L'infirmière Libérale Magazine n° 290 du 01/03/2013

 

Éditorial

Éviter les produits trop gras, trop salés, trop sucrés. Même les plus jeunes ont intégré le slogan, diffusé en boucle pendant leurs programmes télé. Ils savent aussi que c’est bon pour la santé, de manger cinq fruits et légumes par jour, à condition ensuite de bien se laver les dents du haut vers le bas, et surtout pas à l’horizontal. Mais qui les a prévenus que porter un aliment à la bouche est le geste le plus dangereux pour notre organisme ? Les rois avaient bien leur goûteur… La traçabilité et le cycle court du producteur au consommateur, c’est la seule assurance de ne pas manger n’importe quoi, élaboré n’importe comment. Notre société a la mémoire bien courte, puisque la Commission européenne(1) vient d’autoriser la réintroduction des farines animales (au menu, déchets de porc et de poulet broyés) dans l’aquaculture. Cela ne vous rappelle rien ? Voyons, les vaches folles(2), vraiment, rien ? Peut-être parce qu’un poisson “fou” est moins impressionnant qu’un ruminant qui zigzague et s’écroule. Il est vrai que la projection anthropomorphique est plus évidente sur les mammifères. Alors laissons certains lobbys et une armada d’égoïstes décider de nourrir des animaux avec les restes d’autres animaux réduits en poussière… Tiens, cela rappellerait presque le “minerai de viande”(3) destiné aux humains dans les bolognaises en boîte et les lasagnes surgelées. Le scandale de la viande de cheval vendue pour du bœuf dans des plats préparés a occulté le vrai débat : voulons-nous d’une société où hommes et animaux cohabitent en bonne santé ou détraquer toutes les espèces – la nôtre y compris – à des fins mercantiles ? La première option est encore possible. Enfin, c’est ce qu’on dira aux enfants pour les endormir.

(1) Une décision prise en juillet 2012, suivie du règlement européen du 16 janvier 2013, autorise à nouveau les farines animales dans l’alimentation des poissons d’élevage. Cette mesure est entrée en vigueur le 13 février et s’appliquera à partir du 1er juin.

(2) Après la crise de la “vache folle” (animaux touchés par une épidémie d’encéphalopathie spongiforme bovine), les farines animales avaient été interdites dans l’alimentation des ruminants en 1997, et dans celle des autres animaux en 2001.

(3) Expression employée par les services d’inspection vétérinaire. Lire l’article édifiant publié par Rue89 (http://petitlien.fr/6dn7) et le texte officiel qui autorise cette pratique (http://petitlien.fr/6dn8).