Retraite
Dossier
Lorsque sonne l’heure de la retraite du libéral, le changement de rythme et de niveau de vie peuvent s’avérer brutal. Quelques solutions existent pour tenter de préparer au mieux ce virage.
Difficile de définir le montant moyen de la retraite versée par le régime obligatoire à une infirmière libérale. Tout dépend en effet du déroulement de sa carrière. Des infirmières ont eu une longue activité salariée avant de devenir libérales, d’autres ont travaillé à temps plein, et certaines non. Tous ces facteurs influent sur le montant auquel elles peuvent prétendre. Mais il n’empêche qu’actuellement, « le montant de la retraite versée par le régime obligatoire correspond à environ 50 % du revenu d’activité, souligne Georges Legros, animateur du collège des spécialistes Épargne/Retraite à la MACSF, premier assureur des professions libérales. D’après les prévisions, d’ici vingt à trente ans, il sera de 30 % ».
Les infirmières libérales ne doivent donc pas attendre d’avoir 55 ans pour se concocter une retraite complémentaire à celle du régime obligatoire.
« Nos conseillers incitent fortement les infirmières libérales à acquérir dans un premier temps leur résidence principale, indique Florence Gilles, directrice du développement des produits Épargne et Prévoyance chez Aviva France. Ensuite seulement, nous conseillons d’épargner afin d’obtenir un revenu complémentaire pour la retraite. »
« Le produit dédié pour la retraite complémentaire est le contrat Madelin »
Avec ce contrat prévu par la loi du 11 février 1994, les sommes versées par le cotisant sont déduites du bénéfice imposable dont le montant varie en fonction du plafond annuel de la Sécurité sociale, fixé pour l’année 2012 à 67 289 euros. « Ce produit est intéressant pour les personnes imposées fiscalement, remarque Florence Gilles. En contrepartie, chaque année, le cotisant définit le montant de la cotisation qu’il souhaite verser et le versement doit être régulier. » En effet, l’épargne est bloquée jusqu’à la retraite, moment où les sommes vont être reversées sous forme de rentes, l’objectif étant d’inciter les épargnants à économiser régulièrement.
Néanmoins, Florence Gilles conseille de bien choisir son contrat Madelin car, « même s’il s’agit d’un produit assez normé, il y a différents points à vérifier ». Au premier rang : la garantie de table. Le calcul des rentes viagères repose en effet sur ce que l’on appelle la table de mortalité, une évaluation statistique de l’espérance de vie [sur des données recueillies par l’Insee, NDLR].
Retenez surtout que, si le contrat garantit la table de mortalité utilisée lors de sa souscription, l’assuré peut alors se prémunir contre un allongement de l’espérance de vie nationale et donc une diminution du taux de conversion. Certains contrats utilisent en revanche une table de mortalité en vigueur au moment de chaque versement ou à la sortie du contrat. Le cotisant risque alors de toucher une rente plus faible, car l’espérance de vie aura augmenté par rapport à la date de conclusion du contrat. « La table est plus favorable aujourd’hui que dans quelques années, car la durée de vie s’allonge », explique Florence Gilles. « À la MACSF nous utilisons la table de mortalité en vigueur au moment du versement de la rente viagère », précise Georges Legros.
Il existe également différentes options à la sortie. La rente peut être réversible et donc versée, au décès du bénéficiaire, à une personne de son choix, ou non réversible. « Il faut être sûr, au moment où le contrat est conclu, d’avoir la liberté de choisir lors du départ à la retraite », relève Florence Gilles. Georges Legros conseille aussi de faire attention aux frais de gestion ainsi qu’aux frais de versement appliqués par les assurances.
Outre le contrat Madelin, les infirmières peuvent également se constituer une épargne sous forme de capital en effectuant des versements réguliers sur le long terme et ainsi disposer d’une bonne trésorerie au moment de la retraite. Cette épargne peut être investie dans des contrats d’assurance-vie, plus souples que le contrat Madelin. L’assurance-vie n’est pas dédiée à la retraite, elle permet de gérer un patrimoine, de le transmettre et de compléter ses revenus. Les produits de l’assurance-vie « permettent une plus grande liberté, révèle Florence Gilles. L’argent est disponible tout le temps. Mais il n’y a pas de déduction fiscale comme avec le contrat Madelin ». La somme peut être reversée soit sous forme de capital, soit sous forme de rente ou encore de rachat programmé.
L’assurance-vie permet de choisir parmi un grand nombre de supports financiers en fonction du profil de risque de l’assuré. Il existe des supports complètement sécurisés pour lesquels le rendement, pas très important (3 à 4 % par an), est néanmoins garanti. Et des supports plus rentables mais un peu plus risqués, car ils ne disposent pas de garantie de capital. Il est également nécessaire de faire attention aux frais du contrat prélevés par l’assureur.
Si le contrat a plus de huit ans, il n’est imposé que de 7,5 % par an sur les intérêts et non pas sur le capital, avec une franchise de 4 600 euros par an pour les célibataires et de 9 200 euros pour les couples mariés. Jusqu’à quatre ans, le taux d’imposition est de 35 % et de quatre à huit ans, de 15 %. « L’assurance-vie est intéressante pour tout le monde, estime Florence Gilles. Mais il n’est pas intéressant fiscalement de la racheter [de récupérer son argent, NDLR] avant huit ans, car le taux d’imposition sera plus élevé. » Et d’ajouter : « C’est le rôle du conseiller en assurance de faire un bon diagnostic pour l’assuré, de tout calculer et d’optimiser. Nous favorisons le contrat Madelin, mais rien n’empêche de prendre les deux. »
Préparer une épargne complémentaire en vue de la retraite s’avère indispensable pour les infirmières libérales. Mais elles doivent également se renseigner le plus tôt possible sur les droits dont elles bénéficient avec le régime obligatoire. Ce dernier relève, pour les infirmières libérales, de la Carpimko, l’une des dix sections professionnelles de l’Organisation autonome d’assurance-vieillesse des professions libérales. « Nos assurés sont tenus informés de leurs droits par demandes de reconstitutions de carrière et d’évaluation de retraite faites par téléphone ou par écrit », signale Catherine Gentil, responsable du service prestations. La Carpimko recommande aux infirmières libérales de la contacter le plus tôt possible pour s’informer du montant de la retraite à laquelle elles peuvent prétendre. « Elles ne doivent pas attendre l’âge de départ à la retraite pour demander une simulation, souligne Catherine Gentil. Dès 40 ans, les infirmières peuvent avoir une bonne idée du montant prévisionnel de leur retraite et solliciter un relevé de carrière, sur lequel figurent les droits acquis dans le régime de base, le régime complémentaire et celui de l’Allocation supplémentaire vieillesse (ASV). En cas de désaccord, nous pouvons effectuer de nouvelles vérifications de droits. » La Carpimko leur donne également des renseignements sur la possibilité d’augmenter le montant de leur retraite, notamment en rachetant, dans le régime de base, les périodes au cours desquelles elles n’ont pas cotisé, par exemple en période d’exonération de début de carrière.
La Carpimko conseille et accompagne aussi les personnes qui, à partir de 50 ans, se posent des questions concrètes sur leur retraite. « Les infirmières peuvent, par exemple, s’interroger sur leur âge légal de départ à la retraite, qui varie en fonction de la génération à laquelle elles appartiennent. » Vers 60 ans, elles se manifestent pour faire liquider leur retraite. « Cette fois encore, nous leur conseillons de nous contacter le plus tôt possible, le délai d’instruction de la retraite du régime de base pouvant être long, précise Catherine Gentil. Il leur est donc conseillé, dans les six mois précédant la date de prise d’effet qu’elles désirent, de nous contacter, car nous devons procéder à des enquêtes, parfois longues, auprès de tous les organismes chez qui elles ont cotisé afin de déterminer le nombre de trimestres qu’elles ont acquis, tous régimes confondus. »
Un dernier point indispensable à savoir pour les infirmières libérales : elles peuvent poursuivre leur activité libérale, même si leur retraite est liquidée. Il s’agit du dispositif cumul activité-retraite qui peut s’appliquer pour celles par exemple qui n’ont pas trouvé de remplaçant ou qui n’ont pas une retraite suffisamment élevée. Si le professionnel a fait liquider ces droits auprès de tous les régimes auxquels il a cotisé, il peut alors cumuler intégralement sa retraite avec les revenus qu’il perçoit en continuant son activité libérale, puisqu’il relève alors du dispositif du cumul activité-retraite libéralisé. Mais les cotisations qu’il va verser ne sont plus attributives de droits à la retraite.
Par ailleurs, certains professionnels n’ont pas fait liquider tous leurs avantages de retraite. Le dispositif de cumul activité-retraite est alors réglementé : les revenus issus de la poursuite de leur activité libérale ne doivent pas être supérieurs au montant du plafond de la Sécurité sociale, soit 36 372 euros par an au 1er janvier 2012. En cas de dépassement de ce montant, la retraite du régime de base est suspendue à hauteur de ce dépassement, ce qui n’est pas le cas pour la retraite complémentaire et l’ASV. Attention cependant, car le cumul d’une activité avec la retraite n’est pas possible en cas de retraite pour inaptitude au travail, qui est liée à une incapacité totale et définitive à l’exercice de toute profession (cf. ci-contre).
Cette retraite peut être demandée par le professionnel ou alors proposée par la Carpimko si le professionnel a précédemment été pris en charge par le régime invalidité décès aggravé et qu’en raison de l’aggravation de son état, il se retrouve en incapacité totale et définitive de travailler. « Si jamais les infirmières libérales décident malgré tout de reprendre une activité, nous sommes dans l’obligation de suspendre le versement de la retraite pour les trois régimes », conclut Catherine Gentil.
* À propos des dernières modifications concernant le contrat Madelin, lire notre Fiche pratique parue dans L’ILM n° 287 de décembre 2012.
Monique, infirmière à la retraite qui a repris une activité, Valence (Drôme)
« J’ai décidé de prendre ma retraite à 63 ans à la suite de plusieurs accidents de voiture, car j’étais trop fatiguée. J’avais fait tous mes trimestres et je me suis dit que j’aurais une retraite convenable, mais ce n’est pas le cas. La Carpimko me verse environ 1 000 euros par mois et, avec les complémentaires, je ne dépasse pas 1 500 euros par mois. J’ai toujours voulu préparer ma retraite complémentaire, mais, étant seule avec mon enfant, j’avais d’autres frais, dont les traites de ma maison. N’ayant pas de revenus suffisants, après quatre mois de retraite, j’ai décidé de reprendre une activité en parallèle. J’ai commencé par de l’intérim, puis j’ai trouvé un CDD dans une maison de retraite, et je fais également des remplacements en libéral de manière variable. Mais cette activité salariée n’entraîne pas de revalorisation de la retraite. Au départ, mon projet était de développer une activité de luxopuncture. Mais il n’est pas possible d’être à la fois à la retraite et auto-entrepreneur. J’essaie donc de développer cette activité en tant que travailleur indépendant. »
Andrée Palme, infirmière libérale à Ucel (Ardèche) depuis 22 ans
« La profession infirmière est à 85 % féminine et présente l’un des plus hauts taux de divorce. Il faut y faire attention ! J’ai préparé ma retraite, j’avais misé sur l’immobilier, mais, aujourd’hui, tout est partagé en deux à cause de mon divorce. Il faut faire attention au régime du mariage. Mon conseil aux infirmières libérales est de bien prévoir leur retraite quand elles sont jeunes. Certes, elles n’ont pas envie d’y penser, mais c’est nécessaire. Les infirmières se tiennent très peu au courant de leur régime, car elles travaillent le nez dans le guidon. Elles ne se préoccupent pas de cela car elles estiment que cela arrivera dans longtemps. Mais ce n’est pas le cas, il faut s’y préparer. Quand les infirmières libérales tiennent un rythme de croisière dans leur activité libérale, elles doivent prendre une assurance-vie et acquérir un logement afin d’arriver à la retraite avec un bien qu’elles peuvent revendre. Les défiscalisations peuvent également servir à prévoir notre retraite.Il faut tout programmer. »
La retraite a-t-elle un grand impact psychologique sur la personne ? Tout dépend de sa préparation et de son anticipation. Certaines personnes vont très bien vivre ce moment, car elles l’attendent depuis longtemps. Mais d’autres, qui ont refusé d’y penser, se retrouvent devant le fait accompli sans avoir l’impression de choisir cette nouvelle vie, ce qui peut entraîner des dépressions ou des décompensations fortes, notamment pour celles pour qui le travail tenait une place importante.
Comment s’y préparer ? Il est important de faire un point, pour prendre conscience des ressources personnelles dont on dispose, envisager des projets, des activités et ainsi voir la retraite comme un choix. Cela peut être une opportunité de rechoisir sa vie. D’autant que la perte de revenus générée par la retraite accroît le sentiment de la subir. Il faut trouver le sens à sa nouvelle vie. J’ai déjà travaillé avec des professionnels de santé libéraux. Leur problématique est qu’ils sont très actifs dans leur vie professionnelle. Alors, quand, du jour au lendemain, ils se retrouvent à la retraite, cela peut s’avérer compliqué pour eux. Il faut les aider à mettre en lumière la valeur de leurs acquis professionnels pour les transcrire dans d’autres types d’activités pour la retraite. C’est un travail d’exploration identitaire.
Noëlla Benteux, infirmière libérale à la retraite, Bussière-Galant (Limousin)
« À la suite d’une mauvaise chute en 2009, j’ai eu un problème à l’épaule. Après plusieurs péripéties, un chirurgien a finalement décidé de m’opérer fin 2010 mais, en janvier 2011, la Carpimko m’a mise à la retraite à 61 ans pour inaptitude au travail. Je touche 1 446 euros net pour ma retraite de base, sans possibilité de compléter mes revenus par la reprise d’une activité. Je perçois tout de même d’autres revenus avec ma retraite complémentaire, une retraite du régime salarié et mon contrat Madelin. J’arrive donc à environ 2 000 euros net par mois. Heureusement, j’ai acheté des biens immobiliers qui me permettront de compléter mes revenus d’ici quelques années car, pour le moment, je dois encore payerles prêts, ce qui est parfois difficile car je n’avais pas prévu de m’arrêter de travailler si tôt. Maintenant, je m’habitue à ma nouvelle vie et je sais qu’une fois mes prêts remboursés, j’aurai une plus grosse retraite. Il faut vraiment que les infirmières se constituent une retraite plutôt que de dépenser leur argent bêtement. »
Pour combler le déficit de la Caisse nationale d’assurance-vieillesse des professions libérales (CNAVPL), qui connaît un déficit depuis 2010, la Loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2013 a prévu une hausse des cotisations des professions libérales (cf. L’ILM n° 287). Il a été décidé, pour la première tranche des revenus, qui va jusqu’à 85 % du plafond de la Sécurité sociale, soit environ 2 600 euros par mois, une augmentation des taux de cotisations de 1,12 point en 2013 (pour les porter à 9,75 %) et de 0,35 point en 2014 (pour les porter à 10,1 %). Sur la deuxième tranche – revenus compris entre 2 600 et 15 155 euros – le taux passera d’abord de 1,6 % à 1,81 %, puis à 1,87 %. Ces hausses de cotisations devraient apporter 200 millions d’euros à la CNAVPL en 2013.
Le dispositif proposé par le gouvernement a été entériné par le conseil d’administration de la CNAVPL à neuf voix contre une, le président de la Carpimko, Pascal Leblanc, infirmier libéral, ayant été le seul à voter contre cette décision. La Fédération nationale des infirmiers (FNI) tout comme le Syndicat des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil), Convergence infirmière et l’Organisation nationale des syndicats d’infirmiers libéraux (Onsil) estiment que cet appel à la solidarité est compréhensible, mais qu’il est « financièrement inacceptable pour les auxiliaires médicaux ».
Si une infirmière libérale emploie au moins un salarié, elle peut envisager de mettre en place, au sein de son entreprise, l’épargne salariale. Les sommes placées bénéficient d’avantages fiscaux et sociaux attractifs qui permettent d’accroître de l’ordre de 50 % l’épargne constituée pour l’Idel et son salarié. Elle est composée de différents outils : la participation, l’intéressement, le Plan d’épargne entreprise (PEE), le Plan d’épargne pour la retraite collectif (Perco) ou encore l’actionnariat salarié. Les Idels peuvent s’adresser à leurs organismes bancaires pour obtenir des renseignements sur la mise en œuvre de ce dispositif.