Cahier de formation
Savoir faire
Madame J., 66 ans, en intercure de chimiothérapie, est dénutrie. Elle n’aime pas le goût de ses compléments nutritionnels oraux qui lui donnent mal au cœur.
Demandez-lui, dans le cas d’une boisson lactée, si elle a essayé de la boire très froide ou de la mélanger à un chocolat chaud par exemple. Si le complément ne “passe” toujours pas, dites-lui que vous demanderez à son pharmacien de lui proposer d’autres saveurs ou d’autres présentations, de façon à conserver une supplémentation suffisante. Rassurez-la, car il existe de nombreux produits et vous trouverez ceux qui lui plairont et elle pourra ainsi passer de l’un à l’autre pour varier les saveurs.
Ce sont des mélanges nutritifs prêts à l’emploi, utilisés par voie orale, en complément de l’alimentation orale habituelle. Leur composition permet un apport de densité élevée sans nécessiter de préparation culinaire. Ils appartiennent au groupe des Aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales (ADDFMS). Le Cétornan est le seul produit avec un statut de médicament.
La priorité absolue de la prise en charge de la dénutrition est de privilégier la voie orale, d’abord en optimisant et en adaptant l’alimentation orale spontanée, puis en instituant une complémentation nutritionnelle orale (CNO) avant d’envisager le recours à la nutrition artificielle à domicile.
Les CNO ont pour fonction de maintenir ou de restaurer le bon état nutritionnel des patients.
Ils font partie du traitement médical et devraient être proposés précocement chaque fois que l’alimentation orale d’un patient dénutri est évaluée comme insuffisante. La complémentation nutritionnelle orale, comme son nom l’indique, ne doit pas se substituer à l’alimentation normale, qui doit être maintenue et favorisée.
Ils sont indiqués lorsque les apports alimentaires couvrent moins des deux tiers des besoins nutritionnels, alors que le tube digestif est fonctionnel et les possibilités de déglutition satisfaisantes.
Exemples : troubles de la déglutition, chirurgie ORL ou dentaire, problèmes sociaux, augmentation des besoins protéino-énergétiques (en post- ou préopératoire, infections sévères), anorexie chez les personnes âgées en cas d’hospitalisation, etc.
Les CNO sont contre-indiqués en cas de fausses routes ou vomissements répétitifs, troubles de la conscience, occlusions intestinales, diarrhées sévères, fistules digestives ou pancréatite aiguë.
Elle vise un objectif nutritionnel individuel, elle doit donc être précise. La complémentation doit apporter au minimum 30 g de protéines ou 400 kcal par jour, et au maximum 80 g de protéines ou 1 000 kcal par jour. En général, le médecin prescrit 2 à 3 prises par jour réparties sur la journée.
Elle est, comme pour la nutrition entérale, basée sur le contenu protéique des compléments nutritionnels oraux, qui constitue l’élément essentiel du support nutritionnel. Les apports totaux sont fonction du niveau qualitatif et quantitatif de l’alimentation orale spontanée. Les exigences nutritionnelles ne sont pas aussi strictes que pour la nutrition entérale qui peut être exclusive.
Ils apportent protéines, glucides, lipides, vitamines, électrolytes et oligoéléments.
Ils sont hypercaloriques (HC) quand ils fournissent au moins 1,5 kcal/ml, et/ou hyperprotidiques (HP) quand ils apportent plus de 7 g de protéines par 100 ml ou 100 g.
→ Protéines entières animales ou végétales. Teneur : entre 4,5 g et 7 g/100 ml (ou 100 g).
→ Énergie : 1,5 kcal/ml (ou g).
Protéines entières animales ou végétales. Teneur supérieure ou égale à 7 g/100 ml ou 100 g.
Avec deux sous-classes :
→ les normoénergétiques : valeur énergétique comprise entre 1 et 1,5 kcal/ml (ou g) ;
→ les hyperénergétiques : valeur énergétique supérieure ou égale à 1,5 kcal/ml (ou g).
Remarque : les produits normoprotidiques et normoénergétiques de composition normale ne répondent pas à des besoins nutritionnels spécifiques et ne relèvent donc pas du remboursement.
Ces mélanges sont dépourvus de lipides ou très pauvres en lipides. À base de fruits, de légumes ou d’arômes de fruits ou de légumes, ils incluent les jus de fruits/légumes, compotes et gelées.
→ Protéines : entières animales ou végétales.Teneur : supérieure à 3,75 g/100 ml (ou g).
→ Énergie : valeur énergétique supérieure ou égale à 1,35 kcal/ml (ou g).
Ces produits sont très utilisés en gériatrie en raison de leur palatabilité (caractéristiques d’un aliment qui procurent une sensation agréable lors de sa consommation) et de leur acceptabilité par les patients. En cas d’échec (fréquent) d’optimisation de l’alimentation orale, ces jus constituent la seule possibilité pratique pour assurer un apport protéino-énergétique satisfaisant aux malades, notamment aux patients intolérants aux produits lactés.
Destinés à l’enrichissement de l’alimentation, ils contiennent des protéines seules, glucides seuls ou lipides seuls.
Le choix des produits se fait surtout en fonction de leur composition adaptée aux besoins qu’ils sont censés pallier.
La gamme étendue de textures (boissons lactées, fruitées, barres, compotes, crèmes, mixés…) permet de varier les apports et de s’adapter aux capacités de déglutition et à la dextérité du malade. Les nombreux arômes disponibles (sucré, salé, neutre…) respectent les préférences gustatives, condition primordiale pour une bonne observance.
Il existe un prix limite de vente pour chaque catégorie de produits, donc le pharmacien ou le prestataire ne doit pas faire payer de supplément aux patients.
La prise en charge est assurée chez les patients dénutris ou à risque de dénutrition dont la fonction intestinale est normale et qui sont dénutris selon les critères de dénutrition qui suivent.
→ Perte de poids supérieure ou égale à 5 % en 1 mois ou supérieure ou égale à 10 % en 6 mois.
→ Ou IMC inférieur ou égal à 18,5 (hors maigreur constitutionnelle).
→ Perte de poids supérieure ou égale à 5 % en 1 mois ou supérieure ou égale à 10 % en 6 mois.
→ Ou IMC inférieur ou égal à 21.
→ Ou Mini Nutritional Assessment (MNA) inférieur ou égal à 17.
→ Ou albuminémie inférieur à 35 g/l.
→ La prescription peut se faire par tout médecin (pas encore de prescription infirmière).
→ Première prescription pour un mois maximum avec réévaluation de l’observance recommandée après 2 semaines de traitement.
→ Renouvellements pour 3 mois maximum, après une réévaluation du poids, de l’état nutritionnel, de l’évolution de la pathologie, du niveau des apports spontanés par voie orale, de la tolérance et l’observance de la CNO.
Il faut présenter les CNO comme des médicaments et en expliquer la posologie, les objectifs médicaux et les bénéfices concrets pour le patient : lutter contre la maladie en favorisant la synthèse des anticorps, accélérer une cicatrisation, prévenir les chutes en acquérant davantage de muscle, récupérer une meilleure humeur, etc.
→ À prendre en plus et non à la place des repas, au moins 1 heure et demie avant ou après un repas pour ne pas couper l’appétit.
→ La consommation d’énergie et de macronutriments est plus élevée si le complément est proposé à distance du repas.
→ La satiété est plus prolongée s’il est riche en protéines et en graisses.
→ Une fois ouvert, le CNO se conserve 2 heures à température ambiante, 24 heures au réfrigérateur.
→ Alterner selon le goût du patient, sucré et salé, soupe en hiver, boissons fraîches en été, barres ou crèmes, yaourts liquides, compotes en collation…
→ Un produit de goût neutre peut être aromatisé avec des sirops de fruit, du caramel, du chocolat en poudre. Les formes crème, mises au congélateur, deviennent des glaces.
→ Adapter aux handicaps. En cas de troubles de la déglutition, il est possible d’épaissir les textures avec une poudre épaississante d’amidon de maïs ou de pomme de terre : Thick & Easy (Fresenius Kabi), Clinutren Instant Thickener (produit non remboursé), etc. « Un patient parkinsonien appréciera d’être autonome et de manger avec une paille, alors que d’autres patients préfèreront manger une crème à la cuillère », fait remarquer Caroline Rio, diététicienne.
→ Utiliser une paille pour les patients alités.
Comme pour n’importe quel traitement médicamenteux, surveillez le nombre d’unités consommées et le maintien d’une alimentation classique. Si la prise des CNO devient un problème pour le patient (lassitude, mauvais goût, etc.), alertez le médecin ou le pharmacien pour essayer d’autres produits ou une autre marque.
• Le médecin a prescrit deux compléments par jour, puis-je les prendre en même temps ?
Il est préférable de les répartir sur la journée pour répondre au mieux aux besoins nutritionnels.
• Les CNO contiennent des vitamines, faut-il éviter d’en prendre après 17 heures ?
Non, la composition en vitamines n’influence pas la qualité de sommeil. Au contraire, il est préférable de les consommer avant le coucher pour diminuer la période de jeûne nocturne.
• Puis-je chauffer les compléments ?
Oui, certains produits lactés au chocolat, café ou cappuccino, et les soupes, peuvent être tiédis au bain-marie ou au micro-ondes, sans toutefois dépasser les 50°C.
Caroline Rio, diététicienne, formatrice en gériatrie
« Pour les produits lactés, il faut tenir compte de la symbolique alimentaire. Pour la génération des personnes âgées, le lait et les laitages sont associés à la croissance et à l’enfance. C’est pour cette raison que certains refusent le fromage blanc (les hommes surtout) mais préfèrent les entremets ou les crèmes. La crème hyperprotidique aura plus de succès que la brique avec une paille qui ressemble à une brique de lait, car cela pourrait être ressenti comme régressif. »