Cahier de formation
Savoir faire
Vous suivez madame D. depuis plusieurs mois pour un ulcère veineux à la jambe. Cela fait une semaine qu’elle se plaint de la douleur que lui provoque le bas de contention.
Vous avertissez le médecin de la survenue de cette douleur qui pourrait révéler une participation artérielle nouvelle dans l’ulcère veineux de madame D. Il est indispensable de mesurer l’état vasculaire de la patiente pour éliminer une évolution vers un ulcère mixte, veineux et artériel, qui impliquerait une adaptation des soins et de la compression, comme le recommande la HAS
Première étape de la cicatrisation dirigée, la détersion vise une élimination rapide de la nécrose et de la fibrine la plus complète possible et la moins traumatique pour le lit de la plaie. L’infirmière complète la détersion enzymatique naturelle avec un double objectif :
→ le parage de la plaie, c’est-à-dire le nettoyage des fragments de tissus dévitalisés présents dans la plaie qui entraînent un risque infectieux important et empêchent une cicatrisation optimale ;
→ le maintien d’un milieu humide stimulant la prolifération de tissus sains.
Le choix de la technique utilisée dépendra :
→ du contexte de prescription et d’utilisation (ville ou hôpital) ;
→ du niveau de compétence de l’infirmière ;
→ de la tolérance à la douleur du patient.
À domicile, l’infirmière peut pratiquer une détersion mécanique et/ou favoriser la détersion autolytique par des pansements adaptés. Le plus souvent, ces deux méthodes sont associées.
La détersion enzymatique par application d’une pommade (Elase) agit en dissociant les tissus nécrosés. Elle est de moins en moins utilisée car elle est douloureuse pour le patient et délétère pour les tissus sains de la peau périlésionnelle.
La détersion chirurgicale est indiquée en cas de nécrose étendue et/ou profonde, de soins locaux douloureux ou de risque hémorragique important dans un contexte nécessitant un résultat rapide.
D’autres techniques de détersion existent, comme le Vac (Vacuum Assisted Closure) qui utilise la pression négative, ou la larvothérapie, qui emploie les larves de certaines mouches qui, dès l’éclosion de l’œuf, se nourrissent des tissus morts nécrosés.
L’infirmière pratique la détersion mécanique (ou débridement), avec des compresses, curettes, pinces à disséquer, ciseaux ou bistouris. Les compresses sont utilisées pour enlever la fibrine (sur plaie fibrineuse) en veillant à ne pas arracher les bourgeons des tissus sains sous-jacents. « Les bistouris et ciseaux courbes sont intéressants pour la détersion des plaies nécrotiques ou fibrino-nécrotiques, les curettes pour des plaies fibrineuses de type ulcères veineux », conseille Claude Maurier, infirmier libéral, référent en cicatrisation du réseau Dom-Cica 31
Les squames situées sur la peau du pourtour de la plaie doivent être enlevés car ce sont des nids à bactéries. Un curetage avec un abaisse-langue par exemple, en ajoutant du gras (vaseline, paraffine), permet de ne pas blesser le patient. Les squames peuvent être éloignés de la plaie. L’hyperkeratose doit être enlevée de la zone périlésionnelle, notamment dans les plaies du pied diabétique.
« La fibrine rattachée à la nécrose peut être enlevée, mais la fibrine adhérente sera plus difficile à retirer mécaniquement. Il ne faut pas insister, au risque d’être traumatique pour les bourgeons sous-jacents. On est obligé de passer par des pansements d’hydratation qui vont la ramollir et faciliter leur retrait », conseille Jérôme Kern, infirmier libéral à Marseille (13). Il est alors préférable de privilégier une détersion moins intensive mais fréquente, en combinant la détersion mécanique avec des lavages et des pansements adaptés.
La douleur liée à la détersion peut être soulagée par des anesthésiques locaux :
→ application de xylocaïne gel à 2 % ou en spray à 5 % avec un temps de pose d’au moins 15 minutes avant la détersion ;
→ les crèmes anesthésiques à base de lidocaïne et de prilocaïne (type Emla), sont les seules à bénéficier d’une AMM dans l’anesthésie locale des ulcères de jambe exigeant une détersion mécanique longue et douloureuse (posologie et nombre d’applications limités dans l’AMM). Application 1 heure avant le soin (minimum 30 minutes).
Le retrait du pansement et le nettoyage de la plaie sont souvent considérés comme les moments les plus douloureux du soin par les patients. « Quand l’anesthésie locale ne suffit pas, il faut lui associer un antalgique par voie orale. La prescription d’un anxiolytique peut être envisagée avec le médecin », ajoute Claude Maurier.
Certains pansements actifs renforcent la détersion enzymatique naturelle en maintenant un milieu humide et en retirant les débris nécrosés et la fibrine. La HAS limite ses recommandations aux hydrocolloïdes (toutes phases de cicatrisation), et aux hydrogels et alginates en phase de détersion. En pratique, les hydrofibres et les hydrocellulaires sont aussi utilisés.
Les hydrogels agissent en distillant progressivement les 70 à 90 % d’eau qui les compose. Ils sont particulièrement adaptés à la détersion des plaies sèches dont ils hydratent les tissus nécrotiques secs et la fibrine. Ils peuvent être laissés en place entre 48 et 72 heures et ne doivent pas être utilisés sur les plaies infectées ou à risque d’infection.
Avec les hydrogels contenant du chlorure de sodium hyperosmotique (Hypergel par exemple), il est conseillé de protéger le pourtour de la plaie avec une pâte à l’eau pour éviter la survenue d’une irritation.
La forme gel est intéressante pour les plaies profondes et/ou cavitaires. Appliqué en quantité suffisante (5 mm d’épaisseur), le gel est recouvert d’un pansement peu absorbant (hydrocolloïde mince, film polyuréthane).
Les pansements irrigo-absorbants (Hydroclean) agissent comme les hydrogels, mais en diffusant une solution de Ringer.
Les hydrocolloïdes peuvent être utilisés à toutes les phases de la cicatrisation. C’est un réel avantage car ces phases se chevauchent au cours de la cicatrisation. En phase de détersion, il est préconisé de changer l’hydrocolloïde toutes les 48 heures. Lorsque l’exsudation impose de changer le pansement tous les jours, il vaut mieux opter pour des pansements plus absorbants.
Ce sont des pansements naturels à base d’algues avec une forte capacité d’absorption. En contact avec l’exsudat, ils forment une masse gélatineuse qui enferme les débris et les bactéries. Ils sont particulièrement intéressants pour les plaies très exsudatives, mais doivent être évités sur les plaies peu exsudatives (risque d’assèchement !), sèches ou nécrosées. En cas d’adhésion avec une plaie trop sèche, imbiber le pansement de sérum avant de le retirer pour le gélifier complètement et éviter un retrait douloureux.
Ils sont majoritairement composés de fibres de carboxyméthylcellulose (CMC) qui se transforment en gel cohésif au contact de l’exsudat. Avec un fort pouvoir absorbant, ils doivent être évités sur les plaies sèches.
La détersion mécanique est indiquée dès l’apparition d’une nécrose. « Dans l’escarre, en présence d’une zone nécrotique, il faut exciser les tissus morts pour avancer vers le bourgeonnement. Plus on attend, plus on perd de temps », explique Jérôme Kern. Différer une détersion mécanique décidée ou allonger la durée de la détersion par le choix d’une détersion par pansement reporte la cicatrisation de la plaie et allonge la durée de des souffrances morales et/ou physiques pour le patient.
L’excision se fait du centre vers les berges car l’escarre est une plaie de pression dont l’effet se manifeste d’abord en profondeur. La lésion primitive se trouve au centre (en forme de cône), alors que la nécrose est plus superficielle en périphérie.
Le débridement de la nécrose ne doit provoquer ni douleur ni saignement. Une douleur peut être la conséquence de soins douloureux, mais aussi le signe d’une aggravation de la plaie (inflammation, infection…). « Une escarre qui ne guérit pas impose de revoir les problèmes liés à un contexte de polypathologie comme une anémie ou une infection, la qualité des apports nutritionnels, et le respect d’un positionnement adapté. On peut faire une IRM si l’on suspecte une atteinte osseuse ou articulaire, relève le Dr Brigitte Faivre, dermatologue au CHRU Jean-Minjoz de Besançon (25). « Ou bien la prise en charge est pensée correcte, mais elle ne l’est pas, ou il y a un problème sous-jacent. ».
La majorité des ulcères veineux non compliqués sont des plaies planes (parfois un peu “creusantes”), qui présentent relativement peu de nécrose à la surface. La détersion consiste à retirer la fibrine où elle se trouve. Une nécrose tissulaire, souvent superficielle, doit être détergée dans les ulcères plus complexes où cette nécrose est due, par exemple, à une colonisation bactérienne importante ou un œdème incontrôlé. La détersion peut être douloureuse et nécessite parfois une anesthésie locale. Les hydrogels qui hydratent la fibrine et les tissus nécrotiques facilitent leur élimination.
Dans l’ulcère veineux, l’exsudation peut être liée à une plaie en voie de colonisation critique et d’infection. La plaie est plus douloureuse et malodorante. L’exsudation peut aussi être due au retour veineux qui ne se fait pas correctement si l’élasto-compression, traitement étiologique de l’ulcère veineux, n’est pas suffisante ou pas correctement appliquée. « Pour être efficace, une contention veineuse doit être mise avant le lever, le matin. Or les infirmières ne peuvent pas passer chez tous les patients dès le lever, fait remarquer Brigitte Faivre. L’infirmière peut pallier cette difficulté en demandant au patient de s’allonger une heure et demie avant sa venue avec les jambes surélevées pour “vider” à nouveau les jambes. »
La plaie d’un ulcère artériel est souvent profonde et très douloureuse, et la peau périlésionnelle, souvent fragile, doit être impérativement préservée. La détersion réalisée sous antalgique débute par une douche tiède prolongée. La fibrine et les tissus nécrotiques sont ensuite détergés mécaniquement (curette). L’utilisation de pansements à fort pouvoir absorbant (hydrocolloïdes, alginates) impose une surveillance particulière de la peau-périlésionnelle. « Dans l’ulcère artériel, si l’ulcération est distale au niveau de l’orteil, du cou-de-pied ou du bord externe du pied, il ne faut pas déterger sans avoir vu le vasculaire. Il faudra peut être momifier la plaie, on est sur une gangrène, et plus sur un ulcère qu’il faut décaper », avertit Sylvie Palmier infirmière experte plaies et cicatrisation au CHRU de Montpellier (34).
Les soins du pied diabétique sont semblables à ceux des plaies chroniques, mais il ne faut pas espérer une guérison de la plaie si le diabète est mal équilibré et/ou si le patient ne respecte pas la mise en décharge de la zone lésée.
La détersion est indispensable, et vise à retirer tous les tissus nécrotiques et infectés, tous les débris présents dans la plaie pour mettre à nu le tissu sain.
La détersion doit être large, et l’hyperkeratose (corne très dure) sur le pourtour de la plaie est retirée.
(1) “Prise en charge de l’ulcère de jambe à prédominance veineuse hors pansement”, recommandations de la Haute Autorité de santé, juin 2006.
(2) L’association Dom-Cica 31 composée de praticiens hospitaliers et libéraux met à la disposition des infirmières de Haute-Garonne une équipe mobile de professionnels de santé référents pour un conseil ou une expertise des plaies au domicile du patient. Site Internet : www.domcica31.org.
Sylvie Palmier, infirmière experte plaies et cicatrisation au CHRU de Montpellier (34)
« La détersion est généralement considérée comme un soin propre, mais, dans le cas d’une plaie avec un contact osseux chez un patient diabétique immuno-déprimé, des précautions s’imposent pour ne pas rajouter des germes. Même chose pour le soin d’escarre qui n’est pas un soin stérile, sauf à un stade 4 lorsque l’os est atteint, ou pour une plaie sur l’articulation d’un orteil. En orthopédie, quand les os sont à nu, les pansements se font au bloc. La détersion dans une escarre sacrée qui sent mauvais, qui coule, avec un abcès, impose un lavage avec un antiseptique avant d’intervenir avec un bistouri. On risque de déclencher une bactériémie. »