L'infirmière Libérale Magazine n° 290 du 01/03/2013

 

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COLLOQUE → Les personnes âgées présentant des troubles du comportement modérés ou sévères restent minoritaires, mais leur capacité à épuiser les soignants et aidants est redoutable. Comment résister et accompagner ces patients ?

Le “syndrome de Tatie Danielle”, en référence au fameux film d’Étienne Chatiliez sorti en 1990, telle est l’expression choisie par le Dr Jean-Claude Montfort pour désigner un type de personne âgée qui use très vite les nerfs de son entourage : violente, toujours dans le refus et exigeant une présence constante… Ce psychogériatre à l’hôpital Sainte-Anne (Paris) a dirigé un colloque sur “les personnes âgées pas faciles” qui a attiré 350 personnes, à Paris, le 14 février dernier*.

Une grande diversité de comportements y ont été pointés. Conséquences de ces actes et paroles : « Les soignants se sentent impuissants et coupables face à des oppositions et des refus. Ils sont perplexes, voire sidérés par des paroles et des actes inquiétants et déconcertants », commente Jean-Claude Montfort. Ces patients sont peu nombreux, mais un seul d’entre eux peut désorganiser tout un service, voire un établissement entier. Et que dire de la famille, de l’entourage et des soignants au domicile…

Les causes d’un tel comportement sont souvent intriquées. Attention, ces patients ne présentent pas toujours une démence ou une maladie d’Alzheimer. Selon le Dr Jean-Claude Montfort, « l’urgence est à la recherche d’une cause réversible. Parfois, tout rentre dans l’ordre très vite avec la découverte et le traitement gratifiant d’une pathologie telle que le surdosage médicamenteux, l’abcès dentaire, l’infection urinaire, le globe vésical, le fécalome, la fractu re de hanche, l’infarctus du myocarde… ». Si aucune maladie de ce type n’est en cause, il reste à chercher une modification récente dans l’environnement familial ou social. « L’évidence d’une cause psychiatrique peut émerger au fil du temps, telle que la décompensation d’une maladie (dépression hostile, état mixte de l’humeur…), ajoute le psychogériatre de Sainte-Anne. La vieillesse peut aussi rendre visible une maladie psychiatrique restée invisible jusque-là. » Une fois une cause détectée et traitée, les troubles du comportement persistent, mais à un degré moindre, et la vie devient supportable.

Ne pas banaliser

Certaines situations restent énigmatiques. La plupart des intervenants lors de ce colloque incitent à interroger l’histoire du patient : un deuil non fait, un traumatisme, un vécu douloureux ne refont-ils pas surface de cette manière ? Le plus difficile est de parvenir à amorcer le dialogue avec des personnes hostiles ou fuyantes. ­Certains établissements, comme l’hôpital de Niort (79), bénéficient d’interventions de soignants formés à la méthode du “clown relationnel”, qui parvient, par le jeu, les mimiques et les déguisements, à approcher les patients les plus difficiles.

Mais ces activités ne sont pas accessibles au domicile (lire Initiatives p.58). La tâche y est d’ailleurs d’autant plus ardue que l’équipe autour du patient est restreinte… En cas de difficulté, de changement dans le comportement de la personne âgée, l’infirmière libérale doit bien entendu alerter le médecin traitant, selon le Dr Jean Roche, psychogériatre au CHRU de Lille. Il est aussi essentiel de collaborer avec la famille et les proches, lorsque c’est possible.

L’exemple de l’Ehpad Alquier-Debrousse à Paris pourrait être transposé au domicile : dans cet établissement, les soignants effectuent tous les jours un relevé des troubles du comportement constatés. « Il permet de préciser et de visualiser les comportements inadaptés qui sont le plus souvent banalisés par les soignants car multiquotidiens (déambulation, agrippements), alors qu’ils ont un impact fort », explique Françoise Clément, cadre de santé.

* L’organisme de formation Afar a organisé ce colloque : www.afar.org. La retransmission audio du colloque sera disponible à partir de la mi-avril sur ce site. Voir aussi www.psychoge.fr.

Éviter l’épuisement

Selon le Dr Cécile Peyneau, psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne, le trouble du comportement est un mode de communication. Le patient, craignant que la relation ne dure pas, la teste. Dans ce cas, mieux vaut ajuster son attitude, rester contenant… et savoir tenir la demande ou la plainte sans réponse : « Le soignant est souvent pris dans une contrainte de perfection. Or, plus on en fait, moins on réussit. Vouloir trop en faire nous épuise. Il ne s’agit pas de ne rien faire, mais de soigner la relation tout en se protégeant. »