POLITIQUE DE SANTÉ
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PRÉCARITÉ→ Jusqu’ici, les centres de soins de l’association se concentraient dans les grandes villes de France. Mais Médecins du monde a décidé de s’installer en Auvergne pour mieux analyser les difficultés croissantes d’accès aux soins en zone rurale.
Médecins du monde va bel et bien s’installer à la campagne. Le projet avait été évoqué dès le printemps dernier, mais, pendant plusieurs mois, l’association humanitaire a d’abord souhaité sonder plus profondément le terrain avant de vraiment s’engager en zone rurale. Elle saute aujourd’hui le pas, au vu de son diagnostic : la pauvreté gagne la campagne et les ruraux rencontrent de plus en plus de difficultés pour se faire soigner (lire le dossier p. 26). Bientôt, Médecins du monde (MdM), qui fait aujourd’hui fonctionner 21 centres de soins dans les grandes villes françaises, va donc sillonner le territoire montagneux des Combrailles en Auvergne, retenu pour cette nouvelle expérience.
« On a constaté dans les Combrailles un niveau de précarité assez préoccupant », déclare le Dr Jean-François Corty, directeur des missions France à MdM. « Mais on ne vient pas là en imaginant que l’on va tout résoudre, poursuit-il. L’objectif est surtout de mieux documenter ces nouvelles formes de précarité. » L’association a déjà en partie ciblé les populations qu’elle pourrait être amenée à rencontrer : personnes âgées, familles monoparentales, agriculteurs et jeunes actifs « qui viennent se réfugier à la campagne parce que la ville est devenue trop chère mais qui se retrouvent loin de tout ». Et loin des médecins en particulier… Seulement, pour l’association, la difficulté d’accès aux soins n’est pas seulement à mettre sur le dos de la désertification médicale, même « si elle n’arrange rien », reconnaît Jean-François Corty. « La question est beaucoup plus large et en toile de fond, on trouve le problème du désengagement du service public. »
« Est-ce que l’on voit apparaître une précarité dans les Combrailles ? Clairement, oui », répond un infirmier libéral de Saint-Éloy-les-Mines désireux de garder l’anonymat. « On voit s’installer un retard d’accès aux soins, autant chez les personnes âgées que chez les plus jeunes, pour des raisons matérielles. » L’infirmier a pu constater que des patients renonçaient aujourd’hui à souscrire à une mutuelle, trop onéreuse pour eux. S’ajoute aussi le coût des transports. « Quelqu’un qui a des problèmes pour se payer ses soins a aussi des difficultés pour se transporter », remarque l’infirmier de Saint-Éloy.
« Il y a des infirmiers libéraux qui se déplacent dans les Combrailles, mais des médecins, c’est moins courant », remarque Grégory Lépée, responsable du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux du Puy-de-Dôme (63). Il en appelle d’ailleurs à « une collaboration plus efficiente » avec les médecins. « Nous sommes en capacité de faire des renouvellements d’ordonnances, poursuit l’infirmier, installé à Clermont-Ferrand. Nous pouvons aussi faire des consultations de premier recours et communiquer ensuite avec le médecin. »
MdM ne compte pas remplacer les médecins des Combrailles en tout cas. L’association réalisera des soins seulement s’il y a urgence. Sinon, elle renverra vers les professionnels de la région. MdM veut surtout mener l’enquête : « Pourquoi certaines personnes ont-elles des difficultés à accéder aux soins ? » MdM aura un local fixe où seront adressés les patients, mais pourra aussi se déplacer à la rencontre des habitants sédentaires. L’équipe de MdM en cours de constitution sera composée d’un coordinateur et d’un travailleur social, probablement salariés, et de médecins et d’infirmiers bénévoles. Les consultations doivent débuter en 2013. Au bout d’un an, MdM rendra ses premières analyses. En 2013, une démarche similaire devrait être engagée en Alsace.