Pilule de 3e génération
le débat
Avec un risque de thrombose doublé pour ses utilisatrices, la pilule de 3e génération fait aujourd’hui l’objet de nombreuses mesures : campagne d’information auprès des professionnels de santé, restriction de la prescription, déremboursement… Mais la polémique est-elle justifiée ?
gynécologue-obstétricien, président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF)
Non, absolument pas. La prescription contraceptive doit être la plus large possible. Tous les prescripteurs, à savoir les gynécologues médicaux et obstétriciens, les médecins généralistes, les sages-femmes et les infirmières, peuvent prescrire de manière convenable. Cependant, la pilule reste un médicament qui implique des règles de prescription. Il faut une formation sur la prescription. Restreindre les prescripteurs risque d’avoir des conséquences sur l’accessibilité à la contraception, le nombre de grossesses non désirées et donc sur les interruptions volontaires de grossesses (IVG). Le CNGOF a d’ailleurs mis en place un réseau sentinelle dans les centres d’IVG pour connaître l’impact de cette problématique.
Il s’agit d’un raccourci de dire qu’elles sont dangereuses. Le risque de thrombose est moitié moindre que le risque de grossesse. Il faut relativiser les choses. Mais autant prescrire les pilules qui ont un danger potentiel moindre. Si certaines patientes ont du mal à supporter la pilule de 2e génération (saignement, mal de tête, migraine, baisse de la libido, métrorragie), la pilule de 3e génération reste utile. Il faut garder une palette contraceptive large.
Cela dépend de chaque femme. Quand un professionnel de santé prescrit la pilule, il faut qu’il effectue le dépistage des risques de thrombose auprès de ses patientes. Il doit leur demander si elles ont déjà été victimes de thromboses, de phlébites, de caillots dans le sang, d’embolies pulmonaires. Il doit également vérifier leurs antécédents familiaux. L’interrogatoire demeure le moyen le plus performant pour éviter de prescrire à mauvais escient. Mais il faut avoir conscience que, malgré l’interrogatoire, des patientes sans signe d’appel peuvent faire une thrombose. La discussion sur le changement de contraceptif doit avoir lieu avec le médecin avec lequel il faut mener une réflexion sur la balance bénéfices-risques.
gynécologue-obstétricienne, présidente de l’association Au sein des femmes
Cette proposition est une offense faite aux généralistes, qui sont, tout autant que les gynécologues, capables d’évaluer les risques par un interrogatoire, la prescription d’un bilan biologique complet (lipides, glycémie, thrombophilie) et de prescrire une contraception hormonale excluant les progestatifs incriminés. En revanche, la délivrance de pilules en dehors de ces conditions me paraît dangereuse. Concernant les infirmières, si le médecin qui a fait la première prescription a effectué un bilan biologique complet et un bon interrogatoire sur les facteurs de risque, on peut considérer que celles qui renouvellent la pilule pour six mois seulement le font en toute sécurité.
Beaucoup de pilules sont concernées et beaucoup d’intérêts financiers sont en jeu. Je commencerais par retirer définitivement de la vente des pilules anciennes beaucoup trop dosées en œstrogènes, eux aussi facteurs de risque. Certaines pilules, encore prescrites, ont entre trente et quarante ans d’existence, soit le temps de deux générations de femmes. Quant aux pilules actuellement incriminées, je ne les prescris plus.
Les patientes m’assaillent par mail ou téléphonent depuis qu’elles ont été informées de la problématique par les médias. Elles ne veulent pas courir de risque supplémentaire. Le risque zéro n’existant avec aucune des pilules, je leur propose de faire un bilan de thrombophilie, d’assumer la partie non remboursée. Je leur rappelle de ne pas associer tabac et pilule. Je leur prescris soit une pilule récente de 2e génération, peu dosée en œstrogènes, soit une pilule avec un œstrogène bio-identique et un progestatif non incriminé. Je peux leur proposer d’opter pour le stérilet au cuivre ou de réfléchir, si elles ne veulent plus d’enfant, à la stérilisation définitive, pour elle ou pour leur mari.