Cahier de formation
Savoir faire
Romane, 33 ans, souffre d’obésité sévère et envisage d’entrer dans le programme de prise en charge de l’hôpital qui propose un suivi avec des médecins, un psychologue, une diététicienne mais aussi avec une infirmière. Elle hésite à s’y rendre.
Vous lui expliquez que l’infirmière a d’autres rôles que le soin, que celle qui intervient dans ce programme est formée pour aider les patients à mieux comprendre leur maladie, à mieux l’accepter et à trouver des solutions qui leur conviennent, en complément de l’action des autres professionnels. Elle ne sera pas obligée de suivre toutes les consultations : certaines lui seront proposées selon les besoins identifiés, mais c’est le patient qui choisit.
L’approche pluridisciplinaire permet de répondre au caractère multifactoriel de l’obésité. Elle favorise les chances de succès, notamment pour des patients en échec thérapeutique, qui souffrent d’obésité sévère ou d’une situation complexe (deuil pathologique, difficultés socioéconomiques…).
Les divers professionnels sont autant de pièces d’un puzzle autour du patient qui reste le “moteur” : médecin, nutritionniste/diététicien, entraîneur médico-sportif, paramédicaux (infirmière, kiné, psychologue, etc.), psychiatre. Chacun apporte sa compétence et travaille en concertation avec les autres professionnels.
Les différentes organisations peuvent être informelles, autour du médecin généraliste, ou formalisées dans un réseau de ville (prise en charge pluridisciplinaire de proximité) et/ou rattachées à un centre hospitalier. Les centres référents médico-chirurgicaux interrégionaux, mis en place dans le cadre du deuxième Programme national nutrition santé (PNNS) 2, réunissent obligatoirement une équipe médicale et paramédicale formée à l’obésité et à l’éducation thérapeutique.
Outre la prise en charge médico-chirurgicale coordonnée de l’obésité, leur mission s’étend à l’enseignement, la formation des professionnels de santé, la recherche clinique, le conseil familial et le dépistage génétique.
En ville, l’infirmière libérale qui y est formée peut travailler sous contrôle du médecin généraliste et/ou coordinateur d’un réseau aux actions de dépistage, de suivi et d’éducation du patient (enquête alimentaire, entretiens éducationnels…). Dans certains centres référents interrégionaux, les IDE/Idels cliniciennes utilisent l’approche corporelle du patient (toucher de relation ou relaxation) comme axe d’accompagnement éducatif, alors que les personnes obèses entretiennent une relation difficile avec leur corps, le nient, l’oublient ou le haïssent. Elles s’appuient sur les diagnostics infirmiers tels que la perturbation de l’estime de soi, de l’image corporelle, les stratégies d’adaptation au stress ou l’observance afin de réaliser l’accompagnement du patient obèse en interdisciplinarité avec les professionnels du service.
Elles écoutent et respectent le patient dans son vécu, son rythme et ses valeurs. Elles l’accompagnent vers l’apprentissage de sa propre écoute et du respect de son corps, dans la lenteur, la progressivité, la modération tant dans le projet de perte de poids que dans son évolution personnelle. L’objectif est de permettre au patient d’évoluer ici et maintenant, dans son rapport à son poids, à l’alimentation, aux contraintes du poids et de développer le plaisir alimentaire, pouvant avoir un impact sur sa qualité de vie.
Une sensibilisation est souhaitable pour comprendre les facettes de la maladie et se former à un autre discours que le discours sociétal.
→ Les centres de nutrition de référence organisent des actions de sensibilisation des professionnels de santé sur une ou deux journées. Se renseigner auprès des ARS.
→ Les centres de formation continue : l’éducation nutritionnelle est un thème de formation continue FIF-PL mais peu de formations sont proposées spécifiquement par les organismes pour la prise en charge des obèses. Parmi elles : “prise en charge et prévention de l’obésité” à l’Institut Pasteur de Lille (2 jours, renseignements au 03 20 87 71 88 ou sur www.pasteur-Lille.fr) ou “accompagner les problèmes de surpoids” du Cepfor (3 jours, renseignements au 05 61 39 19 00 ou www.cepfor.com).
Une formation à l’éducation thérapeutique est nécessaire, complétée par une approche spécifique “obésité”. Par exemple : formations inter-professionnelles organisées par les réseaux (voir www.reseau-osean.org, www.romdes.org) ou associations (www.gros.org) ou DIU (“médecine et chirurgie de l’obésité” de l’université de Bordeaux, “Obésités et syndromes métaboliques : prises en charge médicales, diététiques et psychologiques” de l’université Pierre-et-Marie-Curie).
Les infirmières cliniciennes libérales et/ou formées aux outils de prises en charge des obèses peuvent coter leurs interventions en Acte de soin infirmier (AIS) bien que ce ne soit pas spécifique (ni très rémunérateur au vu de l’implication demandée).
En l’absence, à l’heure actuelle, d’une reconnaissance de la consultation infirmière dans la cotation, l’idéal est sans doute d’intégrer un projet en réseau et d’en devenir prestataire de service. Se renseigner sur les structures régionales et leur fonctionnement auprès des ARS.
Réunies au sein de l’association (Gic-Unic 43
→ Une journée complète en hôpital de jour permet de réaliser un bilan initial. Le patient est reçu le matin en consultations individuelles par le médecin nutritionniste, l’infirmière clinicienne, la psychologue et la diététicienne. Ils explorent les différentes facettes de la maladie : comorbidités, difficultés psychologiques, échecs antérieurs… L’après-midi, l’éducateur sportif teste leurs possibilités physiques.
→ À l’issue des entretiens et des tests, les professionnels se concertent. Le médecin coordinateur échange individuellement avec chaque patient autour du diagnostic éducatif et élabore avec ce dernier un programme de prise en charge individualisé selon les besoins identifiés : suivi médical+/–diététique+/–infirmier+/–psychologique+/–activité physique… Le patient adhère ou non au programme, il choisit les interventions qu’il désire suivre.
→ S’il adhère, le patient entre dans un programme de suivi d’un an financé par l’ARS Auvergne. Pour exemple, le suivi infirmier comporte huit séances annuelles d’une heure.
→ Un bilan en hôpital de jour est prévu à mi-parcours pour évaluer l’évolution des problématiques, réadapter le diagnostic éducatif et le projet thérapeutique.
→ Les infirmières de l’association travaillent avec les diagnostics infirmiers, dont certains sont plus spécifiques de l’obésité.
→ Sont notamment évaluées l’observance du patient, les perturbations de l’estime de soi et de l’image corporelle (refus de se regarder, de se toucher, attitude de retrait ou au contraire d’exhibition…). Les infirmières aident les patients à trouver les ressources dont ils disposent et les soutiennent dans leur dynamique de changement. Elles fixent avec le patient des objectifs réalisables : re-sortir de chez soi, se regarder dans la glace, reprendre contact avec son corps, retrouver une meilleure qualité de vie… L’éventail des techniques utilisées est large : écoute active, toucher-massage, relaxation… Avec un mot d’ordre, on ne parle pas de régime mais d’équilibre alimentaire ! Ces consultations de suivi se font sur rendez-vous en moyenne une fois par mois.
Les infirmières sont des vacataires prestataires du réseau. Comme les autres membres du réseau, elles travaillent en partenariat avec l’hôpital et interviennent en hôpital de jour, une matinée par semaine, à tour de rôle.
L’intervention des infirmières dans ce programme implique une formation solide aux techniques de prise en charge des patients. Toutes sont formées en éducation thérapeutique, ont suivi une formation à la consultation infirmière (1 an), une formation de clinicienne (2 ans) et, à leur initiative, une formation spécifique
(1) Groupement d’intérêt commun – Union nationale des infirmières consultantes, émanant de l’Anfiide, Association nationale française des infirmières et infirmiers diplômés et étudiants.
(2) Formation Isis “à la carte”, mise en place spécifiquement à leur demande dans le cadre de ce projet.
Marie-Christine Fedor, infirmière clinicienne dans l’équipe pluridisciplinaire au Centre de référence de nutrition clinique du CHU de Clermont-Ferrand (63)
« Dans notre centre, les maîtres-mots sont le non-jugement, le respect et l’accueil de la personne telle qu’elle se présente. Notre enjeu est de moduler le discours souvent restrictif, entendu pendant des années, afin de le faire évoluer vers plus de nuances. Au terme d’une journée d’écoute et d’échanges, nous proposons aux patients des suivis individuels diététiques, infirmiers et psychologiques. Les patients prennent l’initiative d’organiser leurs rendez-vous selon leurs priorités. Au début, ils sont surpris mais, au final, ils nous rapportent que c’est l’absence d’injonction et le respect total qui a créé l’alliance thérapeutique et déclenché leur motivation. D’autre part, le rôle de l’entourage et des professionnels de santé associés est avant tout de veiller à ne pas défaire ce qui est en train de se construire : en quelques secondes et avec une remarque a priori anodine comme “mangez moins, le résultat sera le même”, le patient retrouve ses vieux démons et plusieurs mois de travail peuvent s’effondrer ou être stoppés… »
Sylvie de Bonneville, infirmière de l’association Gic-Unic 43 (Haute-Loire)
« Notre travail au sein du réseau s’inscrit exactement dans le rôle propre de l’infirmier
* Article R. 4311-3 du Code de la Santé publique.