Cahier de formation
LE POINT SUR
La généralisation du dispositif “tiers payant contre génériques” ne va pas sans raviver les polémiques. Professionnels de santé et patients expriment de plus belle leurs réticences, notamment sur la bioéquivalence des génériques. Mais de quoi parle-t-on ?
Selon l’article L. 5121-1 du Code de la Santé publique, on entend par médicament générique « une spécialité qui a la même composition qualitative et quantitative en principes actifs, la même forme pharmaceutique et dont la bioéquivalence avec la spécialité de référence est démontrée par des études de biodisponibilité appropriées ». La bioéquivalence des génériques par rapport au princeps est le postulat incontournable à leur commercialisation. Car, si le générique bénéficie d’une Autorisation de mise sur le marché allégée, elle n’est délivrée par les autorités de santé que si leur bioéquivalence est démontrée par des études appropriées.
Deux médicaments sont bioéquivalents si, après administration, le principe actif (PA) arrive au site d’action à la même concentration et à la même vitesse. Être “bioéquivalent” signifie donc avoir une biodisponibilité identique.
Sauf autogénériques (fabriqués par la même firme que le princeps de façon identique), le générique n’est pas obligatoirement une copie exacte du princeps. Les différences qui peuvent exister concernent les modes de fabrication, l’enrobage, la forme (les différentes formes orales à libération immédiate comme les comprimés ou gélules sont considérées comme une même forme pharmaceutique), les excipients, les sels ou isomères du PA (formes considérées comme ayant les mêmes qualités), etc. Ces différences ne sont cependant acceptées que si elles n’ont pas d’impact sur la bioéquivalence des produits, d’où la nécessité de le prouver par des études.
Les effets, bénéfiques ou indésirables, d’un médicament sont mieux corrélés à la biodisponibilité du PA qu’à la dose administrée. En effet, administrer une même quantité de PA ne suffit pas pour affirmer que la quantité disponible sera identique après passage des barrières organiques. En revanche, si deux médicaments mettent à disposition dans la circulation générale la même quantité de PA à la même vitesse, difficile de nier qu’ils auront les mêmes effets. Cette notion est aujourd’hui acceptée par L’Agence européenne du médicament (EMA), pour qui deux produits bioéquivalents sont « à un tel point similaire que leurs effets, tant du point de vue de leur efficacité que de leur sécurité, sont essentiellement les mêmes ».
Évaluer la bioéquivalence de deux produits revient à comparer leur biodisponibilité lors d’études réalisées après administration aléatoire d’une dose unique de l’un ou l’autre des produits à des sujets sains (12 à une centaine selon le produit). La mesure régulière des concentrations de PA dans les liquides biologiques (sang, urine…) permet de tracer une courbe d’action d’où sont tirés trois indicateurs : la concentration plasmatique maximale atteinte (Cmax), le temps pour y parvenir (Tmax) et la fraction de la dose administrée qui atteint la circulation générale. Deux médicaments sont reconnus bioéquivalents si leurs courbes d’action sont comparables.
Les normes internationales établies pour ces études ne sont pas propres aux génériques. Elles sont ainsi utilisées lors du développement d’un princeps, pour comparer la bioéquivalence des lots destinés à la commercialisation par rapport aux lots des essais cliniques.
Les courbes d’action de deux médicaments bioéquivalents ne sont pas obligatoirement superposables, mais les valeurs ne doivent pas différer de plus de 20 % : ce sont les écarts de tolérance ou “intervalles de confiance”, fixés au niveau international pour l’ensemble des médicaments. Ils correspondent à la variabilité intrinsèque : un PA n’est pas absorbé de la même façon si on administre un même comprimé à une même personne (et a fortiori chez deux personnes différentes) à des heures différentes, après ou avant un repas, associé ou non à un autre produit… car l’organisme n’est pas une machinerie exacte.
Un consensus international admet qu’à l’intérieur de ces bornes d’acceptabilité, les effets thérapeutiques bénéfiques et indésirables ne sont pas cliniquement et significativement modifiés pour la grande majorité des médicaments. Un générique pour lequel la bioéquivalence a été démontrée peut donc statistiquement avoir un effet moindre ou supérieur que le princeps, mais cette différence d’effet est calculée pour qu’elle n’impacte pas l’efficacité globale du médicament.
Les réticences concernant la biodisponibilité sont surtout liées aux médicaments à “faible marge thérapeutique”, pour lesquels la dose thérapeutique est proche de la dose toxique et/ou pour lesquels une variation même minime des concentrations sanguines est susceptible de modifier l’activité. Sont concernés des traitements chroniques, particulièrement les antiépileptiques, les hormones thyroïdiennes, les immunosuppresseurs, les antiarythmiques… Pour ces produits, les écarts de biodisponibilité tolérés ont donc été réduits au niveau international.
Les craintes sont celles d’une perturbation de l’équilibre thérapeutique liée à cette possible variation des concentrations sanguines. Ces craintes sont souvent résumées à celle d’une activité thérapeutique moindre des génériques, à tort. En fait, les variations de concentration pouvant être considérées dans un sens comme dans l’autre, elles concernent la substitution du princeps au générique, mais également du générique au princeps ou d’un générique à un autre générique.
Le dispositif “tiers payant contre génériques”, généralisé depuis le 20 juin 2012, réserve le tiers payant aux seuls assurés acceptant la substitution, ou pour les prescriptions comportant la mention manuscrite “non substituable” en toutes lettres en face de chaque médicament concerné. Il vise tous les génériques, sauf ceux ayant fait l’objet de recommandations de l’ANSM (antiépileptiques, lévothyroxine et fentanyl), et plus récemment le mycophénolate mofétil (CellCept).
Février 2012 : le rapport de L’Académie de médecine “Place du générique dans la prescription” remet en cause « l’équivalence thérapeutique des formes orales à libération immédiate », entre autres.
Avril 2012 : le Gemme, association de laboratoires de médicaments génériques, répond point par point au rapport
Septembre 2012 :
→ l’association de patients Renaloo obtient que le mycophénolate mofétil (CellCept) soit exclu du tiers payant contre génériques ;
→ le Ciss (Collectif interassociatif sur la santé) remet en cause la bioéquivalence des génériques dans une lettre ouverte à Marisol Touraine.
* En ligne sur www.medicamentsgeneriques.info