L'infirmière Libérale Magazine n° 289 du 01/02/2013

 

SANTÉ PUBLIQUE

Actualité

INITIATIVE → Victime d’un AVC, Béatrice de Cabrol a lutté des années pour se rétablir. Depuis un an, elle anime un site Internet dédié à l’aphasie, destiné à soutenir les aidants et les malades.

En janvier dernier, naissait sur la toile un nouveau portail thématique intitulé “Aphasie contact”. « Cet espace a été créé pour vous, aphasiques, amis, aidants, afin que nous puissions communiquer, car nous le pouvons, pour rompre l’isolement dont nous souffrons beaucoup », présente la page d’accueil. Derrière ce site Internet d’initiative privée et sans prétention médicale, se trouve Béatrice de Cabrol. Elle s’inspire de sa connaissance intime de la maladie et surtout de sa propre démarche de guérison. En 1994, l’accident vasculaire cérébral (AVC) frappe durement à la porte de la famille de Cabrol, un sort commun à 150 000 foyers chaque année en France. Béatrice est alors mère de deux enfants en bas âge et lancée dans des études de psychologie. Au sortir de trois mois de coma, elle se découvre paraplégique, sujette à une perte totale de la parole et souffrant d’amnésie… Une année de suivi au centre de réadaptation fonctionnelle Coubert, en région parisienne, lui permet un retour à domicile. Mais, il ne s’agit que de la première étape d’une longue lutte gagnée pas à pas. « Au début, on veut reprendre tout, comme si rien ne s’était passé, mais il s’agit plus d’une renaissance. Il faut repartir sur quelque chose de neuf », dépeint Béatrice de Cabrol illustrant ainsi le fameux « faire le deuil » auquel se réfèrent systématiquement les thérapeutes. Une épreuve qu’elle traverse avec les siens – « j’ai réappris à marcher en même temps que mes enfants » – et grâce à eux – « malgré les avis médicaux pessimistes, pour mon mari, il a toujours été clair que je ne resterai pas telle qu’au sortir du coma. Il n’a jamais douté de mes capacités et les a stimulées ».

Aidants en souffrance

Aujourd’hui, cette qualité relationnelle a motivé Béatrice de Cabrol à la mettre en relief et à l’ouvrir à d’autres avec la création d’aphasiecontact.fr. Un projet qu’elle a élaboré avec la collaboration de son orthophoniste Isabelle Eyoum* qui la suit depuis deux ans, époque à laquelle la “patiente” peinait encore à communiquer. La professionnelle a saisi l’idée et en a fait l’objet de sa prise en charge. Quoi qu’il en soit pour Béatrice de Cabrol, il est d’abord question de tendre la main vers l’aidant. « Les proches ont un rôle essentiel dans la récupération des personnes atteintes de troubles aphasiques (victimes d’un AVC, d’un traumatisme crânien, de la maladie de Parkinson ou d’Alzheimer). Mais ils se retrouvent dans cette position bien malgré eux. Je pense qu’ils ont encore plus besoin que nous d’être aidés », affirme-t-elle en décrivant la pression exercée par l’aphasique sur son entourage. « Il faut que l’aidant sache dire non et se préserve. Autrement, un aphasique peut s’installer dans la facilité et exiger toujours plus de lui pour finalement perdre de plus en plus de fonctions. »

Le tout jeune site répond donc aux besoins multiples des aidants : où s’adresser, comment communiquer, comment aborder la vie sociale, se détendre, apprendre de l’expérience des autres… « En ligne depuis janvier 2012, le site rencontre un succès que nous n’avions pas espéré : 200 visites par semaine, et même 10 % en provenance des USA ! », s’enthousiasme Christian de Cabrol, le conjoint de Béatrice qui fait office de webmaster. À noter, 10 % des visiteurs laissent des commentaires qui permettent de faire évoluer le site. Ils posent également des questions, le plus souvent pour obtenir des contacts de professionnels. « Concernant les points médicaux, nous orientons vers Isabelle Eyoum, qui relaie vers d’autres professionnels si nécessaire », tient à préciser Béatrice de Cabrol.

* L’orthophoniste Isabelle Eyoum, inspirée par ses patients, élabore des outils logiciels à l’instar de la collectionTV Neurones (www.editions-creasoft.com). En juin dernier, une version “praxie” de douze jeux est sortie. Elle met en scène les métiers du quotidien – boulanger, plombier, taxi… – et stimule cinq domaines – mémoire, langage, fonctions exécutives, attention et visuo-spatial.

ET LES IDELS

→ « Lorsque j’étais encore immobilisée, se souvient Béatrice de Cabrol, je recevais la visite quotidienne de l’infirmière libérale pour les injections contre la phlébite. Pour moi, c’était un lien essentiel avec le médecin. L’infirmière pouvait lui communiquer des informations sur mon état de santé. Elle représentait également un repère temporel. Si elle avait du retard, je commençais à devenir nerveuse. »