Pharmacologie
Cahier de formation
LE POINT SUR
Si leur consommation en France a diminué depuis dix ans, elle reste supérieure à celle des autres pays européens. Maîtriser la pharmacologie des antibiotiques permet de mieux accompagner les patients et lutter contre l’émergence de résistances acquises.
→ Les antibiotiques sont des substances capables de tuer (effet bactéricide) ou d’inhiber le développement des bactéries (effet bactériostatique). Ils sont inactifs sur les virus. Les bêta-lactamines (céphalosporines et pénicillines), les fluoroquinolones et les aminosides sont considérés comme bactéricides. Les macrolides et leurs apparentés, les cyclines et le cotrimoxazole sont considérés comme bactériostatiques.
→ Les antibiotiques se différencient par leur niveau d’action sur les bactéries. Les bêta-lactamines agissent sur la paroi. Les fluoroquinolones et les sulfamides agissent sur l’ADN bactérien. Les macrolides, les aminosides et les cyclines agissent sur les ribosomes et empêchent la synthèse des protéines bactériennes.
→ L’antibiothérapie doit tenir compte de certains critères comme :
– le diagnostic clinique de l’infection, et éventuellement l’identification bactériologique du germe causal, suivie d’un antibiogramme ;
– les caractéristiques pharmacocinétiques de l’antibiotique qui conditionnent la voie d’administration, et peuvent justifier des adaptations posologiques chez les insuffisants rénaux.
→ La durée du traitement dépend de l’infection traitée. Il est nécessaire de respecter les posologies et de bien conduire le traitement à terme (même si le patient se sent mieux), pour éviter non seulement les rechutes, mais également l’émergence de résistances.
Les aminosides provenant – ou copiés à partir – des souches d’Actinomyces ont une DCI se terminant en -micine (gentamicine pour Gentalline, netilmicine pour Nétromicine), ceux provenant de Streptomyces ont une DCI en -mycine, (streptomycine, tobramycine pour Nebcine) et ne doivent pas être confondus avec des macrolides.
Les aminosides sont utilisés dans le traitement d’infections urinaires sévères, de septicémies ou d’endocardites. Ils peuvent être utilisés en association avec les bêta-lactamines qui facilitent leur pénétration dans les bactéries. Leur biodisponibilité per os est très faible, justifiant une administration injectable, ou locale.
→ Néphrotoxicité pouvant mener à une insuffisance rénale aiguë.
→ Ototoxicité avec atteinte vestibulaire (vertiges, troubles de l’équilibre) réversible, précédant une atteinte cochléaire irréversible et provoquant une baisse de l’audition dans les fréquences aiguës, faisant déconseiller leur utilisation pendant la grossesse (risque d’ototoxicité fœtale).
→ Atteintes motrices par effet curarisant.
→ Antécédent d’allergie aux aminosides.
→ Myasthénie.
Le risque d’effets indésirables est majoré par l’association à d’autres néphrotoxiques ou ototoxiques (amphotéricine?B intraveineuse, ciclosporine, cis-platine) et aux diurétiques.
Les céphalosporines sont identifiées par le préfixe cef- de leur DCI. On distingue trois générations de céphalosporines : les C1G comme céfaclor (Alfatil), céfadroxil (Oracéfal) ou céfalexine (Kéforal) ; les C2G comme céfuroxime (Zinnat) ; les C3G comme céfixime (Oroken), céfotiam (Taketiam), cefpodoxime (Orelox) ou ceftriaxone (Rocéphine).
Les C1G ont un spectre étroit limité aux cocci et à certains bacilles Gram-. Les C2G et C3G ont une meilleure efficacité sur les entérobactéries. Elles sont utilisées pour traiter des infections ORL, broncho-pulmonaires ou urinaires.
→ Manifestations allergiques du fait de leur structure chimique bêta-lactamine : urticaire, œdème de Quincke, choc anaphylactique.
→ Syndromes d’hypersensibilité cutanée (type Lyell ou Stevens-Johnson).
→ Troubles gastro-intestinaux (nausées, diarrhées, voire colite pseudo-membraneuse).
→ Troubles de l’hémostase.
Antécédent d’allergie aux bêta-lactamines. En cas d’allergie bénigne à la pénicilline, les C2G et C3G peuvent toutefois être utilisées.
Reconnaissables par leur DCI en -cycline, il s’agit par exemple de doxycycline pour Doxy, Tolexine et Vibramycine, tétracycline pour Tétralysal, minocycline pour Mestacine…
Les cyclines se concentrent facilement dans les milieux intracellulaires et constituent le traitement de choix de pathogènes intracellulaires comme Chlamydia, Legionelle ou Mycoplasme. Elles sont indiquées dans le traitement d’infections uro-génitales, ORL, pulmonaires ou dermatologiques, comme l’acné. La doxycycline est également indiquée dans la chimioprophylaxie du paludisme.
→ Photosensibilisation.
→ Dépôts dentaires qui fragilisent l’émail et peuvent provoquer une modification de la couleur des dents chez l’enfant.
→ Œsophagite sous doxycycline, favorisée par une prise en position couchée.
→ Allergie aux cyclines.
→ Enfant de moins de 8 ans.
→ 2e et 3e trimestre de grossesse.
→ L’association cyclines/rétinoïdes (utilisés également dans l’acné) est contre-indiquée (risque d’hypertension intra-crânienne).
→ Les sels de fer et de calcium diminuent l’absorption intestinale des cyclines (respecter un intervalle de deux heures entre les deux administrations).
Les fluoroquinolones comme lomefloxacine pour Logiflox, norfloxacine pour Noroxine, ofloxacine pour Oflocet, péfloxacine pour Péflacine, lévofloxacine pour Tavanic, etc., sont identifiées par le suffixe -oxacine de leur DCI.
Les fluoroquinolones sont utilisées pour traiter les infections urinaires basses et hautes, ORL, ostéo-articulaires et bronchiques (notamment à Pseudomonas aeruginosa en cas de mucoviscidose).
→ Photosensibilisation.
→ Atteintes articulaires et tendineuses (voire rupture du tendon d’Achille), imposant l’arrêt du traitement.
→ Troubles psychiatriques (en particulier chez les patients âgés), à type de confusion, hallucination, agitation, et plus rarement d’idées suicidaires.
→ Abaissement du seuil épileptogène.
→ La moxifloxacine (Izilox) et la ciprofloxacine (Ciflox) peuvent allonger l’intervalle QT sur l’ECG, avec un risque d’arythmie.
→ Enfants en période de croissance (hormis le cas des surinfections à Pseudomonas aeruginosa chez l’enfant atteint de mucoviscidose).
→ Allaitement.
→ Antécédent de tendinopathie sous fluoroquinolones.
→ Les fluoroquinolones interagissent avec les sels de fer ou de calcium qui diminuent leur absorption digestive (respecter un intervalle de deux heures entre les administrations).
→ L’énoxacine (Enoxor) est contre-indiquée avec la théophylline et déconseillée avec la caféine (risque de surdosage en théophylline ou caféine).
Les macrolides (roxithromycine pour Claramid et Rulid, josamycine pour Josacine, midécamycine pour Mosil…) sont reconnaissables par leur DCI se terminant en -mycine. Leurs apparentés sont représentés par les lincosamides (lincomycine), les kétolides (télithromycine) et les synergistines (pristinamycine).
Les macrolides sont essentiellement actifs sur les streptocoques. Ils sont utilisés dans le traitement d’infections ORL, respiratoires, cutanées et génitales. La clarithromycine (Naxy, Zeclar) est indiquée dans l’éradication d’Helicobacter pylori.
→ Hormis de fréquents troubles digestifs et un risque d’atteintes hépatiques réversibles, les macrolides font partie des antibiotiques les mieux tolérés.
→ Toutefois, l’érythromycine intraveineuse et l’azithromycine (Zithromax) peuvent allonger l’espace QT et la télithromycine (Ketek) peut provoquer des vertiges et des étourdissements ainsi que des troubles visuels, justifiant son administration le soir au coucher.
→ Antécédent d’allergie aux macrolides.
→ Allaitement pour les apparentés. Autres macrolides : l’allaitement est contre-indiqué si le nourrisson est traité par cisapride (risque de troubles du rythme cardiaque graves).
À l’exception de la spiramycine (Rovamycine), les macrolides diminuent le métabolisme de nombreux médicaments (dérivés ergotés, statines et colchicine entre autres), dont l’efficacité et les effets indésirables sont majorés.
→ Les pénicillines du groupe G (benzylpénicilline comme Extencilline) et V (phénoxyméthylpénicilline comme Oracilline) sont utilisées dans les infections à streptocoques (érysipèle, rechutes de rhumatisme articulaire aigu, scarlatine). Les pénicillines du groupe M (oxacilline, cloxacilline) sont utilisées dans les infections ostéo-articulaires, pulmonaires et rénales à staphylocoques. Les pénicillines du groupe A (amoxicilline comme Clamoxyl) ont un spectre élargi à certains bacilles Gram- et sont utilisées dans les infections ORL, broncho-pulmonaires et uro-génitales.
→ Certaines bactéries synthétisent des bêta-lactamases, enzymes détruisant les bêta-lactamines. L’adjonction d’acide clavulanique (inhibiteur de bêta-lactamases) à l’amoxicilline permet d’augmenter son efficacité.
Du fait de leur radical chimique bêta-lactamine, les pénicillines présentent le même profil d’effets indésirables que les céphalosporines. Les effets digestifs sont toutefois plus fréquents lorsque l’amoxicilline est associée à l’acide clavulanique et le risque de réactions cutanées est accru si le patient est traité par allopurinol (Zyloric), ou en cas de mononucléose infectieuse.
Antécédent d’allergie aux bêta-lactamines.
Les pénicillines majorent la toxicité hématologique du méthotrexate par diminution de son élimination urinaire (association déconseillée).
Les sulfamides sont identifiés par le préfixe sulfa- de leur DCI, à l’exemple du Bactrim (association de sulfaméthoxazole et de triméthoprime, le cotrimoxazole).
Les sulfamides sont des antibiotiques à large spectre, actifs également sur certains parasites. Mais ils connaissent de nombreuses résistances, limitant leur utilisation. Ils sont indiqués, entre autres, dans le traitement d’otites, d’infections respiratoires, urinaires basses et hautes, et celui de la pneumocystose.
→ Troubles digestifs : nausées, vomissements, diarrhées.
→ Manifestations cutanées : photosensibilisation, rash cutané, syndrome de Lyell ou de Stevens-Johnson. Le risque d’allergie est croisé avec les sulfamides hypoglycémiants.
→ Hématotoxicité : leuconeutropénie et thrombopénie.
→ Atteintes rénales nécessitant une bonne hydratation pendant le traitement.
→ Hypersensibilité aux sulfamides.
→ Prématurés et nouveau-nés.
→ Allaitement (nourrisson âgé de moins d’un mois) : risque de carence en acide folique chez le nouveau-né.
→ Les sulfamides sont des médicaments à forte affinité pour les protéines plasmatiques, susceptibles de déplacer les AVK (risque hémorragique) et les sulfamides hypoglycémiants (risque d’hypoglycémie) de leurs liaisons à l’albumine.
→ L’association du cotrimoxazole au méthotrexate est contre-indiquée (augmentation de la toxicité hématologique du méthotrexate).
Une antibiothérapie nécessite une surveillance du traitement en termes d’efficacité (qui s’apprécie cliniquement au bout de 48 à 72 heures), et aussi de tolérance.
→ Une Idel peut être amenée à surveiller l’état cutané du patient (manifestation allergique ou de photosensibilisation), le transit, l’état buccal à la recherche d’une mycose.
→ La survenue d’une ataxie (troubles de l’équilibre) sous aminosides doit alerter une Idel. Signe d’une atteinte vestibulaire, elle doit en effet être signalée au prescripteur en vue d’une réévaluation du traitement.
→ Un traitement prolongé par aminosides nécessite de contrôler la fonction rénale.
→ Sous sulfamides, la NFS est contrôlée, ainsi que chez les sujets de plus de 65 ans, et le traitement arrêté en cas d’atteinte hématologique.
→ Être bien observant du traitement.
→ Signaler au médecin la survenue d’éruption cutanée, de diarrhées persistantes, de tendinites (sous quinolones), d’acouphènes et de vertiges (sous aminosides).
→ Ne pas stopper une diarrhée due à un antibiotique par un ralentisseur du transit (lopéramide, Imodium), afin de limiter le risque de colite pseudo-membraneuse due au développement de bactéries pathogènes comme Clostridium difficile.
→ Limiter la pratique sportive sous quinolones pour éviter les tendinites.
→ Ne pas s’exposer au soleil sous cyclines, quinolones et sulfamides (photosensibilisation).
Attention ! Les aminosides sont des molécules alcalines. Il convient donc d’éviter de mélanger dans un même flacon ou une même seringue les aminosides avec un autre médicament, en particulier une bêta-lactamine (risque de précipitation).
→ L’allergie à la pénicilline et aux céphalosporines est surestimée avec plus de 80 % des patients qui signalent une allergie qui n’en est pas véritablement une. La vraie allergie aux bêta-lactamines serait en réalité moins fréquente, mais elle est potentiellement fatale et doit donc être diagnostiquée, d’autant que les bêta-lactamines représentent près des deux tiers des antibiotiques consommés en ville.
→ Les signes en faveur d’une allergie aux pénicillines sont : un antécédent de prise de la même molécule sans problème, une réaction immédiate, des signes d’anaphylaxie avec urticaire et/ou angio-œdème. Le diagnostic peut être confirmé par des tests allergologiques cutanés ou “prick tests”.
→ Le risque d’allergie croisée entre pénicillines et céphalosporines est de 1 à 10 %, et moins important avec les C2G et C3G qu’avec les C1G. Ainsi, en cas d’allergie bénigne à la pénicilline, les C2G ou C3G ne sont pas contre-indiquées.
De nombreux antibiotiques potentialisent l’action des AVK. Il s’agit principalement des macrolides qui diminuent le métabolisme des AVK, du cotrimoxazole qui augmente les formes actives d’AVK, mais aussi des cyclines et des fluoroquinolones, qui modifient l’absorption des AVK. C’est aussi le cas de certaines céphalosporines, qui peuvent provoquer une diminution du taux de prothrombine. C’est pourquoi l’instauration d’une antibiothérapie chez un patient sous AVK impose de renforcer la surveillance de l’INR.