L'infirmière Libérale Magazine n° 286 du 01/11/2012

 

Une prévention

Cahier de formation

LE POINT SUR

Les douleurs neuropathiques affectent 25 % des patients douloureux chroniques. À domicile, ces douleurs, difficiles à traiter, sont encore trop souvent sous-estimées par défaut d’un diagnostic adapté. La stratégie thérapeutique repose sur des traitements spécifiques à expliquer au patient, mais aussi à ses proches.

Définition

Selon l’Association internationale pour l’étude de la douleur (IASP), la douleur neuropathique est « une douleur initiée ou causée par une lésion primitive ou un dysfonctionnement du système nerveux »(1). Ces causes peuvent concerner le système nerveux central ou périphérique.

Comment la reconnaître ?

Le diagnostic s’appuie sur l’interrogatoire du patient (voire des proches) et l’examen clinique. Le plus souvent, il existe à la fois une composante de douleurs spontanées continues ou paroxystiques et de douleurs provoquées. Ces dernières peuvent être consécutives à un simple effleurage tactile (comme celui du drap de lit, même très léger). Cliniquement, on retrouve une composante continue (à type de brûlures), une composante fulgurante intermittente (à type de décharges électriques) et des dysesthésies (fourmillements)(2). À l’examen clinique, on peut retrouver des signes d’allodynie dysesthésies : à savoir qu’un stimuli normalement indolore va provoquer une douleur (hypersensibilité). Des signes d’anesthésie douloureuse peuvent également être identifiés : le patient ressent alors la douleur dans une zone pourtant totalement anesthésiée(3). Le questionnaire DN4 constitue un outil d’aide au diagnostic (voir le tableau).

Les principales causes

On retrouve les causes d’origine centrale dans les AVC, les lésions médullaires traumatiques ou encore dans les scléroses en plaques, mais aussi dans des lésions médullaires telles que les tumeurs, les lésions vasculaires(4)

Celles d’origine périphérique peuvent être fréquemment rencontrées au domicile, qu’il s’agisse de neuropathies du diabète, du zona, médicamenteuses ou alcooliques ou encore de radiculopathies, notamment dans les hernies discales ou après une chirurgie du rachis. Dans les pathologies cancéreuses, ces douleurs se retrouvent suite à des envahissements ou des compressions nerveuses, mais aussi dans les neuropathies induites par certaines chimiothérapies. Le cancer est aussi pourvoyeur de douleurs mixtes associant douleurs neuropathiques et nociceptives.

L’évaluation

Elle permet de mesurer la sévérité des douleurs et le retentissement sur la qualité de vie des patients, mais aussi d’instaurer des traitements, de les adapter et de surveiller leurs effets. L’utilisation d’échelle d’autoévaluation (échelle numérique, visuelle analogique ou catégorielle) est préconisée pour évaluer l’intensité globale de la douleur neuropathique(4). Enfin, l’évaluation du retentissement des douleurs neuropathiques sur la qualité de vie et l’état émotionnel est important. À domicile, le questionnaire concis sur les douleurs – évaluant le retentissement sur le sommeil, l’activité générale, les relations sociales, l’humeur, le goût de vivre, la marche et le travail habituel – est un outil intéressant.

Les traitements

→ Le traitement des douleurs neuropathiques ne dépend pas de l’intensité de la douleur(3). Il repose surtout sur les antidépresseurs et les antiépileptiques dont il convient d’expliquer l’indication et l’intérêt au patient/famille.

→ Les antidépresseurs tricycliques, tels que amitriptyline (Laroxyl), clomipramine (Anafranil), imipramine (Tofranil), sont recommandés en première intention pour les douleurs neuropathiques périphériques (diabète, zona…). Leur efficacité a été démontrée sur les composantes continues et paroxystiques de ces douleurs(4). Le traitement est initié à doses faibles (10-25 mg) et augmenté par palier tous les 3-7 jours.

→ Les antidépresseurs inhibiteurs de recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (ISRNA), comme la duloxétine (Cymbalta), trouvent leur indication (en Europe) dans la polyneuropathie douloureuse du diabète. Le traitement est initié à la dose de 30 mg et augmenté à 60 mg/jour au bout de 7 jours(5).

→ Les antiépileptiques sont recommandés en première intention dans la douleur neuropathique périphérique de l’adulte pour la gabapentine (Neurontin) et la prégabaline (Lyrica), cette dernière ayant aussi l’indication pour la douleur neuropathique centrale de l’adulte.

→ En deuxième intention, le Tramadol est recommandé s’il existe des crises douloureuses ou des douleurs inflammatoires associées. La morphine n’est recommandée qu’en cas d’échec des traitements précédents(4).

→ Les emplâtres de Lidocaïne (Versatis) ont prouvé leur efficacité dans la douleur post-zostérienne (zona). Ils sont notamment recommandés chez les sujets âgés en regard de leur innocuité d’utilisation. Ce médicament par voie transcutanée est disponible en pharmacie de ville et le patient peut appliquer jusqu’à 3 emplâtres/24 heures selon l’étendue de la zone douloureuse mais non lésée. L’application ne doit pas dépasser 12 heures/jour, en respectant un intervalle libre de 12 heures.

→ La capsaïcine, traitement récent et réservé à l’usage hospitalier en pommade (Zostrix) ou en patch (Qutenza), semble indiquée, notamment dans la douleur post-zostérienne et la neuropathie douloureuse du VIH. Elle requiert un protocole spécifique de manipulation(3).

Traitements non médicamenteux

Selon une synthèse d’arguments scientifiques relative aux traitements non médicamenteux évalués dans la douleur neuropathique(4), la neurostimulation transcutanée (TENS) est recommandée dans la douleur périphérique localisée, la neurostimulation médullaire l’est dans les lombosciatiques chroniques postopératoires avec radiculalgie prédominante. L’acupuncture peut être proposée dans la douleur post-zostérienne et la thérapie cognitivo-comportementale peut également être proposée dans les douleurs neuropathiques.

(1) Merskey H, Bogduk N. Classification of chronic pain : descriptions of chronic pain syndromes and definitions of pain terms, 2e édition. Seattle : IASP Press, 1994.

(2) Collectif. Pratique du traitement de la douleur. Institut Upsa de la douleur, 2007.

(3) C.Chauffour-Ader, M.-C. Daydé. Comprendre et soulager la douleur. Éd. Lamarre, 2e édition, Paris 2012.

(4) V.Martinez, N. Attal, D. Bouhassira, M. Lantéri-Minete. Les douleurs neuropathiques chroniques : diagnostic, évaluation et traitement en médecine ambulatoire. Recommandations pour la pratique clinique de la SFETD, volume 11. 2010.

(5) N. Attal. Traitement pharmacologique des douleurs neuropathiques : où en est-on en 2012 ? La Lettre n° 36, mai 2012, Institut Upsa de la douleur.

Les effets indésirables à surveiller

→ Pour les antidépresseurs tricycliques qui sont doses-dépendants : sécheresse de la bouche, troubles visuels, sueurs, constipation, rétention urinaire, troubles cardiovasculaires, confusion, troubles cognitifs et risques de chutes liées à l’hypotension orthostatique.

→ Pour les antidépresseurs ISRNA : nausées, vomissements, anorexie, bouche sèche, constipation, inappétence, somnolence. Dans certains cas, il peut y avoir augmentation de la tension artérielle et du taux d’enzymes hépatiques sanguins.

→ Pour les antiépileptiques : asthénie, somnolence, anorexie, nausées, impression de vertiges, sécheresse de bouche, œdèmes périphériques, prise de poids, céphalées.