SANTÉ PUBLIQUE
Actualité
ADDICTIONS → Dans les prochains mois, une salle de consommation de drogues à moindre risque ouvrira finalement à Paris. Cette première expérimentation en France vise à réduire les risques en termes de santé publique.
Attendu depuis des mois, le feu vert du gouvernement est tombé en février. Depuis les propos tenus en octobre dernier par la ministre de la Santé, Marisol Touraine, en faveur des salles de shoot, les acteurs de la réduction des risques se tenaient prêts. À Paris, Bordeaux et Marseille, les projets ne manquaient pas.
C’est finalement dans la capitale seulement que l’expérimentation débutera dans les prochains mois. Peut-être même dès le mois de juin. « L’initiative sera pilotée par la mairie de Paris, sous le contrôle de la Mission interministérielle de la lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt), qui doit mandater un groupe de chercheurs pour effectuer une évaluation », explique Céline Debaulieu, coordinatrice à l’association Gaïa, chargée de conduire l’action sur le plan opérationnel.
Selon les grandes lignes du projet, la Salle de consommation à moindre risque (SMCR) ouvrira sept jours sur sept sur une amplitude horaire qui s’étendra durant huit heures entre l’après-midi et le début de soirée.
L’équipe vise 200 passages par jour. Quant au personnel sur place, il sera composé de moniteurs éducateurs, d’éducateurs et d’infirmières. Viendront s’ajouter des vacations d’assistantes sociales et de médecins. « Il y aura aussi un espace dédié pour des permanences de gynécologie, de psychiatrie… Pourquoi pas des infirmières libérales ? Même si ce n’est pas prévu, nous sommes ouverts aux propositions. N’oublions pas que c’est une première étape vers un accès au soin », rappelle Céline Debaulieu.
Si l’idée de fournir un accompagnement vers le sevrage reste en ligne de mire, ce dispositif tente aussi de répondre à des besoins en matière de santé et d’ordre publics. Destinée aux usagers les plus précaires, qui s’injectent dans des lieux publics ou des squats, la SMCR devrait permettre de réduire les risques d’infections type VIH, VHC et autres chez ces populations. Ne serait-ce qu’en offrant les conditions d’un endroit aseptisé hors des espaces publics.
Reste que plusieurs questions demeurent en suspens, à savoir le local et le financement. Certes, la mairie de Paris évoque une implantation dans le XXe arrondissement, dans les environs de la Gare du Nord. Mais, à l’heure de la rédaction de ces lignes, aucun site n’était encore trouvé, tout comme les fonds censés couvrir les frais de fonctionnement.
Quoi qu’il en soit, pour Pierre Chappard, coordinateur du Réseau français de réduction des risques, « c’est tout de même un premier pas. Même s’il y a encore beaucoup à faire en matière de santé publique concernant la substitution injectable ou les programmes en prison ».
Rien à Bordeaux et Marseille. Les deux villes, pourtant candidates en fin d’année dernières, se sont rétractées. Dans la cité phocéenne, le sénateur-maire Jean-Claude Gaudin s’interroge désormais sur des considérations juridiques, en termes de responsabilité en cas d’overdose à l’intérieur ou en sortant de la salle. Pour mémoire, l’élu avait soutenu la mise en place d’un groupe d’experts locaux (associations, médecins, chercheurs) entre 2010 et 2012 en vue d’évaluer la situation à Marseille et d’émettre des propositions. Ces derniers ont d’ailleurs rendu les résultats de leurs travaux en octobre. Pendant ces changements de position du côté de deux municipalités tenues par l’UMP, d’autres villes dirigées par le PS pointent soudain leur nez. À Strasbourg et Toulouse, les premiers magistrats se montrent maintenant favorables à l’accueil de SMCR. Faut-il rappeler que les municipales se jouent en 2014 ?