. Éviter d’ingérer une grande quantité de liquide d’un seul coup, ce qui pourrait favoriser une distension vésicale. Limiter l’apport hydrique 2 heures avant le coucher ;

→ limiter la consommation de thé, café et d’alcool, qui ont un effet diurétique ;

→ le cas échéant, arrêter la consommation de tabac, qui provoque des troubles bronchiques et une toux, augmentant les pressions abdominales, et qui par ailleurs favorise l’insuffisance sphinctérienne par son action anti-œstrogénique ;

→ lutter contre la constipation, qui est facteur aggravant, par des règles hygiéno-diététiques appropriées : régime alimentaire riche en fibres (légumes verts, crudités, fruits et céréales complètes) et un apport hydrique suffisant en journée ;

→ lutter contre une surcharge pondérale qui est un autre facteur aggravant. De même, pendant une grossesse, éviter une prise de poids excessive ;

→ informer les patientes, notamment aux moments clefs de la vie génitale féminine (grossesse, ménopause), sur les possibilités de rééducation périnéo-sphinctérienne ;

→ faciliter l’accessibilité aux toilettes, savoir conseiller des vêtements faciles à ôter, des aides techniques à la marche, des barres d’appui dans les sanitaires, des réhausseurs de toilettes, voire dans certains cas, un bassin ou une chaise percée ;

→ informer les patients sur les dispositifs médicaux mis à disposition sur le marché. Savoir conseiller à bon escient les absorbants (ne pas mettre en place des protections à titre systématique, ce qui pourrait précipiter une incontinence transitoire en incontinence chronique) et les étuis péniens chez l’homme. Insister auprès de l’entourage sur l’importance du change régulier des absorbants (non seulement par respect de dignité de la personne, mais aussi pour éviter la macération qui favoriserait l’apparition d’escarres) ;

→ encourager les patients à oser aborder le problème de fuites urinaires avec leur médecin (pour établir un diagnostic précis et éventuellement instaurer un traitement le plus précocément possible) et leur pharmacien, professionnel de santé connaissant bien les dispositifs médicaux. Conseiller la tenue d’un calendrier mictionnel (disponible sur le site de l’AFU), qui constitue une base d’informations utiles au médecin, facilitant le diagnostic et, le cas échéant, l’évaluation de l’efficacité des traitements.

En chiffres

→ L’incontinence urinaire concernerait 3 millions de Français avec une nette prédominance dans la population féminine et gériatrique. Mais la prévalence est sous-estimée, car bon nombre de patients incontinents ne consultent pas.

→ La prévalence de l’incontinence urinaire féminine est de 20 à 30 %. Seulement 30 % des femmes souffrant d’incontinence consultent pour ce symptôme.

→ 30 % des accouchements sont responsables d’incontinence, dont 160 000 nécessitent une rééducation par kinésithérapie.

→ L’incontinence masculine survient chez 3 à 5 % des quadragénaires et augmente avec l’âge pour concerner 40 % des hommes après 80 ans.

→ Coût des protections absorbantes : 120 à 300 euros par patient par mois.

Point de vue…
Didier Robert, kinésithérapeute libéral à La Garenne-Colombes (92)

Les hommes aussi sont concernés !

« L’incontinence d’effort ne concerne pas que les femmes. Depuis quelques temps, j’ai de plus en plus de demandes de rééducation périnéo-sphinctérienne masculine, même chez des patients relativement jeunes, en raison du nombre croissant de prostatectomies (pour cancer notamment), qui sont des opérations pouvant léser le sphincter urétral. Quand j’étais étudiant en kinésithérapie, un de mes enseignants nous avait dit : “L’homme est l’avenir de la rééducation sphinctérienne”. Je pense que cette phrase résume bien la situation. »

Incontinence et sexualité

→ Du 19 au 24 mars 2012, dans le cadre de la semaine nationale de la continence, l’Association française d’urologie (AFU) a abordé ce problème tabou, et pourtant loin d’être anecdotique.

→ En effet, 25 à 50 % des femmes présentant une incontinence urinaire se plaindraient aussi de troubles sexuels, et 60 % des femmes incontinentes mentionnent des fuites pendant les rapports. Les hommes ne sont pas épargnés, puisque l’incontinence liée à une chirurgie prostatique ou à une radiothérapie pour cancer de la prostate peut s’accompagner de troubles de l’érection.

Ainsi, selon l’AFU, il est tout à fait important d’être à l’écoute des patients, de promouvoir l’intégration d’un questionnaire sur la vie sexuelle à l’interrogatoire lors du diagnostic et, le cas échéant, de proposer un soutien sexologique aux patients dont la vie de couple est affectée.

Site Internet de l’AFU : www.urofrance.org

Point de vue…
Didier Robert, kinésithérapeute libéral à La Garenne-Colombes (92)

La rééducation sphinctérienne est une aide indispensable

« Dans 90 % des cas, je pratique le biofeed-back, technique la plus efficace sur le plan musculaire. Pratiquée seule, l’électrostimulation n’est pas intéressante, dans la mesure où c’est un courant électrique qui déclenche les contractions. En revanche, cette technique permet aux femmes qui ont un périnée très affaibli de ressentir ce qu’est une contraction, pour tenter ensuite de la reproduire volontairement. Le résultat de la rééducation est aléatoire. Je ne peux pas assurer à une patiente qu’au bout de dix séances, elle aura le résultat escompté. Tout dépend de l’accouchement, s’il a été traumatisant ou non, pour les muscles périnéaux. La rééducation ne relève pas du miracle, mais c’est une aide indispensable qui permet de retonifier un périnée et de prévenir les prolapsus (descentes d’organes). Elle permet aussi de limiter les problèmes de fuites à l’effort car la patiente aura appris à verrouiller son périnée, avant d’éternuer, par exemple. »

Point de vue…
Isabelle Aubertin, formatrice à l’Ifsi de l’Institut hospitalier franco-britannique (92)

L’incontinence urinaire est difficile à accepter

« Les patients se sentent diminués. Certains le manifestent par des propos tels que “je ne sais plus rien faire” ou “je dois porter des couches comme un bébé”. Beaucoup ne disent rien car ils ressentent de la honte à exposer ce problème très intime. Le rôle des soignants est alors extrêmement important. Ce rôle de soutien utilise des techniques de communication adaptées et consiste à rassurer le patient et à l’inciter à solliciter de l’aide. Il s’agit également d’un rôle éducatif et préventif, comme prodiguer des conseils hygiéno-diététiques et vestimentaires. Afin de prévenir l’aggravation de l’incontinence, il est indispensable d’expliquer au patient la nécessité de continuer à aller fréquemment aux toilettes. S’il présente des troubles cognitifs, un tiers doit l’y accompagner régulièrement, si possible à heures fixes. Une Idel peut également inspecter la peau à la recherche d’irritations ou d’escarres. »