Oser l’hypnose contre la douleur - L'Infirmière Libérale Magazine n° 288 du 01/01/2013 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Libérale Magazine n° 288 du 01/01/2013

 

LOIR-ET-CHER (41)

Initiatives

Pascal Margueritat partage sa vie entre deux villes et deux activités, infirmier libéral à Mer et hypnopraticien à Blois. Des métiers qui ne sont pas sans lien entre eux, l’un pouvant être au service de l’autre, notamment lors de soins douleureux.

La tonalité de la voix change, le rythme et la diction des phrases également : Pascal est au début d’une séance d’hypnose. « Votre esprit conscient est profondément endormi, alors que votre inconscient est, lui, parfaitement éveillé », explique-t-il à une patiente sous hypnose qui vient le consulter pour arrêter de fumer. Cela fait deux ans que Pascal a ouvert son cabinet d’hypnose à Blois. Si le début de sa pratique date d’il y a quatre ans, son intérêt pour cette discipline est bien plus ancien. « Quand j’avais 12 ans, j’ai vu une émission du CNRS où l’on voyait un hypnopraticien réussir à faire croire à une personne que la pièce qu’elle avait sur son avant-bras était brûlante, et une cloque est apparue. Cela m’a fasciné. » Depuis, son envie de pratiquer l’hypnose ne l’a jamais quitté.

Une vocation sur le tard

Pascal n’est pas devenu infirmier par vocation. Il obtient son baccalauréat G (comptabilité) en juin 1987 et doit partir en août pour son service militaire. Sa mère, aide-soignante à l’hôpital de Blois, lui trouve un travail d’agent hospitalier de nuit dans une maison de retraite pour le mois de juillet. « J’étais content de ce que je faisais », souligne-t-il. En rentrant de l’armée, sachant que l’hôpital de Blois recherche toujours des agents hospitaliers, il retourne y travailler. Après deux ans en contractuel, Pascal est finalement titularisé. Il en profite pour tenter le concours de l’Ifsi de Blois : « Être au contact des infirmiers dans le cadre de mon métier ainsi que mon ambition d’évoluer m’ont donné l’envie de devenir infirmier. Ce n’était pas une vocation, mais ça l’est devenu avec la pratique. » À son grand étonnement, il arrive septième au concours, ce qui lui donne l’opportunité d’avoir sa formation payée par l’hôpital tout en continuant à percevoir son salaire d’agent hospitalier pendant ses études. « En échange, j’ai signé un contrat de cinq ans avec l’hôpital de Blois. »

Pendant ses études en soins infirmiers, Pascal fait un stage à la maternité de Blois et, lors d’un cours de préparation à l’accouchement, il découvre l’haptonomie – un dérivé de l’hypnose ? qui est une technique de détente et de relaxation. « Je me suis alors intéressé à la sophrologie, notamment parce que j’avais toujours dans un coin de ma tête un intérêt pour l’hypnose. » Mais, à cette époque, toutes les écoles d’hypnose sont réservées aux médecins ou au spectacle. « Encore à l’heure actuelle, le diplôme universitaire est strictement réservé aux médecins, ce que je ne cautionne pas du tout. » L’infirmier, qui travaille aux urgences et au service de réanimation de l’hôpital de Blois, parvient à se faire financer une formation en sophrologie pendant un an, en 1994. Puis, alors qu’il pensait suivre toute sa carrière à l’hôpital, il commence à être affecté par les lourdeurs administratives de l’établissement. Il souhaite prendre davantage d’initiatives et tente de devenir infirmier anesthésiste sans y parvenir. C’est à cette époque qu’il décide de se lancer en libéral, « également parce que je souhaitais avoir plus de temps pour me consacrer à la sophrologie ». Il s’oriente vers cette pratique sans vraiment la connaître : « J’avais juste un ami infirmier libéral qui m’en avait parlé. » Il prend donc un an de disponibilité à l’hôpital et, après un mois de remplacement, il devient associé dans un cabinet en janvier 2001 à Mer.

Travailler en libéral

Aujourd’hui, Pascal travaille en libéral avec une autre infirmière ainsi qu’un infirmier remplaçant qui vient deux fois par semaine au cabinet. Ils prennent en charge en moyenne une cinquantaine de patients par jour. « Nous avons organisé nos plannings en fonction de nos obligations personnelles respectives, explique Pascal. Cela me permet d’avoir le lundi et le jeudi pour me consacrer à mon cabinet d’hypnose. »

Car Pascal a en effet sauté le pas et suivi en 2007 une formation à l’hypnose, dispensée sur neuf week-ends, après avoir vu un reportage sur l’École centrale d’hypnose à Paris. « J’ai toujours été curieux par rapport à cette pratique. Je voulais savoir comment cela marche. Mais j’ai vraiment voulu distinguer mon activité d’infirmier de celle d’hypnopraticien, c’est pourquoi j’ai ouvert un autre cabinet uniquement pour l’hypnose à Blois, au Centre Aku des thérapies naturelles, situé dans l’ancienne caserne de pompier où travaillait mon père. » L’infirmier, qui a également un numéro de téléphone dédié à son activité, se défend de faire du prosélytisme : « Je ne recrute pas ma patientèle pour l’hypnose auprès de mes patients du cabinet infirmier. »

Une aide au soins

Néanmoins, cela ne l’empêche pas de recourir à l’hypnose pendant les soins. Pas plus tard que ce matin, il a hypnotisé un jeune patient pour lui dispenser un soin particulièrement douloureux aux testicules. Ainsi, lorsque l’infirmier et son associée savent qu’ils vont effectuer des soins éprouvants pour un patient, ils font en sorte qu’il soit pris en charge par Pascal afin de le rassurer et de lui offrir la possibilité de davantage de confort. « Le décret infirmier de 1993 indique que les infirmiers ont pour rôle de prévenir et évaluer la souffrance et la détresse des personnes et de participer à leur soulagement, précise Pascal. C’est dans notre rôle propre d’utiliser des moyens pour soulager la douleur. Cependant, je ne parle jamais d’hypnose à mes patients, mais de relaxation, car l’hypnose fait peur. »

Agir sur les croyances

« Avec l’hypnose, on ne peut pas faire faire à un patient ce qu’il ne souhaite pas faire, répète Pascal. Je joue avec les croyances des patients, mais les valeurs de chacun ont de l’importance. » L’objectif de l’hypnose est de parvenir à persuader les patients qu’ils sont capables de. « Le plus difficile est de se convaincre qu’on va dire quelque chose au patient et que cela va marcher. Il ne faut pas penser que cela va fonctionner, il faut en être convaincu. » Une séance se déroule en trois étapes. Tout d’abord, l’anamnèse, qui est la préparation à l’hypnose : c’est une étape de dix minutes au cours de laquelle Pascal apprend à connaître son patient et où il lui explique en quoi consiste l’hypnose. « C’est à ce moment-là que le patient doit tout de suite avoir confiance en moi, d’où l’importance du charisme et de l’autorité de l’hypnopraticien. C’est indispensable pour qu’une séance fonctionne. » Puis se déroule la séance d’hypnose à proprement parler, et enfin la discussion après la séance. Les raisons de consultation sont variées : addictions et troubles du comportement alimentaire, dépression, anxiété, stress, manque de confiance en soi, phobies, troubles du sommeil, troubles digestifs, cutanés ou de la sexualité, douleurs chroniques ou aiguës, optimisation des performances sportives, scolaires et intellectuelles. « Je suis venue consulter Pascal pour arrêter de fumer, raconte une patiente. J’en suis à ma deuxième séance, et je ne ressens déjà plus l’envie de fumer, j’en suis même dégoutée. » Cette même patiente a amené son fils voir l’hypnopraticien car il était très stressé : « La séance lui a permis d’avoir davantage confiance en lui. » Pascal, qui se forme constamment à cette discipline, est parvenu à se faire connaître par le bouche-à-oreille et a aujourd’hui une patientèle de 45 personnes par mois. Mais il ne prévoit pas pour autant d’arrêter son activité d’infirmier, car « je n’ai pas fait de l’hypnose dans ce but. J’aime mes deux métiers et je me suis organisé pour pouvoir tout concilier ».

La formation à l’hypnose en France

L’hypnose est une pratique qui n’est pas reconnue par l’État en France. Il existe cependant un diplôme universitaire (DU) d’hypnose médicale créé en 2001 qui a permis le retour de l’hypnose dans un cursus officiel de la médecine. Mais cette formation est réservée aux médecins, chirurgiens-dentistes et étudiants de ces disciplines en fin d’études.

Les infirmiers doivent donc passer par des formations privées qui ne sont pas agréées par l’État. Ces formations de plusieurs jours à plusieurs semaines apprennent l’art de mener une séance d’hypnose, les concepts pour bien communiquer avec les patient, les tests hypnotiques, la préparation du patient à l’hypnose, la progression et l’approfondissement durant la séance, les suggestions verbales, non verbales. La Confédération francophone d’hypnose et de thérapies brèves* dresse une liste des organismes qu’elle agrée.

* Site Internet : www.cfhtb.org