Cahier de formation
Savoir faire
Monsieur G., 76 ans, souffre d’une hémiplégie droite depuis un AVC survenu quatre ans auparavant. Il est droitier, mais il a pris l’habitude de se servir de plus en plus de sa main gauche. Son épouse s’inquiète car elle remarque qu’il arrive à faire de moins en moins de choses avec la main droite.
Vous pouvez expliquer que le fait de privilégier le côté valide est habituel en cas d’hémiplégie. En ce qui concerne son côté droit, il n’a pas perdu de capacité, mais il s’agit plutôt d’une sous-utilisation de ses possibilités qui pourrait être travaillée avec quelques séances de kinésithérapie. Vous évaluez alors la motivation de votre patient.
La rééducation kinésithérapique est une composante essentielle du traitement post-AVC dont l’objectif est de retrouver le meilleur niveau d’autonomie possible.
Les soins visent prioritairement la prévention :
→ des complications liées à l’immobilité ;
→ du risque d’œdème de stase et de thrombophlébite par des massages de drainage vasculaire ;
→ du risque d’encombrement trachéobronchique et de pneumopathie par une kinésithérapie respiratoire.
Pendant six à huit mois, la rééducation doit être intensive. Elle peut être organisée d’emblée à domicile si des séances de kinésithérapie cinq fois par semaine sont possibles.
→ Acquisition d’un équilibre, assis, puis debout.
→ Acquisition des transferts (lit/fauteuil, fauteuil/siège des toilettes).
→ Renforcement moteur et rééducation de la marche.
→ Utilisation d’aides techniques ou d’orthèses.
→ Adaptation de l’environnement afin de réduire les situations de handicap.
→ Éventuellement prescription transitoire ou définitive d’un fauteuil roulant.
La rééducation kinésithérapique est souvent interrompue entre le 8e et le 12e mois. Elle est reprise en cas de baisses des performances fonctionnelles, raideurs articulaires, aggravation de la spasticité, avec pour objectifs :
→ le maintien de l’autonomie acquise et de l’adaptation à l’effort ;
→ la poursuite de la prévention des déformations orthopédiques secondaires.
La plasticité cérébrale est la capacité du cerveau à se réorganiser et à permettre le développement de nouveaux circuits neuronaux pour maintenir ou restaurer une fonction altérée. Elle est activée en stimulant les neurones par des mouvements répétés.
« Plus on s’éloigne de l’AVC, moins on attend de récupération spontanée, mais il faut garder à l’esprit que la situation n’est jamais figée », explique Michelle Le Bec, masseur-kinésithérapeute dans l’unité cardiovasculaire du CHU Laennec à Nantes (44). Lorsque la prise en charge kinésithérapique s’arrête, « on recommande de faire quinze jours de rééducation, une fois par an, pour voir ce qu’on peut encore gagner en motricité ». D’autant que certains patients commencent à faire des progrès assez tard. « C’est souvent le cas des AVC hémorragiques. Ils sont déjà rentrés à domicile, et, plus tard, parce que le cerveau fonctionne mieux, on peut envisager des progrès par la rééducation » L’infirmière qui soupçonne l’intérêt d’une reprise de la rééducation doit commencer par évaluer la motivation du patient avant de suggérer au médecin traitant de recourir à l’avis d’un kinésithérapeute.
La rééducation orientée sur des objectifs ciblés peut apporter un gain d’autonomie. Le travail peut porter par exemple sur le transfert du fauteuil au lit et du lit au fauteuil. Une fois que l’objectif est atteint, on passe à un autre objectif.
Avec le temps, de nouvelles difficultés peuvent apparaître et les difficultés anciennes peuvent s’aggraver. La rééducation peut porter sur une réadaptation à l’effort. Il peut être intéressant de sécuriser la marche et, parfois, de mettre en place des aides techniques qui n’étaient pas indispensables jusqu’alors. L’intervention d’un kinésithérapeute doit être envisagée.
La sollicitation du côté hémiplégié, pendant la toilette par exemple, oblige le cerveau à fonctionner. C’est aussi de la rééducation. « Lorsque le cerveau bute sur un mouvement qui ne peut pas se faire, on a l’impression qu’il n’y a rien qui se passe, mais le cerveau travaille quand même », prévient Michelle Le Bec. Ce travail de concentration particulièrement consommateur d’énergie impose de tenir compte de la fatigue du patient, même lorsqu’il y a peu de mouvements visibles. Les signes de fatigue, lassitude ou plainte du patient qui “en a marre”, doivent faire interrompre les sollicitations.
« On a souvent affaire à un déficit dû à une sous-utilisation. En fait, le déficit moteur = déficit neurologique + déficit de sous-utilisation », souligne la kinésithérapeute. Les patients doivent être incités à utiliser le côté atteint dans les actes de la vie quotidienne (toilette, repas, etc.), mais ils doivent être installés dans de bonnes conditions, notamment de sécurité.
Cette douleur concerne une majorité des patients dans les trois premiers mois qui suivent l’AVC et elle limite les possibilités de rééducation. Elle est due à la paralysie de nombreux muscles de l’épaule et elle aggrave la spasticité. L’épaule douloureuse est traitée par des antalgiques, jusqu’à des opioïdes à faibles ou fortes posologies.
L’algodystrophie, ou “syndrome épaule-main”, est une douleur qui apparaît principalement au niveau de l’épaule, le plus souvent entre le deuxième et le quatrième mois après l’AVC. Cette douleur habituellement permanente est souvent associée à des sensations de brûlure et des troubles sensitifs. Elle est aggravée par les mouvements, la mise en charge ou la déclivité du bras hémiplégié. Les traitements antalgiques classiques utilisés en première intention sont peu efficaces. Les corticoïdes per os en cure courte ou en injections intra-articulaires apportent de meilleurs résultats.
Pour prévenir l’algodystrophie, le membre supérieur atteint doit être maintenu par une écharpe de soutien lors de tous les transferts. Il ne faut pas laisser pendre le membre supérieur atteint.
La spasticité est une augmentation involontaire du tonus musculaire caractérisée par une raideur et une difficulté à la mobilisation des articulations. Elle est due à une baisse du contrôle du cerveau sur la moelle épinière qui envoie un nombre important d’influx nerveux vers les muscles qui se contractent. Les douleurs liées à la spasticité sont fréquentes et se manifestent sous forme de crampes au niveau de l’épaule et du coude.
En fonction de la sévérité et de la localisation, la douleur est traitée par voie orale (Liorésal, Dantrium, Neurontin, etc.), injection de toxine botulique (Botox) ou injection de Lioséral directement dans le liquide céphalo-rachidien (traitement le plus puissant). La chirurgie est envisagée lorsque la spasticité est gênante et touche un groupe musculaire localisé.
→ Assurer la rectitude du tronc à l’aide de coussins, d’un dossier ergonomique ou d’un cale-tronc. Les épaules doivent se trouver à la même hauteur.
→ Positionner le bras sur l’accoudoir ou sur une tablette, avec un blocage pour empêcher la chute du bras.
→ Placer le membre inférieur sur un repose-pieds. Ne pas laisser les pieds sans appui.
→ Régler la hauteur du repose-pieds ou des cale-pieds de fauteuil roulant de façon à positionner les genoux et les chevilles à 90°, et obtenir un angle hanche-cuisse d’environ 90°.
→ Les fesses doivent être centrées au fond du fauteuil. Choisir un coussin anti-escarre avec butée d’abduction si le patient a tendance à glisser. La mise en place d’une ceinture de contention nécessite une prescription médicale.
→ Relever légèrement la tête du lit.
→ Placer un coussin sous la tête et l’épaule atteinte.
→ Mettre un coussin sous le bras atteint, en déclive, la main posée à plat.
→ Placer un arceau pour éviter l’apparition d’un pied équin (bloqué en hyperextension).
→ Plier le membre inférieur atteint, en avant du tronc.
→ Placer un coussin (couverture enroulée ou mousses confectionnées par les kinésithérapeutes ou les ergothérapeutes) sous la jambe atteinte (pas sous le genou), un coussin sous le bras atteint et un dans le dos pour la stabilité.
→ Mettre le membre supérieur atteint en abduction (45°).
→ Placer un coussin sous la jambe saine (hanche et genou fléchis), un sous le bras atteint (paume vers le plafond) et un autre dans le dos pour la stabilité.
En cas d’héminégligence (ou négligence unilatérale), la personne se comporte comme si un côté de l’espace ou de son corps n’existait pas. L’héminégligence est un syndrome qui affecte l’attention et la conscience, mais qui n’est pas lié à des troubles moteurs, sensitifs ou visuels.
Elle touche le côté opposé à la lésion cérébrale, le plus souvent le côté gauche.
L’héminégligence est très handicapante et ralentit la récupération fonctionnelle. Elle entraîne un risque de chute ou de blessure car le patient n’a souvent pas conscience de son trouble.
→ Classiquement, le patient prête attention à une personne qui s’approche du côté droit, mais ne réagit pas aux personnes qui se trouvent situées à sa gauche, comme s’il ne les entendait pas.
→ Les mouvements effectués du côté héminégligé sont plus ralentis et de moindre amplitude que ceux dirigés de l’autre côté.
→ Le patient oublie la partie du corps héminégligée : il peut lui arriver de s’allonger ou de s’asseoir sur son membre paralysé.
→ Le patient oublie de se raser ou de se maquiller une moitié du visage, de manger les aliments situés d’un côté de l’assiette ou du plateau, se cogne dans les obstacles situés d’un côté, etc.
D’une manière générale, il s’agit d’attirer l’attention du patient vers le côté négligé tout en assurant sa sécurité. Pour une héminégligence du côté gauche :
→ se placer du côté gauche pour une aide à la toilette, mais disposer ses affaires du côté droit si le patient participe ;
→ lors du repas, décaler les plats du côté droit en les présentant oralement au patient ;
→ dans la chambre, les lunettes, commande d’éclairage, téléphone, sont disposés du côté sain alors que les objets stimulants (commande TV, radio, heure…) peuvent être placés du côté gauche ;
→ dans la pièce à vivre, placer le canapé ou le fauteuil du côté droit de la porte d’entrée pour attirer l’attention du patient du côté gauche lors d’une arrivée. La télévision est légèrement décalée sur la gauche.
* D’après la brochure “La prise en charge de l’accident vasculaire cérébral en 10 points”, collaboration de différents établissements du bassin de santé de Saint-Étienne, coordonnée par le Dr Bénédicte Lê-Quang (www.chu-st-etienne.fr) (voir Savoir plus p. 44).
Michelle Le Bec, masseur-kinésithérapeute dans l’unité cardiovasculaire du CHU Laennec à Nantes (44)
« On travaille sur le cerveau et non pas sur l’hémicorps. Les patients ou leur entourage souhaitent parfois qu’on renforce le bras alors qu’on cherche à renforcer la commande musculaire. C’est la grande différence entre la neurologie et la prise en charge d’une fracture, par exemple. Après un AVC, la plasticité du cerveau est une chance et un atout supplémentaire de récupération. Les maîtres mots pour stimuler la plasticité sont le mouvement et la multiplication des sollicitations »
Laetitia Lelièvre, infirmière libérale à Brest (29)
« J’ai travaillé en neurologie où l’on cherche à favoriser l’autonomie, la mise au fauteuil, etc. Au début de mon exercice libéral, j’ai eu à prendre en charge une patiente de 75 ans atteinte d’hémiplégie qui restait toute la journée dans un lit médicalisé, totalement dépendante des passages des infirmières et du portage des repas. J’ai évoqué avec elle la possibilité d’essayer de récupérer un peu d’autonomie en demandant l’avis d’un kinésithérapeute, mais la patiente, qui s’est adaptée à cette prise en charge depuis plusieurs années, n’y voyait pas d’intérêt. Or un travail effectif de rééducation doit être soutenu par une réelle motivation »