L'infirmière Libérale Magazine n° 290 du 01/03/2013

 

Cigarette électronique

le débat

Voilà maintenant une dizaine d’années que la cigarette électronique est apparue sur le marché. En France, 500 000 personnes l’utiliseraient régulièrement. Peut-elle être considérée comme un moyen d’arrêter de fumer ? La prudence reste de mise.

Pr Yves Martinet,

président du Comité national contre le tabagisme

La cigarette électronique a-t-elle des effets sur la santé ?

Actuellement, il est difficile de répondre à cette question, car il n’existe aucune preuve scientifique sur l’innocuité de la cigarette électronique. Cependant, dans la mesure où nous savons que ce qui tue dans la cigarette classique est le processus de combustion, et que ce processus n’existe pas dans la cigarette électronique, alors nous pouvons être amenés à penser que les risques sont moins importants. Il faut souligner également qu’il existe plusieurs types de cigarettes électroniques : différents appareils, différentes marques, différents types de recharges avec des concentrations de nicotine différentes. C’est pourquoi il y a une grande difficulté à évaluer les effets car, en fonction des produits consommés, les risques seront variés.

Est-ce que la cigarette électronique peut être considérée comme un dispositif pour arrêter de fumer ?

Non. Des études scientifiques sont nécessaires pour s’assurer de l’efficacité du traitement et ainsi dire que ce dispositif peut conduire à l’arrêt du tabac. Il y a encore beaucoup d’inconnues dans ce domaine.

Une réglementation pour encadrer son usage est-elle nécessaire ?

Certainement. Mais les recommandations ne sont pas faciles à faire. Cela dépend de quel point de vue nous considérons la problématique. Si nous nous plaçons du point de vue de la collectivité, nous ne pouvons pas recommander l’usage d’un produit sans savoir s’il est sans risque ou s’il est utile pour arrêter de fumer. Mais, si nous nous plaçons du point de vue du médecin qui reçoit dans son cabinet un patient qui l’informe qu’il a arrêté de fumer grâce à la cigarette électronique, à ce stade, il faut être beaucoup plus pragmatique.

En revanche, il faudra bien informer le patient qu’il faut utiliser la cigarette électronique le moins longtemps possible. Les politiques doivent adopter la plus grande prudence possible pour les décisions à prendre dans ce domaine. Il ne faut pas être dogmatique et, surtout, il ne faut pas discuter avec l’industrie du tabac qui ne cherche qu’à faire du profit en rachetant les entreprises productrices de cigarettes électroniques.

Pr Bertrand Dautzenberg,

président de l’Office français de prévention du tabagisme

La cigarette électronique a-t-elle des effets sur la santé ?

Il n’y a pas d’études sur le sujet, mais la cigarette électronique apparaît comme étant infiniment moins dangereuse que la cigarette classique. Cependant, ses effets ne sont pas nuls : en effet, pour les non-fumeurs, cinq bouffées de cigarette électronique modifient déjà leurs voix respiratoires. Il existe de grandes incertitudes, car les produits utilisés, notamment l’additif alimentaire qu’est le propylène glycol, sont connus pour être consommés dans l’alimentation. Mais ils n’ont jamais été vraiment étudiés pour être chauffés et inhalés.

Est-ce que la cigarette électronique peut réellement être considérée comme un dispositif pour arrêter de fumer ?

Réglementairement parlant non, et les études randomisées disent que non, même si ces études sont anciennes. À l’heure actuelle, si les laboratoires font des études, il n’est pas impossible de démontrer que la cigarette électronique est efficace dans le sevrage tabagique. Personnellement, en tant que médecin, je ne défends ni n’attaque la cigarette électronique. Je ne peux pas conseiller à mes patients un produit qui n’a pas été étudié. Mais, pour les gros fumeurs qui m’informent qu’ils utilisent la cigarette électronique, je les laisse faire, car je préfère cela à la cigarette.

Une réglementation pour encadrer son usage est-elle nécessaire ?

Absolument. L’usage de la cigarette électronique devrait être interdit. L’Union européenne travaille à une réglementation qui permettrait une classification spéciale pour les produits qui ne sont pas des produits du tabac mais qui délivrent de la nicotine. Cela permettrait de mettre en place des avertissements sanitaires et d’interdire la vente de ce type de produit au moins de 18 ans. Car, actuellement, deux tiers des moins de 15 ans qui ont essayé la cigarette électronique n’avait jamais fumé avant. Ce projet de directive aurait dû sortir en décembre dernier, mais le lobby du tabac a eu gain de cause. En France, un tiers des pharmacies vendent des cigarettes électroniques alors qu’elles n’en ont pas le droit. Il faudrait également interdire de fumer la cigarette électronique dans les endroits où il est interdit de fumer la cigarette classique. Pour le moment, rien ne l’empêche.